» Un buteur n’est pas toujours au bon endroit par hasard »

A près de 36 ans, le Français a retrouvé toutes ses sensations de buteur au Mambour et piaffe d’impatience à l’idée de s’y inscrire encore un peu plus dans la durée.

Il y a dans son accent chantant des restes de son Sud-Ouest natal. Il y a dans ses manières des habitudes prises dans cette région où il fait bon vivre et bien manger. D’entrée de jeu, il nous parle des spécialités régionales dont il aime profiter. Et l’interview se clôturera sur un sabayon qu’il goûte pour la première fois. A bientôt 36 ans, Cédric Fauré sait ce qui est bon.

 » Je profite sans pour autant exagérer. Je reviens des fêtes et je n’ai pas pris un gramme. Et puis, je dis toujours qu’après un match, il vaut mieux prendre une bière qu’un coca dans lequel il n’y a que du sucre. Dans la bière, il y a du houblon et du malt ! Les bonnes choses de la vie sont des choses saines. Un bon verre de vin, une bonne entrecôte avec de la salade, ça n’a jamais tué personne.  »

Avec 7 buts lors de ses sept derniers matches, toutes compétitions confondues, le papy du noyau carolo a montré qu’il n’avait pas perdu toutes ses sensations de buteur après un début de championnat compliqué. Sport/Foot Magazine est parti à la rencontre d’un joueur atypique, qui a essaimé les clubs de Ligue 1, en changeant à neuf reprises depuis ses débuts comme pro.  » Les événements ont fait que j’ai beaucoup voyagé. A Guingamp, au Mans et au Havre par exemple, j’ai été prêté. A Reims, au contraire, je suis resté six ans !  »

Aujourd’hui, il est un des artisans de cette belle fin d’année carolo. Le Sporting pourrait d’ailleurs devenir l’invité surprise du top-6, à condition que la mécanique ne s’enraye pas.

Charleroi a commencé sa série à partir du moment où vous avez retrouvé le chemin du but. Une coïncidence ?

CédricFauré : Je ne sais pas. Mais à partir du moment où les attaquants marquent et que les défenseurs font des bons matches, ça facilite les résultats (Il sourit). Charleroi a commencé à enchaîner les résultats grâce à mes buts mais aussi à partir du moment où Neeskens Kebano a explosé, où Clément Tainmont et Dieumerci Ndongala ont réalisé de bonnes prestations. Aujourd’hui, la force de Charleroi est le collectif. Peu importe qui joue, il donne son maximum. On l’a vu quand Damien Marcq s’est blessé et qu’il a été parfaitement suppléé par Christophe Diandy.

Est-ce que les résultats des PO2 de la saison dernière ont aveuglé l’équipe en début de championnat ?

Sans doute. Il y a eu un peu de facilité de notre part. Tout le monde nous voyait beau et pensait qu’on n’aurait qu’à paraître sur le terrain. La grosse claque à Lokeren (5-1) nous a réveillés. Et depuis, on n’a perdu qu’un match.

 » On ne voulait pas lâcher le coach  »

Ce soir-là éclate également l’affaire Mazzu…

Nous, on connaît le coach. On connaît sa sincérité. On était peiné par ce qui se passait. On ne voulait pas lâcher le coach. Au contraire, on a voulu montrer qu’on était solidaire avec lui. On voulait lui faire comprendre qu’on désirait travailler avec lui. Car si on en est là aujourd’hui, c’est grâce aussi au bon boulot du coach. Il a su insuffler cet état d’esprit.

Quelle est sa griffe ?

Il peut être très ami avec ses joueurs, rigoler avec eux mais il sait où placer la limite. Et quand il nous demande de bosser, on sait qu’on doit le faire, quoi !

Est-il différent des entraîneurs français ?

Oui, il est plus proche de ses joueurs. On ne voit pas cela en France. Il laisse passer certaines choses et, en contrepartie, il attend qu’on se donne sur un terrain.

Où se situe le potentiel de votre équipe ?

Je ne sais pas. Quand on voit qu’on est la seule équipe à ne pas avoir pris de but contre Bruges, si on ne se repose pas sur nos lauriers, on peut vivre un beau championnat et tenter de gagner la Coupe. Aujourd’hui, on fait partie du top-6 et ce serait bête de dire qu’on ne veut pas y rester.

Quelle est la principale force de l’équipe ?

