Tu t’énerves, fieu?

De vieilles connaissances évoquent les frustrations du médian défensif du Sporting et de l’équipe nationale.

Dominique Lemoine,qui a évolué avec lui dans l’entrejeu mouscronnois :  » Yves Vanderhaeghe? C’est quelqu’un doté d’un bon esprit ». , ,. « Il… euh, non, je ne veux pas parler de lui ». Et la communication est coupée.

Broeckaert: « Il veut des travailleurs »

Geert Broeckaert sait pourquoi. « Dominique ne défendait pas toujours », explique leur ancien coéquipier. « éa agaçait Yves et parfois, il se fâchait. Moi, je lui disais: – Laisse tomber, nous, les travailleurs, nous en sortirons. Avec son caractère et son abattage, Yves est idéal pour combler les brèches, mais son talent ne se limite pas à cet aspect. Il aime aussi surgir devant le but. Il le pouvait aisément à l’Excel car j’étais le plus défensif des deux médians postés derrière Lemoine. Yves ne supporte pas que celui qui joue à ses côtés ne travaille pas. Si Baseggio est disposé à travailler, il peut former un fameux duo avec un récupérateur comme Yves. Cce n’est manifestement pas le cas ».

Homme contre homme, Yves Vanderhaeghe peut être handicapé par son manque de mobilité. C’est pour ça que le Cercle n’avait pas levé son option.

Broeckaert: « L’évolution du football vers la zone, un entrejeu surpeuplé, etc, lui a été profitable. A Anderlecht, ce doit être frustrant d’être flanqué de quelqu’un qui se cache un peu quand il s’agit de défendre. Devoir sans cesse se remuer parce que quelqu’un plonge dans votre dos est difficile. En plus, la presse francophone défend ses joueurs. Baseggio a beaucoup de qualités mais j’ai entendu dire que la saison passée, quand il n’en avait pas envie, il ne s’entraînait pas. Et quand il ne voulait pas courir, il ne le faisait pas non plus. Je trouve normal qu’Yves réagisse. Il ne supporte pas la facilité. En outre, à Anderlecht, ce sont parfois les plus travailleurs qui écopent des critiques du public, qui préfère des Stoica, De Bilde et autres Baseggio à Vanderhaeghe, De Boeck et Hendrikx. éa travaille aussi sur les nerfs, de voir que la presse n’en a que pour les soit disant vedettes. Voilà le raisonnement d’Yves: on parle moins de nous alors que nous sommes aussi utiles que les autres ».

Hasaert: »Des paroles parfois peu judicieuses »

Yves pratique l’autocritique. Donc, entendre des joueurs rejeter la faute sur d’autres le frustre. Mais Yves n’est pas embêtant. Il veut juste le bien de l’équipe.

« Yves est fou de foot », affirme Urbain Haesaert, son entraîneur à Alost. « Il a du caractère et de l’engagement. Il est empli de rage de vaincre. Quand ça va moins bien, son tempérament le conduit à des déclarations peu judicieuses, qu’il regrette très vite. Il obtient son meilleur rendement comme milieu défensif mais il aime aussi se porter à l’offensive. Il cherche l’action et estime alors normal qu’un autre reprenne son rôle. S’il attaque, il doit être soutenu. Ce qui n’est pas toujours le cas. A l’entraîneur de décider s’il doit se cantonner en défense ou pas ».

Ceulemans: « Il est sciant car il contrôle »

Jan Ceulemans a également travaillé avec Vanderhaeghe à Alost. « Depuis, il a gagné en confiance et en personnalité. Il connaît ses qualités mais il reste un joueur qui évolue en fonction d’un autre, auquel il peut céder le ballon. Ainsi, il peut se concentrer sur ce qu’il fait le mieux: récupérer beaucoup de ballons et les relancer. Yves n’est pas un meneur. Il doit courir pendant 90 minutes, tackler et se battre. Je pense que la tactique qui lui convient le mieux est le 4-4-2, avec deux hommes à ses côtés et un devant. Pour un médian défensif, il est évidemment plus intéressant de jouer avec un Wilmots qu’avec un Stoica, car un Wilmots redescend davantage et abat plus de travail. Comme il est préférable pour lui d’avoir à ses côtés quelqu’un qui songe en termes offensifs et défensifs. Mais en championnat, ça ne devrait normalement pas constituer de problème car Anderlecht doit être plus fort que son adversaire, en général.

Yves sait d’où il vient. Il aurait tout aussi bien pu n’avoir aucune carrière ou même mourir, puisqu’il a été malade. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles il parvient à se livrer à fond presque chaque semaine. Il a atteint ce niveau par son travail. Il est logique qu’il ait parfois des problèmes avec ceux qui, dotés d’un meilleur bagage technique, ne travaillent pas nécessairement. Il peut être sciant, oui. Mais un médian contrôleur doit assurer l’organisation en perte de balle. Si quelqu’un néglige sa tâche, avec en conséquence un but, une occasion ou une défaite, ça vous ronge ».

