Un absent très présent

A Eupen, ça devient une drôle d’habitude : le grand absent n’a jamais tort.

Depuis fin novembre, Antonino Imborgia se partage entre l’AS Eupen et l’US Grosseto, une équipe bien installée en milieu de classement en D2 italienne. En apprenant que l’investisseur transalpin des Pandas avait accepté le poste de directeur sportif du club toscan, ils avaient été nombreux à penser que, dans la foulée, il allait quitter le Kehrweg. Mais Imborgia n’a pas disparu et a pris place sur le banc lors du match contre le Lierse (c’était le monsieur avec un bonnet coloré)…

Antonino Imborgia :  » Vous savez, depuis que j’ai accepté la proposition de Grosseto, je suis venu cinq ou six fois à Eupen pour rencontrer les personnes qui gèrent le club au quotidien. Je ne suis pas le propriétaire du club mais le point de référence. Rien n’a changé : Dieter Steffens, le président, Manfred Theissen, le directeur général, et Eugenio Caligiuri, le team-manager, sont toujours bien présents. Donc, le fait que je sois en Italie n’a aucune influence sur la vie du club. La seule différence est que, comme on joue également le samedi en Serie B, je ne peux pas assister aux matches « .

Il est vrai aussi que, fin septembre, au lendemain de l’affaire Eziolino Capuano, ce bougre d’entraîneur resté à peine 19 jours, Imborgia avait décidé de se faire plus discret jusqu’à la fin de la compétition.

A défaut de pouvoir tirer le bilan de la saison, qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant cette première partie de la compétition ?

Notre objectif est depuis toujours le maintien et, en attendant qu’il soit acquis, notre principale victoire est d’avoir gagné la considération du public. Quand le championnat a commencé, nous étions une entité totalement inconnue et tout le monde se demandait ce que nous venions faire en D1. Pour certains, nous n’aurions même pas dû avoir le droit de l’intégrer. Ma plus grande sensation est de constater que l’équipe a été à la base d’un changement d’idées. Désormais, le public éprouve de la sympathie pour Eupen, qui dégage une image positive. Je ne dis pas que, si on se sauve directement, le monde du foot belge sera content. Mais ce sera une belle histoire et un message de confiance pour tous les autres clubs qui espèrent vivre la même chose que nous.

C’est la saison que vous vous attendiez ?

Oui, c’est la saison à laquelle je m’attendais, avec 1.000 difficultés et 1.000 erreurs. J’assume mes responsabilités mais je ne culpabilise pas car mes erreurs, d’autres les auraient faites aussi. Soyons honnêtes. Si, l’été dernier, on nous avait dit que nous serions toujours en course à la fin de la saison, nous aurions signé des deux mains. Et si Eupen se maintient, le mérite revient aux joueurs et au coach. Ils affichent une sensationnelle volonté de sauver le club.

 » Fin août, on avait déjà lancé les faire-part pour nos funérailles « 

Kadhafi dit la même chose de ses partisans.

Il ne faut pas comparer un fait politique dramatique avec le football. Mais je fais référence à une déclaration de Wesley Sonck qui a prétendu que dans le noyau du Lierse, il y avait des joueurs à l’esprit amateur. Je ne sais pas jusqu’à quel point cette affirmation est vraie mais à Eupen, tous les joueurs se donnent à fond.

On veut envoyer Eupen en D2 ?

Ce sont des blagues. Je ne crois pas en un complot. Tout d’abord parce que j’estime que si les arbitres voulaient vraiment nous faire perdre, nous ne serions pas revenus du Lierse avec un point. De toute façon, on doit se dire que le deuxième carton jaune à Momo Dahmane respecte le règlement. Il y a comme partout dans tous les championnats du monde un minimum de sujétion psychologique chez les arbitres, qui sifflent plus facilement contre les petites équipes. A faute égale, un joueur d’Eupen recevra une carte jaune alors qu’un Anderlechtois ne l’aura peut-être pas, c’est clair. Mais il ne faut pas exagérer et parler de l’existence d’un projet visant à mener Eupen en D2. Je me répète : si cela avait été le cas, nous serions déjà largués.

Les images parlent en votre faveur.

Cela me fait plaisir d’entendre les médias prétendre qu’Eupen est désavantagé par l’arbitrage. Cela signifie qu’ils éprouvent de la considération pour l’équipe et son jeu. Que les journalistes l’affirment, c’est logique mais il ne faut toutefois pas rechercher le scandale. J’ai vu l’émission de la RTBF où on a montré les erreurs d’arbitrage lors des deux confrontations avec le Lierse. A l’aller, l’arbitre a injustement annulé le deuxième but d’Ervin Zukanovic et au retour, il aurait dû accorder le goal de Dahmane plutôt qu’exclure le joueur. Dans les deux cas, nous aurions mené par deux buts d’écart et nous pouvons raisonnablement supposer que nous l’aurions emporté. Au Lierse, à 11 contre 11, notre supériorité dans la circulation du ballon était éclatante. Bref, avec quatre points de plus et deux en moins pour le Lierse, la cause aurait été déjà entendue et le maintien assuré.

700.000 euros de droits TV

Du coup, le championnat n’est pas fini et vous n’allez pas nous faire croire que vous trouvez que c’est mieux ainsi ?

