Un an après l’attentat

Voici tout juste un an, le Sierra-Léonais y était allé d’un tacle assassin sur le Courtraisien Jimmy Hempte. Depuis, il s’est assagi.

S ydney Kargbo :  » Ce match de Coupe de Belgique au Kavéconstitue, de loin, le pire souvenir de ma carrière. A cette occasion, j’avais précipité l’élimination du FC Brussels, dès son entrée dans cette épreuve, suite à une intervention par trop rugueuse, les deux pieds en avant, sur le Courtraisien Jimmy Hempte. La sanction du referee, Stéphane Breda, ne s’était d’ailleurs pas fait attendre : renvoi immédiat de la pelouse. Une année plus tard, je me demande toujours quelle mouche avait bien pu me piquer. Certes, quelques adversaires avaient essayé de me déstabiliser en me balançant des insultes. Mais j’en avais déjà entendu des vertes et des pas mûres sur d’autres terrains belges depuis mes débuts, quelques mois plus tôt, et cela ne m’avait jamais empêché de garder mon sang-froid. Là, pour je ne sais quelle raison, j’ai complètement pété les plombs. Je n’en voulais pas à cet homme en particulier. N’importe qui dans mes parages aurait subi mes foudres. Ce n’est qu’après coup, dans l’intimité du vestiaire, que j’ai pleinement réalisé la gravité de mon geste. Et ma toute première préoccupation, lorsque mes coéquipiers vinrent m’y rejoindre, fut de leur présenter mes excuses. L’entraîneur, qui avait déjà tenu à me réconforter dans le car qui nous ramenait vers la capitale, prit encore soin de me téléphoner le même soir. Albert Cartier se doutait fort bien que j’étais seul, chez moi, et que je ruminais ma déception.

Le lendemain, à son instigation, j’ai tenté de prendre langue, au téléphone, avec ma victime. Sans succès, hélas. En désespoir de cause, je lui ai écrit une lettre. Elle est restée sans réponse. Dommage, car j’aimerais une trace ou une parole de sa part pour que l’affaire soit classée. Pour lui, du moins, car je n’aurai mes apaisements que le 31 décembre prochain. Jusqu’à cette date, il m’est interdit de replonger, sans quoi j’écoperais automatiquement d’une lourde suspension, puisque ma peine – 4 matches fermes à partir du 23 novembre 2006 – avait été assortie d’un sursis portant sur un même nombre de rencontres tout au long de l’année 2007. Je dois donc être vigilant durant deux bons mois encore si je ne veux pas être rattrapé par mon passé. J’ai retenu les leçons de tous ces événements et je me suis assagi. La preuve : je n’ai été gratifié que d’un seul bristol jaune depuis lors. Et encore était-ce pour un hand tout à fait involontaire à Lokeren, dernièrement. Plus jamais, je n’ai été pénalisé pour une faute intempestive depuis un an. Et j’escompte bien poursuivre sur cette voie. Je m’y applique d’ailleurs journellement sous la férule du coach « .

Bras levés ou écartés

 » Avant, j’avais fréquemment tendance à utiliser la grande faucheuse ou à m’aider des bras pour stopper mon opposant direct. En dépit des remontrances d’Albert Cartier, qui m’obligeait à rester debout et à ne pas employer mes mains, je ne parvenais pas à me dominer. Mes quatre semaines à l’écart des terrains m’ont poussé à la réflexion et je me suis juré de rester maître de mes actes en toutes circonstances. Le staff m’y aide car dès l’instant où l’on ne voit pas mes mains lors d’un duel, mon équipe est automatiquement pénalisée d’un coup de réparation. Aux dires du coach, c’était la façon d’agir jadis, au FC Metz, avec un certain Rigobert Song qui, à ses débuts, avait également tendance à s’acharner sur tout ce qui bougeait. Quand je vois le chemin parcouru par le défenseur camerounais – NDLR : 103 x international, 29 ans et toujours à Galatasaray après Metz, Salernitana, Liverpool, West Ham, Cologne et Lens –, je me dis que c’est une bonne chose.

