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Ukraine de champion

Genk espère décrocher le quatrième titre national de son histoire et se qualifier ainsi directement pour les poules de la Ligue des Champions. Pour Ruslan Malinovski, c’est l’occasion de réaliser un rêve qu’il caresse depuis tout petit.

Il se fait un peu attendre car l’entraînement a duré plus longtemps que prévu. Pour patienter, on nous offre une grande tasse de soupe aux légumes. Genk est toujours sous le coup du départ inopiné d’ Alejandro Pozuelo au FC Toronto. Selon beaucoup d’observateurs, le rôle de Ruslan Malinovski en play-offs 1 sera plus important que jamais. Pour l’Ukrainien, c’est l’occasion unique de jouer la Ligue des Champions et d’entendre retentir l’hymne qui l’hypnotisait lorsqu’il était enfant.

RUSLAN MALINOVSKI :  » Chez nous, à Zhytomyr, à 140 km à l’ouest de Kiev, je regardais les matches à la télévision avec mon frère aîné et je rêvais déjà de disputer la Ligue des Champions. Cet hymne me remplit d’énergie. Arsenal était mon équipe favorite et Thierry Henry, mon idole. Pourtant, mes parents n’aimaient pas le football. Ils travaillaient tous deux dans le monde de la musique. Mon père jouait de l’accordéon et ma mère chantait. Mon frère, qui a huit ans de plus que moi, jouait au football. Je prenais exemple sur lui.  »

En Ukraine, si on voit que vous avez un ego surdimensionné, on s’arrange pour qu’il devienne tout petit.  » Ruslan Malinovski

 » Mes parents m’ont permis de réaliser mon rêve  »

A l’âge de 12 ans, Ruslan fut repéré par un recruteur du Shakhtar Donetsk. Peu après, il prenait le chemin de l’académie du grand club ukrainien, à 860 km de Zhytomyr. Il s’y rendait en train : 13 heures aller et 13 heures retour. Il avait le droit de rentrer chez lui deux fois par an.

MALINOVSKI :  » La première année fut très dure mais quand on se voit offrir une telle chance, on la saisit et on mord sur sa chique. Car c’est la meilleure académie du pays, une des meilleures au monde, même. Alors, on ne se pose pas de question. Là, tout est mis en oeuvre pour permettre de vivre son rêve, de travailler et de progresser. Des anciens de ma ville qui étaient passés par là me l’avaient dit.

Lorsque j’étais jeune, je devais me contenter de peu. Certains garçons avaient déjà un ordinateur et une PlayStation alors que nous n’avions même pas un bon téléviseur. Nous ne captions qu’une chaîne mais ça ne m’a pas fait de tort, ça m’a motivé car je rêvais de beaucoup de choses et j’étais convaincu qu’en faisant de mon mieux au football, j’allais les obtenir.

J’ai donc dit que je voulais jouer au football et aller au Shakhtar. Quand je suis parti, ma mère était extrêmement triste mais mes parents m’ont toujours soutenu. Certaines personnes bloquent les rêves de leurs enfants en les obligeant à accorder la priorité aux études mais pas eux. Ils savaient que j’avais un rêve et ils m’ont aidé à le réaliser. Comme eux avaient rêvé d’être musiciens et y étaient parvenus.  »

 » Au Shakhtar, c’était couvre-feu à 23 heures  »

A Donetsk, il était loin de chez lui. De plus, au centre de formation du Shakhtar, le football était très différent de celui auquel il était habitué.

MALINOVSKI :  » Dans ma ville, à l’entraînement, on lançait un ballon sur le terrain et il fallait se débrouiller avec ça. A Donetsk, nous avions tout : salle de fitness, sauna, piscine, ordinateurs, terrains en herbe, terrains synthétiques indoor et outdoor. Nous étions deux par chambre et nous mangions trois fois par jour.

Nous fréquentions une école normale mais certains cours étaient réservés aux joueurs. Lorsque nous avions du temps libre, nous avions l’autorisation d’aller en ville, au cinéma, au bowling ou de passer du temps avec les copains. Nous devions rentrer pour sept, huit ou neuf heures du soir et être au lit à onze heures.

C’était une très belle époque. Je m’entraînais avec les meilleurs joueurs du pays et nous disputions des tournois à l’étranger. Nous vivions ensemble, jouions ensemble et allions à l’école ensemble. Nous étions toujours ensemble. J’avais des amis, de bons entraînements, de bons repas et de bons équipements.

Je pense que, quand on vit cela, on apprend plus vite à prendre ses responsabilités que quand on a toujours des parents derrière soi. Ça aide à atteindre des objectifs dans la vie, même si chacun est différent. Je me souviens de quelques garçons qui ne supportaient pas l’éloignement. Moi, je m’amusais bien et j’aimais ce que je faisais.  »

 » J’ai touché au but au Zorya Luhansk  »

Mais à la fin de sa formation, il n’est pas retenu.

MALINOVSKI :  » Je n’ai pas été repris dans la 3e équipe, les U19 ou les U21. J’ai dû rentrer chez moi. Ce fut très dur mais je n’ai pas lâché prise. Je suis parti dans un petit club de régionale tout en continuant à chercher un club pro. Plusieurs formations étaient intéressées mais personne ne voulait payer les indemnités de formation. Pour pouvoir m’entraîner chaque jour, je m’entraînais avec deux clubs. Et j’allais régulièrement courir au bois avec mon frère.

