Un autre KAISER

Même s’il n’est pas en grande forme pour le moment, voici le meilleur joueur allemand de champ de la décennie.

Une question : Michael Ballack (27 ans) est-il un médian défensif ou offensif ? Réfléchissez bien car le Bayern Munich, pour le compte duquel Ballack se produit depuis un an et demi, n’a toujours pas la réponse. L’année dernière, nul ne s’est d’ailleurs interrogé. Transféré pour pallier le départ de Stefan Effenberg, il s’est rapidement imposé grâce à son flair, alors que les observateurs se demandaient comment il allait réagir, en quittant le paisible Leverkusen, où rien n’est un must, pour le Bayern, où la victoire est une obligation. Dans la banlieue de Cologne, Klaus Toppmöller accordait à Ballack la liberté de jouer selon son instinct. Même Ottmar Hitzfeld n’imaginait pas que le jeune médian s’impose aussi vite dans la capitale bavaroise, au point de faire oublier Stefan Effenberg.

L’été dernier, Ballack a remporté deux trophées avec le Bayern, puisqu’il a réalisé le doublé coupe/championnat, à temps pour restaurer son image de perdant. Avec son premier club de Bundesliga, Kaiserslautern, il a été sacré champion d’emblée alors que les Diables Rouges venaient de monter de deuxième Bundesliga. Il n’était toutefois qu’un joker. Hormis ce titre, jusqu’à l’été passé, on n’associait Ballack qu’à des défaites importantes. Avec son premier club, le Chemnitzer FC, n’avait-il pas été relégué de D2 quand Kaiserslautern l’avait enrôlé ? Ensuite, lors du dernier match de la saison 1999-2000, il suffisait à Leverkusen de s’imposer sur le terrain du modeste Unterhaching pour fêter son premier sacre national. Il a échoué. Ballack a marqué contre son camp. A sa grande surprise, le Bayern a profité de ce faux-pas pour rafler le titre.

Il y a deux ans, quatre trophées étaient à portée de Ballack. Il n’en a pas remporté un seul. Avec Leverkusen, en l’espace de deux semaines, il a galvaudé le titre, perdu la finale de la Coupe et celle de la Ligue des Champions. Ces coups du sort n’ont pas affecté sa forme ni son enthousiasme. Durant la Coupe du Monde, l’Allemagne a découvert une seconde figure de proue, après son gardien, Oliver Kahn. Durant la demi-finale contre la Corée du Sud, Ballack a démontré qu’il était un joueur d’équipe en toutes circonstances. Il a même acquis une stature héroïque. Il a marqué un but décisif. Ensuite, sur une perte de balle d’un coéquipier, il s’est sacrifié, se jetant sur un Coréen avant qu’il ne pénètre dans le rectangle, alors qu’il savait que la carte jaune qu’il allait recevoir le priverait de la finale, une finale qu’a perdue l’Allemagne mais que nul n’eût osé espérer avant le début du Mondial.

Après deux magnifiques saisons, le moteur s’est enrayé. Il n’en faut pas davantage pour qu’on pointe l’artiste du doigt. On a oublié les paroles de Franz Beckenbauer, auquel on avait demandé si l’Allemand de l’Est pouvait être considéré comme le Kaiser des temps modernes :  » Oui, car comme moi, il ne doit pas regarder le ballon. Il peut observer le jeu, jauger l’adversaire et jouer sans perdre une seconde « .

Ballack n’a pas seulement de la classe. Il s’exprime bien, il a une aura et est un footballeur complet, formé à l’ancienne école de la RDA, où le collectif primait l’individu. Affilié au Chemnitzer FC dès 14 ans, il a appris à jouer indifféremment des deux pieds et a acquis un formidable jeu de tête. Il n’était pas mû par la faim mais par le talent car, selon les normes est-allemandes, il a grandi dans une famille prospère. Il a suivi la Réunification à la télévision, à 13 ans. Après celle-ci, son père a fondé sa propre entreprise de construction. Ballack vit pour son sport. Il ne boit ni ne fume. Il avait expliqué à un Ottmar Hitzfeld agréablement surpris qu’il réservait les fêtes aux vacances d’été et au Nouvel An.