Tanghe: « Il n’encaisse ni critique ni défaite »

Stefaan Tanghe a joué devant Vanderhaeghe à Mouscron: « Nous n’avons jamais eu de problème mais la défense ne me dérange pas. A Mouscron, Yves attaquait pas mal pour un médian défensif car nous changions régulièrement de position. Quand il jouait plus près des attaquants, Steve Dugardein reprenait sa position et je glissais à droite. Avec Martic à gauche du losange et la compréhension réciproque des médians, nous avions un des meilleurs milieux de Belgique.

Yves aime tenter un mouvement offensif, diriger le jeu. Il surgissait régulièrement dans le rectangle, délivrait des assists et marquait ses quatre ou cinq buts par saison. A Anderlecht, il investit davantage d’énergie dans le travail défensif. Je comprends que sa position soit pénible mais il devrait faire attention à la presse. Yves est un battant. Comme la plupart des joueurs, il accepte mal la critique et la défaite mais je sais qu’il est resté le même joueur qu’à Mouscron et à Roulers.

D’ailleurs, je trouve les critiques un peu injustifiées car on peut former une équipe autour de lui. Je pense que Broos veut jouer comme avec Mouscron, sans être encore aussi loin. La récupération commence évidemment en pointe, avec des lignes bien serrées. Si c’est faisable, Yves va courir partout où il le faut mais il y a 60 mètres entre l’attaque et la défense. C’est évidemment difficile de défendre de manière compacte dans ces conditions.

Si Yves est sciant, c’est parce qu’il veut gagner à tout prix. Il n’accepte pas que certains Anderlechtois baissent les bras. Pour lui, chacun doit livrer le meilleur de lui-même à chaque match ».

De Vleeschauwer: « Injuste pour Yves »

« Son caractère et sa puissance de travail à l’entraînement sont ses principales qualités », explique Koen De Vleeschauwer, ami et coéquipier d’Yves à Alost et à Mouscron. « Parfois, il en fait trop, comme maintenant à Anderlecht. Il ne supporte pas ceux qui ne tirent pas à la même corde. éa peut l’énerver à un degré inimaginable. Que ce soit à Alost ou à Mouscron, Yves a toujours été dans des groupes travailleurs, dépourvus de vedettes. J’apprends que la mentalité anderlechtoise est bien différente. Pas seulement de la bouche d’Yves mais aussi de Hugo Broos, de De Boeck et de De Wilde. Des joueurs individuellement plus forts pensent peut-être qu’ils sont les meilleurs et qu’ils peuvent se permettre d’en faire moins à l’entraînement. Ils se disent: -Samedi, nous prouverons que nous sommes les meilleurs. Yves n’accepte pas ça mais il est difficile de changer les autres.

Il doit essayer de ne pas y penser, de ne pas s’occuper du jeu des autres et de se concentrer sur le sien, pour qu’on ne puisse rien lui reprocher. Je le connais. Quand on joue à cinq contre cinq à l’entraînement et que deux ou trois n’en veulent pas assez, il s’énerve. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il ramène ça à la maison mais ça influence quand même son humeur. Moi, je me dis: demain est un autre jour. Chez lui, ça continue à lui trotter dans la tête.

Les questions incessantes de la presse sur Baseggio l’énervent aussi. Il ne peut pas se répéter sans arrêt. Quand vous dites quelque chose sur un coéquipier, ça reste parfois dans la gorge de celui-ci. Tout ce qui se passe à Anderlecht est amplifié. Yves ne supporte pas bien la critique car on ne peut jamais lui reprocher d’avoir été fainéant. Il essaie de compenser ses erreurs par son travail. A Mouscron et à Alost, il était soutenu alors qu’à Anderlecht, il est le seul médian à récupérer le ballon. Il se sent abandonné. Or, Yves continue à travailler. Il a une bonne foulée mais n’est pas des plus rapides et ne peut tout résoudre seul.

Yves n’est pas vraiment l’homme des phases importantes, des buts ou des actions personnelles. Il sait que la presse est habituée à le voir travailler, qu’elle est lasse de son style alors que Baseggio est à même de marquer des 30 mètres. Comme Yves doit combler les brèches derrière les autres, il ne peut se mettre en situation de marquer et il en souffre. Car n’oubliez pas que dans ses clubs précédents, il avait un bon tir à distance et qu’il se présentait trois ou quatre fois par match devant le but.

La supériorité d’un autre ne lui cause aucun problème mais il croit devoir faire ses preuves chaque fois. On lui reproche parfois de moins bien relancer alors qu’il le fait beaucoup mieux que Timmy Simons. Celui-ci est plus rapide, plus athlétique, mais Yves a une meilleure technique. Il lui arrive évidemment de louper un ballon, faute de fraîcheur, à cause du boulot abattu pour les autres.

Selon moi, Yves pourrait être un numéro dix. Il est capable d’éliminer un adversaire avant de placer son tir ou de démarquer quelqu’un. Hugo Broos disait toujours: Ce n’est pas bon qu’Yves doive donner la dernière passe. Il doit jouer son rôle de pare-chocs et céder le ballon à un numéro dix. Beaucoup d’entraîneurs partagent son avis mais je trouve que c’est injuste pour Yves ».

Christian Vandenabeele

« Yves trouve normal que d’autres le couvrent quand il monte »

« Comment supporter que la presse se fixe sur les soi-disant vedettes? »

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