Non, je pense qu’il ne faut pas accabler les arbitres car, dans les deux cas, ils ont suivi le conseil de leurs assistants. Il y a dix jours, M. Wouters aurait-il dû contredire son adjoint qui n’était pas pris par la densité de l’action ? Le juge de touche n’avait aucun obstacle dans son champ de vision. La voie était libre et il s’est trompé. Je pense qu’il ne faut pas mettre directement ces fautes sur le compte de la mauvaise foi. En tant qu’homme de sport, je veux rester positif. Et je me dis qu’après notre défaite (2-0) à Charleroi, fin août, on avait déjà lancé les faire-part pour nos funérailles. Et je vois que nous sommes toujours là en train de lutter avec des équipes qui ont plus de possibilités que nous. Le Lierse a six ou sept joueurs expérimentés et a accumulé 18 millions de déficit couverts par le propriétaire égyptien. Ceci n’est pas une critique car je ne considère pas que le fait d’avoir beaucoup de sous soit un défaut. Et la personne qui en a est totalement libre de les dépenser comme elle l’entend. Le Germinal Beerschot a aussi un plus gros budget que nous et représente une ville importante comme Anvers. Ce qui vaut également pour Charleroi, qui peut tabler sur un gros potentiel.

Vos nombreux changements ont dû également vous coûter cher ?

Non, nous n’avons pas accumulé un euro de dette. Pas une banque ne nous a fait un euro de crédit. C’est la raison pour laquelle nous sommes devenus crédibles. Eupen est l’équipe qui perçoit le moins de droits TV : 700.000 euros soit 300 ou 400 de moins que le Lierse, qui a une histoire. Mais nous sommes toujours là malgré nos petites possibilités, nos petites finances et notre petite ville. C’est superbe que l’on puisse continuer cette aventure alors que nous sommes armés de pistolets à eau et que les autres possèdent des chars.

A propos de moyens : que pensez-vous du million alloué au descendant ? Les clubs de D2 considèrent cela comme une concurrence déloyale.

Je trouve logique que l’on accorde ce parachute au club qui descend. La saison dernière pour monter en D1, Eupen a dû affronter des équipes comme Mons, Tubize et Dender, les descendants, qui avaient des moyens supérieurs. D’accord, Tubize a coincé mais ce n’était pas le cas de Mons qui était encore donné favori lors du tour final.

On pourrait penser qu’un dirigeant accepte de descendre pour empocher le million ?

Pas Eupen. Rester en D1 signifie plus de rentrées. Et si on reçoit deux millions de droits tv, je cite un montant au hasard, on a de quoi régler pas mal de problèmes.

 » La réforme est un faux problème « 

Que pensez-vous de la formule du championnat ?

L’année dernière, je suis monté grâce à elle, je ne vais donc pas la contester. L’important est que les règles soient connues dès le départ. Elles ne peuvent pas être modifiées en cours de jeu. Ce n’est pas bon pour la régularité du championnat. C’est aussi pour cela que les discussions s’éternisent et s’enveniment. Si on décide de revoir la formule, on peut très bien le faire en trois jours sans multiplier les réunions par dizaines. Je sais que les supporters préféreraient la formule classique à 16 ou à 18 avec le premier champion et deux ou trois descendants selon le nombre d’équipes. Personnellement, je me dis que si les dirigeants de la Ligue pro ont pris cette décision, c’est en vertu d’une obligation commerciale. S’ils ont opté pour cette formule c’est qu’ils veulent vraiment faire croître les rentrées des clubs et améliorer le niveau du championnat. Et puis, il faut être raisonnable ; s’il n’y avait pas Anderlecht, Bruges, Gand, Genk et évidemment le Standard, quels droits tv pourraient revendiquer les autres équipes ? Ce serait zéro ! A partir du moment où le G4 propose une augmentation de ceux-ci aux petits clubs, comment peuvent-ils refuser ? Sans les droits tv, c’est la mort du football dans tous les pays. Tout a donc été résolu avec l’argent.

C’est pour cela qu’Eupen a accepté la prolongation de la formule actuelle ?

Je n’ai pas pris part aux négociations mais j’ai bien entendu été tenu au courant des débats. En fait, la réforme est un faux problème. Car il n’y a rien à faire, il faut admettre qu’Eupen doit se débrouiller avec un budget de 4 millions alors qu’Anderlecht en a 40 ou que Westerlo doit faire avec 5 ou 6 alors que Bruges en a 30 et ainsi de suite. Au-delà de l’aspect financier, il faut reconnaître qu’Eupen ne pèse pas lourd face aux grands, qui commandent la compétition. Contrairement à d’autres clubs, Eupen n’a pas de vécu en D1. Et vous voyez Eupen aller dire à Bruges ce qu’il doit faire ? Personnellement, je ne suis ni pour ni contre le G4, ce qui m’importe c’est que la compétition conserve un certain équilibre. J’estime, par exemple, qu’il faut plus tenir compte des résultats de la saison régulière pour les play-offs 2. Idem pour le choix du deuxième descendant : je ne trouve pas qu’il doive participer à un tour final avec les équipes de D2. J’opterais plutôt pour de vrais barrages entre quatre équipes de D2 avec des demi-finales (style 2e contre 5e et 3e contre 4e) et le vainqueur de la finale affronterait l’avant-dernier de la D1.

Et les play-offs 3 : est-ce que vous croyez que les gens seraient emballés par cinq matches entre Eupen et Charleroi, par exemple ?

Ah non, vous n’allez quand même pas me condamner à ces barrages. Non, je n’en veux pas.

C’était un exemple, disons alors Lierse-Charleroi.

Je ne sais pas quel est l’attachement du fan belge à son équipe. Mais si ces cinq matches peuvent assurer le maintien en D1, il doit aller aux cinq matches. Je pense que cette série de matches est plus correcte que la formule de l’année dernière où Roulers a dû patienter deux mois avant de disputer le tour final avec les équipes de D2. Et j’insiste sur ce point, même si ce manque de compétition de l’équipe flandrienne nous a favorisés.

PAR NICOLAS RIBAUDO

S’il y avait eu un complot visant à envoyer Eupen en D2, nous serions déjà largués depuis longtemps.

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