Son modèle : un inconnu

Il fait preuve de la même sagesse en-dehors du terrain, en s’entourant d’un spécialiste de marketing. Il a l’intelligence de ne pas se mêler de choses qu’il ne maîtrise pas. Les sponsors font la file, alléchés par l’image positive et la classe du joueur. Peu de footballeurs consacrent autant de temps à distribuer des autographes aux supporters et aux enfants. Il estime que son statut de vedette implique des responsabilités. Dans sa jeunesse, il avait une idole : Rico Steinman, un élégant médian de Karl-Marx-Stadt qui a ensuite défendu les couleurs du FC Cologne et joué aux Pays-Bas mais dont la renommée n’a guère dépassé les frontières de l’Allemagne :  » Je rêvais de jouer aussi bien que lui « .

Ballack construit sa carrière pas à pas. Il y a deux ans, il a préféré le Bayern au Real Madrid.  » Il me semblait plus pertinent de me préparer à la Coupe du Monde 2006 dans le meilleur club du pays « . Au début de cette campagne, aux yeux d’Ottmar Hitzfeld, il était un joueur de classe mondiale dépourvu de points faibles :  » Il est irremplaçable. Il pourrait être un meneur de jeu mais un véritable numéro dix prépare les buts des autres alors qu’il marque lui-même « .

Dès sa première saison, Oliver Kahn l’a considéré comme un leader, un homme capable d’assumer ses responsabilités, sur le terrain et en-dehors.

Klaus Toppmöller, son entraîneur à Leverkusen, ne tarit pas d’éloges à son égard :  » Il peut jouer partout, en fait. Il possède toutes les qualités requises dans l’entrejeu. Il défend bien, il sait pertinemment quand il doit descendre ou monter. Il a commencé au libéro mais si on l’aligne en attaque, il marque « .

Un bon EURO pourrait faire taire les critiques qui se sont élevées depuis quelques mois mais le sommet de sa carrière doit être le Mondial 2006, en Allemagne. Ballack a effectué ses débuts en équipe nationale en 1999, contre l’Ecosse. Durant l’EURO 2000, il a sombré en même temps que son équipe. Ensuite, Rudi Völler a remplacé Erich Ribbeck. Ballack et Völler sont unis par de profonds liens. Quelques années auparavant, quand l’ancien international a mis fin à sa carrière active pour rejoindre le staff technique de Leverkusen, Ballack a repris son dossard. Völler est une des rares personnes à n’avoir aucun doute quant à la vocation réelle de Ballack dans l’entrejeu. Mercredi dernier, contre la Roumanie, le sélectionneur a constaté, une fois de plus, la différence qu’il y avait quand Ballack ne jouait pas. Pour lui, il est le médian le plus dangereux d’Europe devant le but :  » Zinedine Zidane est sans conteste le meilleur joueur du monde mais à la fin de chaque saison, Ballack compte plus de buts que le stratège français « .

Völler le sait : Ballack peut évoluer à toutes les positions, à condition qu’il puisse monter régulièrement et gicler dans le rectangle adverse.

Michael Ballack (1,89 m, 80 kg) est né le 26 septembre1979 à Görlitz, en ex-Allemagne de l’Est. A fait ses classes à Motor Karl-Marx-Stad avant de passer au Chemnitzer FC. En 1997, il a rejoint Kaiserslautern où il resta deux saisons avant de passer à Leverkusen. C’est après le Mondial asiatique qu’il a été transféré au Bayern Munich. Jusqu’au week-end dernier, il avait disputé 175 matches en Bundesliga et inscrit 48 buts. Il compte 37 sélections (14 buts).

Geert Foutré

 » Zidane est le meilleur au monde, mais BALLACK MARQUE PLUS  » (Rudi Völler)

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