Un an avant le Mondial

Le coach néerlandais Ruud Krol a failli être champion d’Afrique du Sud avec Orlando Pirates. Il analyse la répétition générale de la Coupe du Monde 2010.

Le véhicule de Ruud Krol en Afrique du Sud est aisément reconnaissable : sur les flancs sont peints les emblèmes des Orlando Pirates, qui est en fait le drapeau des pirates de jadis. Une tête de mort et deux os. L’entraîneur des Buccaneers, comme on appelle le plus ancien club de foot d’AfSud, fondé en 1937, sort de l’auto et court vers la cafétéria où nous avons rendez-vous. L’ancien défenseur vedette d’Ajax et des Pays-Bas vient d’avoir 60 ans mais reste fit ( NDLR : il a débuté sa carrière de coach au FC Malines en 1989 où il resta une saison).

Un garçon de café se dirige aussitôt vers lui mais sa promptitude n’a rien à voir avec la commande. Il demande :  » Je suis un grand supporter des Pirates et de vous-même. Puis-je avoir un autographe ? » Krol signe gentiment et ajoute :  » Auriez-vous un double expresso pour moi ? »

Après un faible début, ponctué de deux points en quatre matches, Orlando a failli remporter le championnat mais SuperSport United s’est imposé au goal-average. Le club de Krol a atteint la finale de la Telkom Knockout Cup, qu’il a perdue fin 2008 face à l’Ajax Cape Town.  » Nous avons développé le football le plus attractif « , souligne Krol.  » En fin de championnat, la pression a peut-être été trop lourde pour certains joueurs. Cela nous a coûté des points précieux durant les dernières semaines. Rater le titre à cause du goal-average est extrêmement décevant. Cela continue à me ronger, mais c’est inhérent à la vie d’entraîneur.  »

Une répétition générale

Le 14 juin dernier, la Coupe des Confédérations, toujours organisée un an avant le mondial a débuté par Afrique du Sud-Irak. Pour le pays organisateur, cette compétition constitue une répétition générale. Elle regroupe les vainqueurs des six championnats organisés par les confédérations de la FIFA et le champion du monde en titre, l’Italie. Le Brésil est le seul à s’être adjugé le tournoi à deux reprises, en 1997 et en 2005.  » Cette Coupe constitue toujours un test pour le pays organisateur « , explique Krol.  » Pour le sélectionneur de l’Afrique du Sud, le Brésilien Joel Santana, c’est une possibilité de voir comment ses joueurs se comportent face à de bonnes nations du football.  »

Bafana Bafana, comme on surnomme l’équipe nationale, n’a plus disputé que des matches amicaux depuis son élimination en qualifications de la Coupe d’Afrique début 2009. Elle occupe actuellement le 72e rang au classement FIFA, à proximité de la Nouvelle-Zélande et de l’Irak, respectivement 82e et 77e. A titre d’information, la Belgique est 63e.

L’Afrique du Sud vient de s’adjuger la Mandela Cup en battant la Norvège 2-1 mais elle s’est inclinée face au Chili (0-2) et au Portugal (0-2).  » Il est difficile de juger des matches amicaux. Ainsi, la Norvège sortait du froid et a joué par 38°. Elle en a manifestement souffert. L’Afrique du Sud s’est facilement imposée alors que la Norvège est un adversaire coriace, en général.  »

L’Afrique du Sud a été balayée par le Chili.  » Celui-ci joue bien et recèle une série de talents « , commente Krol à propos de l’équipe entraînée par l’Argentin Marcelo Bielsa.  » Il développe un football de pression. Le Chili a constamment freiné l’Afrique du Sud très tôt, ce qu’elle ne supporte pas. La vitesse d’exécution de la plupart des Sud-Africains n’est pas assez élevée pour connaître le succès face à des pays comme le Chili.  »

Tactiquement nul

Le Brésilien Carlos Alberto Parreira avait repris la sélection africaine début 2007. Son salaire : 140.000 euros par mois pour un sélectionneur de renom. A la tête du Brésil, celui-ci a remporté le Mondial américain de 1994.  » Parreira joue toujours de manière très organisée « , poursuit Krol. L’homme a toutefois démissionné au printemps 2008 à cause de la maladie de sa femme. Un autre Brésilien, Santana, a pris la relève. Il n’avait encore jamais dirigé de sélection nationale.  » En 18 mois en Afrique du Sud, je gagnerai autant que durant toute ma carrière jusqu’à présent « , a déclaré Santana à la presse brésilienne quand la SAFA, la fédération sud-africaine, a annoncé son embauche.

Les commentateurs sud-africains reprochent sa nullité tactique et si Krol ne va pas aussi loin, il reconnaît que  » l’organisation de l’équipe est moins bonne qu’avec Parreira.  » Le Brésilien n’a pas repris l’attaquant Benni McCarthy pour la Coupe des Confédérations. McCarthy avait entamé sa carrière à l’Ajax, en Europe, et joue actuellement aux Blackburn Rovers mais il est en froid avec la SAFA et a décliné ses sélections pour les matches amicaux des derniers mois, officiellement parce qu’il était blessé mais la fédération en doute.

