Tubize buiten !

Tradition zéro, stade indigne, public rikiki, équipe de bric et de broc, agressivité, retour immédiat en D2 : Tubize doit ferrailler pour combattre les clichés.

Tubize en D1 : une victoire, un nul, cinq défaites, cinq buts marqués, 13 buts encaissés. Mais aussi le leadership aux classements des fautes commises (159) et des cartes jaunes (24). Des chiffres qui amènent une question : comment ce club pourra-t-il éviter une des quatre dernières places en fin de saison ? Le président Raymond Langendries se plaint du traitement médiatique que l’on réserve à son club, surtout en Flandre (voir encadré).

Coups de sonde de l’autre côté de la frontière linguistique.

L’entraîneur :  » Manque total de respect « 

Francky Dury (Zulte-Waregem) :  » Tous les pronostics négatifs dès qu’on parle de Tubize, ça m’énerve vraiment. On les condamne déjà après sept matches : ce manque de respect est honteux. De façon plus générale, les pronostics ne sont destinés qu’à remplir des pages et à faire vendre. Je peux vous rappeler quelques exemples qui prouvent que ça ne rime à rien ? Quand je suis monté avec Zulte-Waregem, nous avions le 15e budget de D1 et personne ne nous donnait une chance mais nous avons fini à la sixième place. Que prévoyait-on pour le Cercle la saison dernière, citez-moi une seule personne qui l’avait pronostiqué dans le Top 4 ? Dender et Malines, montés durant l’été 2007, se sont quand même maintenus alors que tout le monde les avait condamnés à un retour immédiat en D2, non ? Et où en est aujourd’hui Gand dans le classement, alors qu’on avait prédit un super effet Michel Preud’homme ? Mais évidemment, c’est facile de dire que Tubize va faire l’ascenseur : montée tardive via le tour final, nouvelle équipe, nouvel entraîneur, plus petit budget des 18 clubs de D1… On écrit partout que ce club sera un oiseau pour le chat, cela évite de devoir réfléchir. C’est une mentalité typiquement belge : on n’aime pas donner une chance aux petits. L’année prochaine, on nous refera le même coup si un petit club comme Tirlemont ou Tournai monte de D2.

Quand nous avons battu Tubize 1-0 lors de la sixième journée, j’ai dit que cette équipe n’allait pas tarder à prendre des points. Une semaine plus tard, elle a battu Dender. Le bilan chiffré n’est pas terrible, mais Tubize ne perd pas ses matches par 5-0 ou 6-0. Le plus souvent, c’est par un seul but d’écart : 1-2 contre Mouscron, 0-1 contre le Standard, 1-0 chez nous. Et prendre un point à Malines n’est pas donné à tout le monde. Evidemment, ce sera très difficile. Même un aveugle le voit. Mais si Albert Cartier réussit à sauver Tubize, ce sera très grand de sa part. J’ai un respect énorme pour son travail.  »

Le joueur :  » Pas perdu d’avance « 

Stijn Stijnen (Club Bruges) :  » Je n’ai pas l’impression que Tubize dégage une image vraiment négative en Flandre. Cette équipe n’est pas un gage de spectacle, on connaît maintenant le style de Cartier. Il fait jouer beaucoup d’hommes derrière. Mais ce n’est pas un reproche : chaque entraîneur s’adapte au potentiel qu’il a dans son noyau, cela ne me pose aucun problème. Pour moi, Tubize n’est pas condamné d’avance. Alan Haydock a énormément d’expérience, Gregory Dufer a du talent et Nicolas Ardouin n’est pas un mauvais gardien. Cela fait trois gars très valables à des postes clés.

A côté d’eux, il y a quelques travailleurs. Maintenant, c’est clair que si Tubize n’a pas une solide dose de chance, ce sera très difficile. Mais bon, ce ne serait pas la première fois qu’une équipe se sauverait en bénéficiant de quelques coups de bol à des moments décisifs.