Mentalement, on est costaud. On est revenu au score à plusieurs reprises. A Zulte Waregem, on a souffert mais on est arrivé à ne rien lâcher.

Vous ne craignez pas le mercato ?

Non car personne ne va partir, d’après ce que Mehdi Bayat nous a dit. Sauf si un club met 10 millions sur Kebano ou Dewaest. Aujourd’hui, Charleroi est dans le top-6. Où vas-tu trouver mieux ?

 » J’aurais mérité plus de possibilités en Ligue 1  »

Vous avez débuté votre carrière pro relativement tard…

J’ai signé à près de 21 ans à Toulouse. Avant cela, j’ai toujours côtoyé les séries nationales mais sans passer par un centre de formation. Pourtant, jeune, j’ai toujours rêvé devenir joueur de foot professionnel. J’ai vite fait beaucoup de sacrifices. A 16 ans, lorsqu’on jouait le dimanche matin, je restais chez moi le samedi soir. J’ai toujours fait attention à tout. Je m’étais donné jusqu’à 20 ans pour faire du foot mon métier.

Vous avez débuté en Ligue 2 avant de monter en Ligue 1 avec Toulouse. Et pour votre première année en Ligue 1, vous marquez 10 buts. Pourtant, après vous avez quasi exclusivement passé votre carrière en L2. Pourquoi ?

Je suis content de ma carrière. Certains de mes amis ont arrêté à 30 ans. Moi, je suis toujours là à 36 ans. Le seul petit regret que je peux avoir se situe peut-être à Toulouse où après mes dix buts, on m’a renvoyé en Ligue 2.

En France, vous avez une étiquette de grand buteur de Ligue 2…

C’est vrai. J’y ai inscrit 101 buts. Je me dis que j’aurais mérité plus de possibilités en Ligue 1, surtout quand je vois que certains joueurs (Hoarau, Charbonnier, Delort) partent à l’étranger ou en Ligue 1 après une seule bonne saison en Ligue 2. Moi, j’ai presté à ce niveau plusieurs années d’affilée.

Comment l’expliquez-vous ?

Peut-être Reims a-t-il fermé la porte à certains clubs ? Peut-être ai-je subi la réputation que Toulouse m’a faite ? Quand j’étais à Toulouse, on a cassé du sucre sur mon dos. Antoine Kombouaré, qui me voulait à Strasbourg, me l’a confirmé quelques années plus tard en me disant :  » Mon pauvre Cédric, si tu savais ce qu’on m’a dit sur toi !  » La seule erreur commise à Toulouse est d’avoir donné une interview dans laquelle je disais que comme je venais de marquer 41 buts en deux ans et demi pour Toulouse, s’il y avait une opportunité de viser plus haut, je ne fermais pas la porte. Ce n’est même pas une bourde ; c’est humain. Quel jeune joueur ne rêve pas d’avoir plus ? Mais cela a été mal pris par le président Olivier Sadran qui m’a démonté devant tout le vestiaire.

 » J’ai dépassé Raymond Kopa comme meilleur buteur de Reims  »

Vous avez été meilleur buteur de L2 à deux reprises, décroché la montée à trois reprises (Toulouse, Reims et Guingamp). Espériez-vous à chaque fois une vraie chance en L1 ?

Oui, surtout à Reims. Je me sentais vraiment bien là. J’ai marqué plus de 70 buts en Champagne. J’ai eu l’honneur de dépasser Raymond Kopa au classement des meilleurs buteurs de l’histoire du club. J’espérais vraiment m’épanouir en L1… pour finalement ne même pas y goûter. Ça fait partie du foot.

Qu’est-ce qui a foiré à Reims ?

On me reprochait d’être trop gourmand sur le plan financier. La seule chose que je demandais est une option d’un an, comme celle que j’ai obtenue à Charleroi.

Et au Havre ?

L’entraîneur de l’époque, Jean-Marc Nobilo, m’a fixé des objectifs dignes d’un attaquant de l’équipe de France. Je me suis mis trop de pression et au bout de six mois, je suis reparti parce que l’entraîneur ne me reprenait plus dans le groupe.

Durant toutes ces années, vous n’avez cessé de déménager…

Ça fait partie du métier : voyager, s’adapter, déménager. Des joueurs comme Steven Gerrard qui restent toute leur carrière dans un seul club, il n’y en a pas des millions. On sait très bien qu’on est appelé à partir à tout moment. Et on essaye de s’habituer à chaque région. Mais c’est enrichissant au niveau culturel.

