TUEUR DE CLICHÉS

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

A la fois dynamo et métronome, le médian français sabre dans les jugements hâtifs et l’avalanche de critiques.

Les Zèbres sont-ils une des déceptions de la première ligne droite de la saison ? Leur cinquième place finale, en mai dernier, n’a-t-elle pas créé des attentes déraisonnables ? Sont-ils simplement à leur place dans le classement actuel ? Ils permettent en tout cas de noircir des pages, sont de bons clients dans les émissions sportives de la télé, offrent de la matière aux reporters de la radio. Ils suscitent des commentaires en sens divers. Bref, Charleroi vit !

Sébastien Chabaud, le médian défensif français du Sporting, commente tout ce qui se dit et s’écrit sur son club. Mais aussi tout… ce qui pourrait se dire et s’écrire. Il fait le tri, garde ce qu’il considère comme de l’info, jette ce qu’il prend pour de l’intox. Chabaud joue au vrai ou faux…

Sébastien Chabaud est plus que jamais la dynamo de cette équipe.

Sébastien Chabaud : On le dit et on l’écrit, donc ça doit être vrai… Les Belges me qualifient aussi de métronome, un terme que je ne connaissais pas en France. Ça fait plaisir, évidemment, ça prouve que je ne passe pas inaperçu, que j’ai une certaine utilité pour le Sporting.

Sébastien Chabaud n’est pas apprécié à sa juste valeur.

Vrai. Mais c’est le poste qui veut ça. J’y suis habitué puisque j’ai toujours joué comme médian récupérateur. Je ne me sens pas du tout frustré par rapport à un quelconque déficit de popularité. Dans chaque équipe, il faut au moins un gars pour faire le sale boulot. Pourquoi devrais-je changer d’attributions si ça me réussit bien ?

Sébastien Chabaud mérite mieux que ce rôle ingrat.

Faux. Je ne revendique rien d’autre. Je joue simple, je fais mes matches, je suis utile : ne changeons rien !

 » Contentons-nous de matches nuls en attendant des jours meilleurs  »

Charleroi en déplacement, c’est horriblement défensif et peu spectaculaire.

Faux. Il faut accepter de voir le côté positif des choses : notre jeu nous rapporte des points et c’est bien ce que nous visons en priorité. On nous reproche d’être bien organisés ? N’importe quoi. Charleroi pratique le même système depuis que Jacky Mathijssen est arrivé. La presse ne nous embêtait pas au début, mais il faut croire que notre confirmation dans la durée a changé le regard des gens. Nous alignons deux médians défensifs en déplacement, un seul à domicile. Cela me paraît totalement logique. Et ce n’est de toute façon pas parce que notre entrejeu a une coloration plus défensive que nous ne savons pas nous montrer dangereux. Prenez le match récent contre Bruges : vu la valeur de l’adversaire, l’entraîneur avait choisi de poster deux médians récupérateurs, même si c’était un match à domicile. Résultat ? Nous avons mis trois buts aux champions de Belgique ! C’est horrible, tout cela ? La presse doit faire son boulot et je sais que cela passe par des critiques négatives. Mais ce n’est pas notre problème. A la fin du mois, nous calculons les points que nous avons marqués et les primes qui arrivent dans notre portefeuille.

Le public revient en masse à Charleroi mais il mérite mieux que ce que vous avez montré depuis le début de la saison.

Faux. N’importe quel public se déplace pour voir son équipe gagner, et si nos supporters regardent bien, ils voient sûrement que nous faisons le maximum. Ça n’a pas trop bien marché jusqu’à présent mais le vent finira par tourner.

Autant le brin de chance était présent la saison dernière, autant il vous fait défaut depuis l’été passé.

Vrai. Nous avons fait 6 nuls lors des 9 premières journées. Si nous avions toujours la réussite qui nous a accompagnés pendant toute la saison dernière, il y aurait eu quelques victoires supplémentaires dans ces matches. Avec un peu de chance, nous n’aurions jamais été rejoints après avoir mené deux fois de deux buts contre Bruges, par exemple. C’est la vie, c’est le foot, la roue tourne. A nous de continuer à travailler pour que cette réussite revienne le plus vite possible. Il faut aussi savoir la provoquer en s’obstinant dans le boulot bien fait.

On n’avance pas avec des matches nuls.

Vrai. Même s’il faut tempérer : les matches qu’on ne peut pas gagner, il faut tout faire pour ne pas les perdre… La saison passée, nous avons plus d’une fois porté le coup fatal à l’adversaire dans les dernières minutes. Ça n’a pas encore voulu marcher dans ce championnat. Contentons-nous donc de nuls en attendant des jours meilleurs.