Pour ce qui est des installations, je ne vais pas critiquer Tubize. Son stade ne dégage pas un charme fou mais nous sommes d’abord là pour travailler. Ce que le public voit n’est pas très beau, un chantier est rarement chouette à vivre. Mais je connais pas mal de vestiaires de D1 beaucoup moins agréables et spacieux que ceux de Tubize. « 

L’homme de télé :  » Pas crédible « 

Frank Raes ( VRT) :  » Tubize en première division, ce n’est pas crédible. Parce qu’il s’est passé trop de choses depuis la montée. Tout a dû être reconstruit, pas simplement le stade. Près de 15 joueurs sont partis, dont quelques acteurs principaux de l’accession à la D1 : Christophe Lepoint, David Vandenbroeck, Jonathan Mununga. Pour un club qui monte, garder les meilleurs gars du noyau est une condition sine qua non pour avoir une chance de se maintenir. Mais à Tubize, on a relevé pendant l’été une des plus mauvaises tendances du football moderne : un nombre incalculable de départs et d’arrivées. C’est le circuit qui tourne… J’ai vu quelques transferts assez bizarres. Il faut aussi disposer d’un semblant d’équipe type quand le championnat commence, et là-bas, on était loin du compte. On peut aussi se demander si les joueurs valables contactés par Tubize avaient envie d’y jouer.

Tubize rame à contre-courant de ce que voudrait la Ligue Pro : un championnat de plus en plus professionnel. Même si on sait que ce n’est pas possible en Belgique car on ne peut avoir que 7 ou 8 très bonnes équipes. Il n’y a pas de place pour Tubize dans une compétition de haut niveau. On peut dire la même chose de Roulers ou de Dender, qui doivent encore prouver qu’ils méritent la D1. Pour avoir de bonnes chances de survie, il faut jouer dans une grande ville et/ou avoir beaucoup de public. Tubize, c’est tout petit… encore beaucoup plus petit que Waregem qui n’est déjà pas grand ! Posséder une tradition est également un critère bienvenu : c’est grâce à ses succès du passé que Malines attire énormément de monde. Tubize ne répond à aucun de ces critères. Westerlo est dans le même cas, mais on ne peut pas trouver une exception pareille à chaque coin de rue. Si on veut améliorer le niveau général du football belge, on ne peut pas miser sur des clubs pareils. Quels que soient les mérites de Tubize. Sur le long terme, ça ne peut pas marcher. « 

L’homme de radio :  » Condamné au Nouvel An « 

Peter Vandenbempt ( VRT) :  » Si je raisonne d’un point de vue purement sportif, je dis -Chapeau Tubize. Cette montée en D1 était magnifique. L’équipe ne devait rien à personne. Pour le reste… Non, Tubize n’a pas sa place en première division. Les infrastructures sont insuffisantes, l’équipe aussi. Il faudrait que la Ligue Pro durcisse ses règlements, revoie ses critères. Si vous êtes en Formule 1 et que votre voiture n’est pas prête, vous ne prenez pas le départ, point à la ligne. Tubize n’était pas prêt. J’ai assisté au premier match, contre Mouscron : une catastrophe. En quittant le stade, je me suis dit qu’on connaîtrait le premier descendant dès le Nouvel An.

J’imagine mal Tubize encore en D1 la saison prochaine. Même si elle évite une des trois dernières places, elle souffrira dans les barrages contre les équipes du top de la D2. Attention, tout n’est pas noir là-bas. L’accueil est très sympathique, par exemple. Les gens du club sont chaleureux, ils font tout pour vous faciliter la vie quand vous allez travailler chez eux. Les finances, c’est un autre point positif. Raymond Langendries n’a pas commis l’erreur que font beaucoup de présidents qui se retrouvent subitement en première division : il n’a pas hypothéqué l’avenir du club. Même en cas de retour en D2 dès le mois de mai, il y aura encore du football à Tubize au cours des prochaines années parce qu’on a joué les cartes de l’intelligence et de l’humilité. C’est toute la différence avec Dender qui risque aussi de se retrouver très vite en deuxième division mais avec un trou financier colossal. Parce que là-bas, on a pris des risques fous.

L’image assez négative que l’on se fait de Tubize en Flandre s’explique par son jeu dur. C’est l’étiquette qui colle à la peau de Cartier. On lui reconnaît des qualités d’entraîneur mais il passe pour un homme qui motive trop ses joueurs à multiplier les fautes. Quand il est arrivé en Belgique, à La Louvière, il proposait un beau football, mais déjà à l’époque, les interventions fautives se succédaient et son équipe jouait la tête du classement des fautes commises. Quand il a quitté le Brussels, cette formation était celle qui faisait le plus de fautes. Puis elle a reculé dans ce classement dès son départ. A Mons, c’était l’inverse : l’équipe n’était pas réputée pour son jeu dur avec José Riga, mais tout a changé dès l’arrivée de Cartier. Et l’histoire repasse les plats à Tubize. Il incite ses hommes à jouer à la limite, mais c’est dangereux car tous ses joueurs ne sont pas assez doués ou lucides pour bien saisir la limite entre un football viril et un jeu agressif.  »

par pierre danvoye

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