« Trop peu de discipline »

15 buts en dix matches: le gardien tchèque fait son auto critique en cherchant d’autres explications aussi.

Battu successivement par le Lierse et St-Trond en championnat, Anderlecht devait à tout prix se racheter face à Midtjylland si, après avoir réduit déjà singulièrement ses chances de remporter un 27ème écusson national, il ne voulait pas voir sa 43e participation de rang en Coupe d’Europe s’en aller elle aussi complètement à vau-l’eau. Le Sporting, qui avait renvoyé son adversaire danois à ses chères études par 3 buts à 1, au Parc Astrid, fit encore mieux, finalement, à l’occasion du retour, puisqu’il s’imposa sans bavure par 0-3.

On n’ose toutefois penser à ce qui aurait pu se produire si, à la septième minute de jeu, le gardien local Peter Skov-Jensen avait réussi la transformation d’un coup de réparation accordé pour une errance d’Hannu Tihinen devant le remuant Frank Kristensen. Car avec un écart réduit subitement à sa plus petite expression en tout début de partie, les Nordiques auraient sans doute fait le siège des Mauve et Blanc. En lieu et place, ils apparurent des plus résignés quand leur gardien, déjà peu inspiré sur le penalty, dut s’avouer vaincu, peu après, sur une reprise de Ki-Hyeon Seol.

Peu à son affaire, quinze jours plus tôt, au Parc Astrid, le portier scandinave but, cette fois, le calice jusqu’à la lie. Sa responsabilité fut davantage engagée encore sur la deuxième réalisation des Bruxellois, oeuvre de Nenad Jestrovic dans un angle fermé. Et que dire alors du troisième et dernier but où l’homme se blousa complètement lors de sa sortie dans les pieds d’Aruna Dindane, offrant à l’attaquant ivoirien le geste victorieux le plus facile de sa jeune carrière.

Son vis-à-vis Daniel Zitka, berné à l’aller sur un coup franc des 30 mètres mais auteur de deux interventions judicieuses dans les pieds de l’avant ghanéen Razak Pimpong, disputa pour sa part un match parfait. Ou presque. Nonobstant ses trois arrêts-réflexes sur autant de headings de l’opposant, le géant tchèque (1m90) râlait d’avoir relâché à deux reprises un ballon rendu glissant par la pluie.

Daniel Zitka: « J’éprouve deux satisfactions. La première, et de loin la plus importante, c’est évidemment d’avoir contribué à la qualification de l’équipe pour le tour suivant de la Coupe de l’UEFA. La deuxième, plus individuelle, est de ne pas avoir encaissé le moindre but. Bizarrement, lors de mes huit matches précédents en Première, j’avais toujours dû me retourner: une fois contre Charleroi, Genk, Mons et Midtjylland, deux fois face à l’Antwerp et le Lierse et même trois fois devant Mouscron et St-Trond. C’est beaucoup pour quelqu’un, comme moi, qui avait terminé la saison passée, à Lokeren, avec une moyenne d’un but concédé par match. A treize reprises, j’avais même tenu le zéro au marquoir avec mes anciens partenaires. Aussi, il me tardait de réussir la même performance avec mes nouvelles couleurs. Mais je ne suis pas, pour autant, tout à fait aux anges concernant ma prestation. J’ai laissé filer quelques ballons anodins qui, sans porter à conséquence, sont à éviter quand on évolue dans une formation de pointe.

« Aucun de mes matches n’a été une totale réussite »

A l’issue du match à Midtjylland Hugo Broos a dit qu’il était surtout content pour vous car même si votre responsabilité n’était pas entièrement engagée sur les 14 buts que vous avez pris, vous n’aviez pas été non plus réellement souverain entre les perches.

C’est le moins que l’on puisse dire, effectivement. Jusqu’à présent, je dois bien avouer qu’aucun de mes matches avec le Sporting ne s’est révélé une totale réussite. Depuis mes débuts à l’Antwerp jusqu’à notre dernier match européen, l’un ou l’autre détail m’a toujours laissé un sentiment de frustration. Comme ce penalty que j’ai commis sur Eduardo au Mambourg ou encore le but de la victoire de Patrick Goots à Deurne. Une seule fois, j’ai vraiment été proche d’une prestation sans faille: contre le FC Midtjylland, chez nous. Ce soir-là, après avoir sauvé plusieurs fois les meubles grâce à des sorties heureuses dans les pieds, je pensais enfin toucher au but. Mais c’était compter sans ce coup franc, en fin de rencontre, qui ramena le score à 3 à 1. Sur cette phase-là, je m’en veux vraiment même si je n’aurais pu arrêter cette balle tant l’envoi était puissant et remarquablement bien placé. De plus, j’avais la vue complètement masquée par le mur. Mais ce qui n’est pas permis, c’est que je n’ai pas esquissé le moindre geste vers le ballon. Même si celui-ci est imprenable, la moindre chose à faire, c’est quand même de plonger dans sa direction. Or, moi, je suis resté figé sur place. C’est tout simplement impardonnable.

Vous êtes réellement sévère envers vous-même.