Puis, après le Nouvel An, le Shakhtar m’a rappelé. Le coach des U21 était parti à Sébastopol et avait emmené plusieurs joueurs avec lui. Plusieurs joueurs de Shakhtar 3 ont donc dû jouer en U21 et l’équipe manquait de forces vives. C’est comme ça que je suis revenu. Heureusement car je traversais une période très difficile et, si elle avait duré six mois de plus, je ne sais pas si je serais revenu à ce niveau. Je voulais absolument saisir cette deuxième chance.

Au Shakhtar 3, en D3, j’ai commencé sur le banc. Un jour, il y a eu un malade et j’ai été titulaire. J’ai marqué et on a commencé à m’aligner plus souvent. J’ai ensuite été prêté à Sébastopol, en D2. C’est là que j’ai connu ma future épouse, Roksana. Elle m’a suivi à Zorya Luhansk, en D1.

La première saison, nous avons terminé à la sixième place, le meilleur résultat du club depuis longtemps. La saison suivante, nous nous sommes classés quatrièmes. J’avais vraiment l’impression de bien faire mon boulot et de toucher au but.  »

 » Je ne suis devenu international qu’en U19  »

Fin juillet 2015, il inscrivait deux buts pour le compte de Zorya Luhansk à Charleroi et faisait la différence en match aller du troisième tour préliminaire de l’Europa League. Cela n’échappait pas aux meilleurs clubs belges. Pendant le match Michel Preud’homme et son adjoint brugeois Philippe Clement s’envoyaient des SMS. Le lendemain, ils appelaient Vincent Mannaert qui leur répondait que Malinovski appartenait encore au Shakhtar et était beaucoup trop cher.

Finalement, c’est Dimitri de Condé qui, en janvier 2016, amenait le médian ukrainien à Genk. Une location. Un an et demi plus tard, les Limbourgeois le transféraient à titre définitif. Aujourd’hui, Malinovski est un des joueurs les plus importants du club et de l’équipe nationale. Et cela alors qu’il n’a jamais été sélectionné en équipe d’âge et que le Shakhtar ne voulait plus de lui.

MALINOVSKI : » Je ne suis devenu international qu’en U19, lorsque j’étais à Sébastopol. Et je n’ai joué que quelques matches. Tout a vraiment commencé en U21. Au centre de formation, je n’étais pas prêt. Parfois, je ne jouais même pas. Peut-être certains joueurs étaient-ils meilleurs que moi. Ce ne sont pas toujours les plus talentueux qui y arrivent car le passage des équipes d’âge au statut professionnel n’est pas facile. Il faut travailler plus, rester stable dans les moments difficiles et continuer à prester.

C’est pourquoi de nombreux coaches préfèrent les joueurs disciplinés et forts mentalement. En football, ce n’est pas toujours ce qu’on sait faire du ballon qui compte. C’est l’esprit d’équipe, le respect des consignes… Celui qui pense qu’il peut y arriver rien qu’en dribblant se trompe. En Ukraine, si on voit que vous avez un ego surdimensionné, on s’arrange pour qu’il devienne tout petit (il rit). Là, le talent ne compte plus, on vous remplace par quelqu’un qui remplit son rôle et travaille pour l’équipe.  »

 » Je suis très heureux d’être bien entouré  »

Malinovski est un perfectionniste. Il vit pour le sport et se montre parfois critique envers lui-même et envers les autres. Quand ça ne marche pas comme il le souhaite, il râle et ne contrôle pas toujours ses émotions. Du coup, il disparaît du match pendant quelques minutes.

MALINOVSKI : » C’était comme ça avant, en effet. Je suis un peu comme ma mère : explosif et émotif. Maintenant, j’arrive à rester plus calme. Avec les années et l’expérience, on change. On apprend et on réagit différemment. J’en ai souvent parlé avec le coach. Maintenant, j’aborde davantage les matches en me disant qu’on verra bien comment ça va se passer. Je vais de l’avant, je regarde moins derrière moi. Ce qu’il me reste à faire est plus important que les erreurs que j’ai commises par le passé. Je pense que je suis plus relax.  »

Il se dit heureux de pouvoir compter sur un entourage fiable. Sa famille, ses parents, son frère, sa femme, ses amis du monde du football comme Maksym Malyshev (Shakhtar Donetsk), son agent Vadym Shablii de ProStar et le représentant de celui-ci en Belgique, Sergei Serebrennikov.

MALINOVSKI :  » Je suis très heureux d’être bien entouré. C’est très important pour un joueur. Il y a deux ans, j’ai été absent des terrains pendant huit mois suite à une blessure aux ligaments croisés du genou gauche. Je peux avant tout compter sur ma femme, qui me soutient, m’aide et me conseille en toutes circonstances. Elle me dit toujours de rester calme sur le terrain, de ne pas réagir (il rit). Parfois, à la maison, je fais du yoga avec elle. Elle veille aussi beaucoup à mon alimentations. Depuis que je ne bois plus de lait, que je mange plus de poisson et que je ne mange plus que très rarement de la viande rouge, je me sens mieux. J’ai perdu un kilo et demi au cours des derniers mois.

Mais les relations au sein du club sont très importantes également et je suis aussi très heureux de pouvoir compter sur un type formidable comme Sergei. Il a joué au plus haut niveau, comprend tout, reste calme et gentil. Je peux vous dire que tous les agents ne sont pas comme ça.  »

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