Vous avez quitté Guingamp en janvier et, en juin, le club breton remportait la Coupe de France. N’est-ce pas frustrant ?

Si, un peu. Même si on est gratifié d’une médaille parce qu’on a participé à l’aventure, j’aurais préféré la vivre avec eux jusqu’au bout ! Mais entre rester sur le banc à Guingamp et jouer à Charleroi, je n’ai pas hésité ! Certes, il s’agissait d’un départ pour un championnat que je ne connaissais pas bien. Mais à Charleroi, tout a été très simple grâce à la présence de nombreux joueurs francophones et français.

 » Si Totti ou Di Natale peuvent jouer au plus haut niveau, pourquoi pas moi ?  »

Et puis votre femme vient d’Anderlecht ?

Elle est d’origine capverdienne mais elle a la nationalité belge. Elle était contente de revenir près de sa famille.

Comment avez-vous vécu votre passage sur le banc ?

Je m’y attendais à partir du moment où je ne marquais pas. Mais ça a été bien expliqué. La concurrence fait partie du métier. Si on n’est pas capable de l’accepter, on n’a rien à faire sur un terrain. Je ne baisse jamais les bras. Je n’ai peut-être pas les qualités techniques de certains mais il n’y en a pas beaucoup qui ont le mental que j’ai. Aujourd’hui encore, je sais que le plus gros de ma carrière est derrière moi mais j’espère encore écrire de belles pages.

Ce mental vous a permis de surmonter un début de saison poussif…

J’ai marqué lors de mon premier match. Puis, j’ai connu un long passage à vide. Sans réussite. Mais je n’ai pas paniqué. Ce n’est pas la première fois de ma carrière que ça m’arrive ! J’ai continué à travailler jusqu’à ce premier déclic à Mouscron. Ce n’est même pas un but qui m’a redonné confiance mais un assist pour Kebano !

Comment expliquez-vous le silence d’un attaquant ?

Ce qui me rassurait, c’est que j’avais beaucoup d’occasions. Je savais qu’à un moment, ça allait bien entrer. Et puis, après Mouscron, les buts se sont enchainés.

A l’inverse, comment expliquez-vous cette facilité à trouver le chemin des filets ?

Un buteur naît buteur. Depuis tout petit, il est attiré par le but, sait se situer par rapport à lui, comment reprendre le ballon. C’est inné. Après, on le travaille et le peaufine. On m’a souvent dit que j’étais au bon endroit. Ce n’est pas le hasard. On ressent les trajectoires, on sait ce qui va se passer.

Vous n’avez pas marre qu’on parle sans cesse de votre âge ?

Non, ça ne me dérange pas. Même les supporters m’appellent papy. C’est vrai qu’on parle plus de mon âge que de celui de Timmy Simons. Lui ce qu’il fait paraît normal alors que moi, ça a l’air de relever de l’exploit ! Il y a d’autres vieux attaquants comme Totti, Giggs ou Di Natale. Et eux, ils évoluent au plus haut niveau. Si eux sont capables de le faire, pourquoi pas moi ? Si j’ai tenu jusqu’à cet âge-là, c’est sans doute parce que quand je rentre chez moi, je coupe. Je me promène avec ma femme et mon fils, une belle façon d’évacuer la pression.

 » J’ai l’intention d’ouvrir un bar à vins avec François et Marcq  »

Vous négociez même une prolongation d’un an ?

Oui, je me sens bien ici. Et pourquoi pas ensuite intégrer le staff ? Le club est en train de grandir et je me vois bien l’accompagner dans sa progression sur et en dehors des terrains.

Mais vous avez aussi d’autres projets pour votre après-carrière ?

Je suis en train de monter une société de conciergerie (SERVIP) qui s’occuperait de gérer les à-côtés pour les footballeurs. Tout au long de ma carrière, j’ai remarqué que les jeunes étaient mal conseillés. Et puis, avec Guillaume François et Damien Marcq, on a l’intention d’ouvrir un bar à vins, centré sur les vins du Sud-Ouest.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE/STOCKMAN

 » Aujourd’hui, on fait partie du top-6. Ce serait bête de dire qu’on ne veut pas y rester.  »

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