Un athlète complet

Comme ses collègues belges, il est loué à l’étranger. Pour ses qualités d’arbitre et de sportif accompli car l’un ne va pas sans l’autre…

Il a été une des révélations de l’arbitrage durant le Mondial. Frank De Bleeckere (40 ans) a sifflé jusqu’en quarts de finale alors que des monuments de la corporation ne faisaient plus que de la figuration. Depuis, il a dirigé plusieurs joutes de très haut niveau, comme le dernier Real-Bayern en Ligue des Champions.

Repéré à 34 ans par l’UEFA dans le cadre du programme  » Mentors et talents « , il est depuis entraîné par un compatriote, Werner Helsen, professeur à la KUL. Celui-ci assure la préparation des arbitres FIFA et UEFA tout au long de l’année, en plus des stages et des tournois. Frank De Bleeckere est son cobaye attitré :  » Souvent, il me propose un nouvel exercice et nous en étudions les résultats ensemble. J’ai énormément progressé sous la houlette de Werner. Avant, je m’entraînais à l’instinct. Mais notre approche est désormais très scientifique « .

Un arbitre a généralement 10 ou 15 ans de plus que les footballeurs qu’il dirige. Pour prendre de bonnes décisions et conserver un bon placement sur le terrain, il doit être frais. Or, c’est généralement dans les vingt dernières minutes d’un match que se produisent les phases les plus importantes ou difficiles à juger. Au moment où les joueurs se ressentent de leurs efforts, l’arbitre doit conserver sa lucidité, alors que pendant tout le match, il n’a cessé de sprinter et qu’il abat de 10 à 12 kilomètres. En Ligue des Champions, un arbitre change d’activité toutes les quatre secondes en moyenne : il passe de l’arrêt à la course, au sprint, etc. Frank De Bleeckere est toujours muni d’un pulsomètre :  » Le pouls ne forme jamais une ligne constante. Il ne cesse de monter et de descendre. Si l’endurance constitue une base indispensable, nous devons surtout exercer notre résistance « .

Un match est une longue séance d’interval-training durant lequel l’arbitre est contraint à des déplacements latéraux ou à reculons, sans jamais quitter le ballon des yeux, ce qui sollicite aussi les muscles de manière très différente. Werner Helsen :  » Les arbitres effectuent des exercices de course en diagonale, comme les juges de touche s’entraînent à courir en portant leur drapeau vers le bas, la tête tournée. Pas facile : ils doivent courir droit tout en regardant ailleurs. Les arbitres observent le jeu tout en se déplaçant « .

En plus des matches, un arbitre de l’élite s’entraîne près de dix heures par semaine. Frank De Bleeckere est relations publiques chez Dhondt, un fabricant d’escaliers et de portes :  » La société m’octroie des facilités. Je m’entraîne de 8 h à 10 h avant de me rendre au travail et je rentre chez moi vers 17.30 h, ce qui m’offre un bon équilibre – primordial – entre travail, arbitrage et vie familiale. J’ai également la chance d’avoir un excellent kinésithérapeute, Bernard Vandevelde, que je vois une fois par semaine, à titre préventif « . L’arbitre l’avoue : si un de ces éléments lui faisait défaut, l’ensemble s’effondrerait comme un château de cartes, d’autant qu’en Belgique, les arbitres sont loin de jouir des mêmes conditions qu’à l’étranger. Ainsi, quand il s’est blessé pendant les tests de qualification pour le Mondial, il a subir deux séances de kiné par jour, pour se rétablir à temps pour de nouveaux tests :  » Ces frais sont à ma charge et en plus, en cas de blessure, je ne peux arbitrer. Je perds donc de l’argent « . D’où l’importance d’un entraînement parfaitement dosé.

Son programme

Frank De Bleeckere s’entraîne généralement sur un terrain de football, soit dans les conditions de match. Pour ménager ses articulations, il a banni l’asphalte. Pendant les trêves, il court sur une piste finlandaise – un sentier en copeaux de bois- ou sur le sable quand il séjourne à la Côte.  » Ce dernier est excellent pour la résistance : c’est beaucoup plus dur « .

Samedi : match

Dimanche : repos.

 » Avant, j’effectuais un jogging de décrassage mais mon corps aspire au repos « .

Lundi : 45 minutes de course, en récupération.

Mardi : le jour le plus dur.

20 minutes de course, dix de stretching en guise d’échauffement puis une série d’interval-training :  » Par exemple, je sprinte d’un point de penalty à l’autre, aller et retour, au même rythme. C’est d’autant plus dur que mon effort est cassé quand je dois pivoter, ce qui arrive constamment en match. Cette distance représente environ 160 mètres. J’observe cinq secondes de repos puis je repars. J’effectue deux séries de dix, avec un repos de quatre minutes entre les séries. Mon pouls retombe à 60 « . Ensuite, stretching et retour au calme de dix minutes.

Mercredi : repos

Jeudi : une nouvelle séance d’interval-training, moins ardue que le mardi.

Echauffement et cool down sont identiques mais :  » Je cours de la ligne de but au point de penalty, aller et retour, puis de la ligne du rectangle à la ligne médiane, etc « .

Vendredi : préparation du match en effectuant des sprints courts, pour l’affûtage.

 » Je peux aussi effectuer la séquence suivante : je me déplace à reculons ou latéralement le long de la ligne du rectangle, je sprinte jusqu’à la ligne médiane et reviens lentement vers le but « .

Ses recettes

Ce sont souvent des petits plus qui font la différence. En voici quelques-uns, sélectionnés parmi les plus utiles.

Stretching.

 » A force de courir à reculons, nous souffrons des tendons d’Achille. Ce fut mon cas il y a deux ans. Werner m’a conseillé un exercice tout simple, que je peux effectuer à la maison, sur une marche d’escalier. Depuis, je n’ai plus de problème « . En appui sur la pointe des pieds, il abaisse les deux talons puis les remonte. Ensuite, il descend un talon à la fois, le plus bas possible, et maintient la position une vingtaine de secondes.

Musculation.

Les traditionnels pompages font travailler les bras – importants dans les sprints – et, en statique, les muscles du tronc, abdominaux et dorsaux.

Les set up (couché – debout) sollicitent les abdos :  » Ils sont insuffisants chez la plupart des gens. Je ne fais pas exception à la règle. Pourtant, ils sont essentiels pour assurer la stabilité du corps « . Werner Helsen a concocté deux exercices pour ses arbitres internationaux.

1/ couché sur le flanc, une jambe fléchie, Frank est en appui sur un avant-bras et le genou fléchi. Il tend l’autre jambe dans l’axe du corps, en conservant la position :  » Je renforce ainsi le bassin, les abdominaux obliques et la face externe des jambes « . Il répète bien sûr l’exercice de l’autre côté.

2/ face au sol, en appui sur les avant-bras et la pointe des pieds, Frank doit tendre son corps comme une planche puis lever un pied et maintenir la position.  » Les abdominaux et le quadriceps travaillent beaucoup. Combien de temps je tiens ? De 20 à 30 secondes. Le plus longtemps possible. Au début, c’était plutôt vingt secondes que trente. Il est difficile de faire plus de deux répétitions « .

par pascale piérard – photos reporters/buissin

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