Il y a un an, vous aviez gagné vos trois premiers matches en déplacement. Cette saison, vous n’en avez pas encore remporté un seul.

Vrai, évidemment. Mais nous n’avons pas encore perdu non plus en déplacement. Quatre matches, quatre nuls, ce n’est pas un mauvais bulletin. La saison dernière, notre bon bilan à l’extérieur, en début de saison, s’expliquait peut-être inconsciemment par nos défaites systématiques à domicile. Nous compensions chaque fois.

Jacky Mathijssen est plus content de son bilan qu’il y a un an.

Vrai. Il a raison. Le bilan en points est moins bon mais notre quotidien est plus sain parce que nous savons où nous allons. Nous n’avons plus de doutes sur la valeur du groupe, nous savons où nous allons et ce que nous sommes capables de réussir, les jeunes apportent une concurrence parfaitement saine.

 » Bertrand Laquait moins décisif ? N’importe quoi  »

Vous êtes désormais attendus par tous vos adversaires et c’est une des explications de votre classement actuel.

Vrai. Notre cinquième place a fait réfléchir tous nos adversaires, l’effet de surprise ne joue plus. Nous sommes redoutés à la fois en déplacement et à domicile. Des équipes comme Roulers et St-Trond n’avaient qu’un objectif en venant chez nous : tout fermer et miser sur une contre-attaque. C’est un jeu qui ne nous convient pas du tout, nous cherchons des solutions mais nous ne les trouvons pas toujours. Tout a beaucoup mieux marché contre Bruges et ce n’est pas un hasard : nous sommes plus à l’aise face à un team qui joue le jeu, qui laisse des espaces, qui veut quitter le terrain avec les trois points. Cela me fait dire que notre programme immédiat, s’il peut paraître effrayant, n’est pas nécessairement mauvais. Nous allons affronter notamment le Standard, Westerlo et Anderlecht. Toutes des équipes qui n’auront qu’un objectif : la victoire.

Avec un goal-average à peine positif (10-8), vous êtes à votre place dans le classement (9e).

Faux. Il nous manque quelques points. Ce groupe vaut quand même un peu mieux que la neuvième place.

Bertrand Laquait est moins décisif que la saison dernière.

Faux. Archi-faux ! Il sauve autant de points. Mais le regard qu’on porte sur lui a peut-être changé. Je ne comprends toujours pas qu’aucun club belge du top ne l’ait sondé durant l’été. C’est un mystère. Il y a quand même un fait incontournable : Laquait est le meilleur gardien du championnat.

La façon dont la presse flamande démolit Charleroi s’explique surtout par de la jalousie.

Aucune idée. Pour tout dire, ça ne me touche pas trop. En tant que Français, je suis très loin de vos querelles communautaires. Charleroi est détesté dans une bonne partie de la Flandre ? Possible. Je sens une vraie rivalité des adversaires et des supporters quand nous jouons contre des équipes flamandes, mais ça n’a finalement rien de bien méchant. C’est aussi ça, le sport. Mais bon, je suppose qu’un Wallon y est plus sensible qu’un Français.

Jacky Mathijssen est un poison pour le quatrième arbitre.

Je n’en sais rien. Quand je suis sur le terrain, je ne vois pas ce que fait mon entraîneur. Mais c’est un passionné, c’est clair. Il vit le match comme s’il était sur le terrain. Je préfère ça qu’un coach tout mou qui reste sagement calé sur son banc. Quelque part, il me fait penser à Luis Fernandez, que j’ai côtoyé à Cannes : il entraînait la Première quand je jouais en Réserve.

 » Pourquoi Mathijssen devrait-il nous tailler un costard en public ? »

Charleroi est le club le plus francophile de Belgique : 5 Belges et 7 Français ont joué contre Bruges. Et les deux autres (Kraouche et Kéré) sont aussi francophones !

Vrai. Et c’est très bien comme ça. Si nous formons un groupe aussi soudé, le fait qu’il n’y ait pas la barrière de la langue y est certainement pour quelque chose. Il n’y a, dans le noyau, que deux joueurs ne s’exprimant pas en français : Orlando et Velimir Varga. Je ne m’imagine pas du tout dans un club flamand où je serais un des seuls francophones. Impossible, je ne pourrais pas être efficace dans ces conditions. J’ai besoin de contacts, de dialogue. J’ai toujours joué dans des clubs où le français était la première langue : c’est indispensable à mes yeux.

Badou Kéré est au sommet de son art.