Santana a longtemps soutenu McCarthy, estimant son expérience précieuse. Krol ajoute :  » C’est un péché d’écarter Benni de la Coupe des Confédérations mais c’est le choix de Santana et son bon droit. « 

Santana a également boudé Richard Henyekane, le meilleur réalisateur du championnat avec 18 buts pour les Golden Arrows. Mabhuti Khenyeza, l’attaquant de l’Ajax Cape Town, numéro deux avec 16 buts, a été sélectionné mais écarté en dernière minute pour n’avoir pas entamé le stage le 13 mai, à cause d’un  » rituel traditionnel lié au décès d’un membre de la famille.  » Le joueur a réagi à son exclusion :  » Je me moque de jouer pour l’Afrique du Sud ou non. Qu’elle fasse ce qu’elle veut…  »

Krol aborde l’absence des deux meilleurs buteurs de la saison passée.  » En ne se présentant pas au rendez-vous, un joueur comme Khenyeza donne le ton. Un rendez-vous est un rendez-vous. Si un joueur ne respecte pas ce qui est convenu en-dehors du terrain, il ne le fera pas en cours de match non plus. « 

Krol s’étonne de l’absence de Glen Salmon, l’avant du champion SuperSport United. Il est revenu la saison passée en Afrique du Sud après avoir longtemps joué aux Pays-Bas, au NAC Breda et au FC Groningue.  » Glen serait un bon fer de lance.  » L’Amstellodamois remarque, à propos du style de jeu parfois incompréhensible de l’Afrique du Sud :  » Attendons de voir comment elle va jouer. Avec un avant ou deux ? Santana veut-il aligner deux médians défensifs ? Nous devons d’abord observer son approche. La Coupe des Confédérations montrera si sa tactique peut constituer une source de succès ou pas.  »

La presse sud-africaine spécule déjà sur le renvoi de Santana si l’équipe n’atteint pas au moins les demi-finales… et Krol est cité comme un des candidats à sa succession, suite à ses brillants résultats avec Orlando cette saison. Le président des Buccaneers n’est autre qu’ Irvin Khoza, le patron du football sud-africain même s’il n’est officiellement que vice-président de la SAFA.

Des soucis

Krol juge préoccupant le manque d’expérience internationale de la plupart des Sud-Africains. Cette saison, SuperSport United et l’Ajax Cape Town n’ont même pas atteint la phase en poules de la Ligue des Champions africaine. Depuis deux ans, aucune formation sud-africaine n’y est parvenue. Le dernier succès d’un club en Ligue des Champions remonte à 1995. Orlando Pirates avait été champion et l’année suivante, l’Afrique du Sud avait remporté la Coupe d’Afrique.

Comme l’Egypte, l’Afrique du Sud dépêche peu de footballeurs de talent en Europe. Les ténors égyptiens, Al Ahly et Zamalek, brillent toutefois sur le continent. L’Egypte a d’ailleurs gagné la Coupe d’Afrique en 2006 et en 2008.

L’Afrique du Sud n’attache pas beaucoup d’importance à la Ligue des Champions.  » C’est ce qu’elle dit « , réagit Krol.  » Mais il faut quand même une certaine mentalité pour connaître le succès sur le podium international. Un joueur a d’ailleurs besoin de cette mentalité pour être bon dans les matches internationaux, surtout dans des tournois comme la Coupe des Confédérations. « 

Steven Pienaar a joué pour l’Ajax et se produit maintenant pour Everton. Krol l’a connu quand il était entraîneur-adjoint de l’Ajax :  » Steven doit devenir un des piliers des Bafana Bafana, avec son expérience. Il est très motivé, aime s’entraîner et veut sans cesse progresser. Il a débarqué très jeune de l’Ajax Cape Town à Amsterdam et s’y est épanoui.  »

Les supporters sud-africains n’aiment guère Pienaar, qu’ils jugent trop arrogant. Le joueur ne l’est pas mais il ne manque pas d’assurance et n’hésite pas à donner son avis. Evidemment, certaines de ses déclarations, véridiques, ne plaisent pas. Style :  » Beaucoup de footballeurs sud-africains se plaignent trop vite et n’ont pas la mentalité requise pour réussir en Europe. « 

En revanche, Teko Modise, le médian d’Orlando Pirates, est très populaire. Aux yeux de Carlos Alberto Parreira, c’est un diamant brut.  » Teko est un bon footballeur, avec et sans ballon « , analyse Krol.  » Il a 26 ans mais il n’a effectué ses débuts en Premier League sud-africaine qu’il y a trois ans. Il a un bon tir et une brillante action. Teko a quelque chose de spécial mais il a une large marge de progression dans l’exécution de ses tâches défensives. Il a aussi tendance à tirer au but trop précipitamment.  »

Unité

Le dernier grand succès de l’équipe nationale sud-africaine date de 1996, quand elle avait gagné la Coupe d’Afrique. Durant ce tournoi, disputé en Afrique du Sud, Krol entraînait l’Egypte, le seul pays qui avait vaincu les Bafana Bafana en poules.  » A l’époque, il y avait une équipe composée de brillants joueurs comme Lucas Radebe, Mark Fish, MarkWilliams, Phil Masinga, Shaun Bartlett et Eric Tinkler. On ne peut comparer l’équipe d’alors à l’actuelle car le football a beaucoup changé. Cependant, l’équipe de 1996 était unie, animée par la rage de vaincre. Elle avait une excellente mentalité, qui fait défaut maintenant. Santana doit tenter de la réveiller dans son noyau. Il en a le temps pendant la préparation de la Coupe des Confédérations.  »

Les Sud-Africains estiment que leur football rappelle celui du Brésil. Krol fronce les sourcils puis lâche :  » Absolument pas. Les Brésiliens jouent un football totalement différent. Ils ont un niveau supérieur dans toutes les facettes du jeu et cela commence par la discipline. Evidemment, on ne peut comparer les cultures. L’africaine est très différente de la brésilienne. Cependant, le passé culturel d’un peuple a un impact sur le style de jeu. « 

Krol considère le Brésil, l’Italie et l’Espagne comme les principaux candidats à la victoire en Coupe des Confédérations.  » Si l’Espagne dépêche son noyau complet, elle est la favorite. Son style de jeu est fantastique, tout en mouvement. L’équipe a une âme et joue simplement. « 

par ernest landheer (voetbal international)

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