Cette règle m’oblige à aborder l’adversaire avec les bras levés ou écartés, au lieu d’essayer de le retenir par le maillot, et je remarque que j’utilise beaucoup mieux mon corps pour faire écran, aujourd’hui, que je ne le faisais jadis. A présent que je suis plus solidement campé sur mes appuis, je n’ai plus tendance non plus à faire n’importe quoi. Ma propension à tacler plus souvent qu’à mon tour avait pour effet que je me retrouve aussi, invariablement, en équilibre instable. Dans ces conditions, je jouais à l’emporte-pièce, sans la moindre précision dans mes passes. L’essentiel, pour moi, était de dégager le ballon le plus loin possible. Si je ne possède toujours pas la qualité des longues balles à suivre d’un Eric Deflandre ou encore d’un Zoltan Petö, je relève quand même moins d’approximations.

Cette progression m’a poussé également à m’enhardir. Il n’y a pas si longtemps encore, j’avais peur de recevoir le ballon. Dès l’instant où il était en ma possession, je tenais à m’en débarrasser le plus vite possible. Maintenant, je n’hésite plus à me démarquer ou à décrocher pour offrir une solution à mes partenaires.

Pour l’heure, je reste encore la plupart du temps dans mon camp. Mais à l’avenir, je compte quand même m’impliquer davantage au-delà de cette zone. A l’image de ce que faisait mon frère Ibrahim lorsqu’il était encore au Brussels. Ceci dit, Cartier m’exhorte régulièrement à ne pas vouloir le copier coûte que coûte. Et c’est vrai qu’ Ibou avait ses qualités, surtout techniques, qui lui permettaient de faire judicieusement le surnombre dans l’entrejeu, voire plus haut sur le terrain, alors je tire l’essentiel de mes aptitudes sur le plan physique. Reste que je me suis tout de même sensiblement rapproché de lui ces derniers mois. Longtemps, il n’y en avait que pour lui au sein de la défense des Leone Stars, l’équipe nationale de Sierra Leone. Il en était la pierre angulaire alors que je faisais figure de substitut. Chemin faisant, je l’ai rejoint puisqu’au cours de mes semaines de misère à Molenbeek, j’ai eu droit, malgré tout, à un petit coin de ciel bleu en sélection sous la forme d’une première association avec lui, en défense, à la faveur d’un déplacement au Bénin. Une partie que nous avons perdue par 2 à 0. Mais là n’était pas l’essentiel pour nous deux…. « .

Retrouvailles à Freetown

 » Après cette joute, je suis retourné pour la première fois depuis 2001 à Freetown, la capitale de la Sierra Leone, dont je suis originaire. C’était très émouvant car j’ai revu des membres lointains de ma famille ainsi que des amis que je croyais disparus à jamais, emportés par la guerre civile. La réciproque était tout aussi vraie car beaucoup avaient écarquillé les yeux en me voyant associé chez les Leone Stars au côté d’ Ibou. Certains avaient même fait des paris concernant mon identité car ils n’imaginaient pas que nous étions apparentés.

Il est vrai qu’au moment de quitter la maison familiale pour échapper aux rebelles, j’avais 13 ans et je n’étais pas plus haut que trois pommes. Ma transformation physique avait de quoi en surprendre plus d’un. D’où, bien sûr, les interrogations légitimes. J’ai encore joué à l’une ou l’autre reprise avec mon aîné depuis. Mais il s’agissait essentiellement de rencontres amicales. Le mois prochain, nous serons toutefois repris pour un match en Guinée Equatoriale, crucial dans le cadre de la Coupe du Monde 2010. A l’aller, je n’avais pu me libérer et mes compatriotes l’avaient emporté 1 à 0. Au retour, nous serons appelés à défendre ce but d’avance et le coach compte sur les Kargbo Brothers pour mener cette tâche à bonne fin. J’espère que nous réussirons dans cette entreprise et que, dans la foulée, nous qualifierons pour la toute première fois le pays en vue de la phase finale de la Coupe du Monde. Jouer avec mon frère, pour mon pays, en Afrique du Sud, c’est un rêve que je caresse depuis un bon bout de temps déjà « .

par bruno govers

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