Vrai. Il est arrivé à maturité. Quand Jacky Mathijssen a débarqué au Sporting, tout le monde croyait que Kéré était un pur médian défensif. Le nouveau coach l’a fait reculer en défense centrale et, depuis lors, il ne l’a plus déplacé. C’était un coup gagnant. Kéré a acquis plein d’expérience et de bons réflexes pendant sa période dans l’entrejeu. Il en profite aujourd’hui à fond, un cran plus bas. Les fautes et les cartes inutiles, c’est du passé. L’homme est mûr ! Il prend tout de la tête et commence à avoir un placement presque parfait. Il est l’un des deux phares de notre défense, avec Frank Defays. Les choses sont moins claires pour les deux autres postes : la deuxième place dans l’axe et le back gauche n’ont pas un titulaire incontestable. Par contre, on n’imagine plus notre ligne arrière sans Kéré et Defays.

Jacky Mathijssen protège toujours ses joueurs à 200 %, même après un mauvais match. Il devrait parfois être plus dur, vous remonter les bretelles en public. Ce serait profitable pour les matches suivants.

Faux. Quand il a quelque chose de négatif à nous dire, il nous le dit dans l’intimité du vestiaire. Tout cela ne regarde pas la presse. Pourquoi voudrait-on qu’il nous taille un costard juste après la fin d’un match ? Je ne vois pas l’intérêt. La protection totale du groupe, c’est une priorité dans sa façon de travailler. Quelques journalistes ont essayé de démolir les joueurs et l’entraîneur du Sporting lors de la conférence de presse qui a suivi notre match à Beveren, récemment. Mathijssen est resté très zen, il a simplement répondu qu’il était content de ce que nous avions fait sur le terrain. Nous avions arraché un nul à l’extérieur : était-ce si mauvais ? Non. Ce nul, nous l’avons forgé en reproduisant fidèlement la tactique qui nous avait bien réussi la saison dernière. Il y a un an, on ne nous critiquait pas ; aujourd’hui, c’est soi-disant mauvais. Laissons dire, c’est plus simple !

Nasredine Kraouche n’a jamais été aussi bon qu’aujourd’hui.

Vrai. Il n’a pas eu de trêve pendant l’été, il a continué à travailler avec l’équipe algérienne et en a profité pour revenir à son poids de forme. Jouer dans son dos, c’est super. Je sais que quand je reçois un ballon, je peux systématiquement le lui céder parce qu’il en fera un bon usage. C’est un relais parfait.

 » Oui, Abbas Bayat est devenu un président fantôme. Et alors ? »

François Sterchele est encore un cran au-dessus d’Izzet Akgül, qui ne s’était pas encore imposé dans l’équipe la saison dernière à la même période.

Faux. La différence, c’est que Sterchele a marqué plus vite. Et dès ce premier but, il était lancé. Pour un attaquant, c’est hyper important de faire mouche une première fois en D1, ça donne la confiance. Sterchele a eu le bonheur que ça entre directement. Il a aussi profité des circonstances. L’an dernier, le coach avait plusieurs possibilités pour la place en pointe, si bien qu’Akgül a dû, dans un premier temps, se contenter de quelques bribes de match. Cette saison, il y avait une place à prendre, vu la blessure d’Akgül, et Sterchele a ainsi eu très vite sa chance.

L’affaire Oulmers finira par se retourner contre Charleroi. Quand on attaque la toute-puissante FIFA, on prend de très gros risques.

Je suis incapable de répondre à cette question. Je suppose seulement que les dirigeants ont bien pesé le pour et le contre avant d’attaquer en justice. Beaucoup de clubs y avaient pensé, mais c’est Charleroi qui l’a fait. Et, comme vous dites, attaquer la FIFA, c’est costaud !

Abbas Bayat a aujourd’hui le profil parfait du président fantôme.

Vrai. Mais où est le problème ? Il a placé ses neveux à la tête du club et ils s’en sortent bien. C’est aussi parce que ça marche bien sur le terrain qu’on ne le voit plus beaucoup. Depuis que je suis à Charleroi, c’est dans les mauvais moments qu’on l’a beaucoup vu. Lors de ma première saison, il nous a très souvent rencontrés (il rit). Depuis un an, il a moins de raisons de venir nous voir.

Mogi Bayat est tellement rentre-dedans que ça va finir par lui retomber dessus.

Peut-être. Il est comme il est, on ne le changera pas. L’avenir nous apprendra s’il prend trop de risques.

PIERRE DANVOYE

 » horrible de mettre trois buts au champion ? »

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