C’est la seule manière de progresser. Contrairement à certains, qui se disculpent trop facilement, je cherche toujours prioritairement la responsabilité d’un but chez moi avant de m’attarder aux responsabilités des autres. Et, la plupart du temps, mes recherches s’arrêtent à ma prestation. A la limite, je suis peut-être même trop exigeant envers moi-même, au point de perdre quelquefois le sens de la réalité. A un moment donné, par exemple, j’étais convaincu que c’était moi et personne d’autre qui portais la poisse à Anderlecht cette saison. Pourquoi? Tout simplement parce que j’avais le sentiment que la série noire du club avait commencé au moment où j’avais pris le relais de Filip De Wilde. Il aura fallu toute la persuasion de l’entraîneur des gardiens, Jacky Munaron, pour me faire remarquer qu’avec mon concurrent déjà, l’équipe avait disputé quelques parties de moindre facture. Contre La Gantoise et Stabaek notamment. Heureusement, sans quoi je me serais posé quelques questions.

Si tout le monde faisait preuve de la même autocritique que vous, le Sporting ne serait probablement pas largué dans la course au titre à l’heure actuelle?

S’il y a un reproche à faire, c’est le manque de discipline individuelle et, surtout, collective. A Lokeren, tout le monde défendait et attaquait. Ici, tout est beaucoup plus compartimenté. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai encaissé tant de buts jusqu’ici. Chez les Flandriens, je pouvais vraiment compter sur sept ou même huit partenaires pour faire écran devant moi et couper les angles. Au Sporting, il y en a nettement moins. Filip De Wilde est habitué à cette situation. Moi, je dois encore m’y faire. C’est pourquoi, dans les circonstances actuelles, je trouve tout à fait normal qu’il soit le numéro un dans la hiérarchie. A 27 ans, j’ai encore l’avenir devant moi et tout porte à croire que je le supplanterai un jour de manière définitive. Pour le moment, vu ce qu’il a démontré, il me paraît logique de m’incliner devant lui. J’ai encore beaucoup à apprendre à ses côtés. »Je suis inconnu dans mon pays »

Le week-end prochain, Anderlecht est appelé à croiser le fer avec votre ancienne équipe, Lokeren. Vous l’avez quittée sous prétexte que l’on ne refuse pas une offre du RSCA, club mieux coté sportivement. Pourtant, vos anciens coéquipiers précèdent actuellement le Sporting au classement. Comment l’expliquez-vous?

L’année passée déjà, Lokeren avait réussi au-delà des espérances. Dans la mesure où il a pu conserver ses meilleurs éléments à l’intersaison, il ne fait que continuer sur sa lancée. Ici, c’est différent, puisqu’il a fallu imbriquer plusieurs nouveaux joueurs d’une campagne à l’autre. Il n’empêche que j’observe quand même une différence en matière de comportement. L’envie de se transcender est tout simplement plus importante là-bas que chez nous. Et ce n’est peut-être pas tout à fait anormal. Pour les joueurs actifs à Daknam, Lokeren fait figure de tremplin. C’était déjà valable pour moi, qui ai abouti au Parc Astrid cet été ou pour Adekanmi Olufade, parti à Lille. Et il n’en va pas différemment pour tous les autres. Sambegou Bangoura, par exemple, sait qu’il a intérêt à se mettre régulièrement en évidence s’il veut décrocher un jour un contrat au Standard, comme il en est question. Si Lokeren fait figure d’étape dans une carrière de joueur, Anderlecht est davantage perçu comme un aboutissement. Pour beaucoup, c’est le sommet absolu en Belgique. Voilà pourquoi quelques-uns s’y satisfont davantage de leur sort que partout ailleurs dans ce pays.

Qu’est-ce qui vous manque au Parc Astrid par rapport à vos années à Daknam?

Une certaine chaleur humaine. A Lokeren, chacun se rendait compte du parti qu’il pouvait tirer d’autrui. Les Africains étaient parfaitement conscients que sans la rigueur des Islandais, il n’y avait pas moyen de nourrir de grandes ambitions. Et le contraire était tout aussi vrai car sans la fantaisie des joueurs noirs de l’équipe, les Nordiques auraient souvent prêché dans le désert. Au Sporting, cette entente est moins évidente. Il n’y a pas de groupe mais plutôt un ensemble de sous-groupes, dépendant le plus souvent des nationalités ou de la langue utilisée. Moi-même, je me retrouve le plus souvent avec mon compatriote Martin Kolar dans ces conditions.

En début de saison, vous faisiez office d’interprète pour lui. A présent, c’est vous qui faites la une des pages sportives alors que Martin Kolar est rentré dans le rang.

C’est la preuve que tout peut aller très vite dans le monde du football, dans un sens comme dans l’autre. Il ne faut donc jamais se décourager. Je sais que tôt ou tard, je devrai céder ma place à Filip De Wilde, qui a prouvé dix fois plus que moi dans sa carrière. Mais ce futur statut ne m’empêchera pas de travailler sans relâche pour le déloger un jour. Mon ambition est simple: devenir un jour le numéro un indiscutable au Sporting. Et tenter aussi de me rapprocher de cette position privilégiée en équipe nationale tchèque. Car, pour le moment, je fais figure d’inconnu dans mon pays. Pour le poste de gardien, on ne jure que par Pavel Srnicek, de Brescia, Peter Cech, du Stade de Rennes et Radomir Blazek du Sparta Prague. Dans la hiérarchie des gardiens, je ne dois être que sixième ou septième. Mon but est de grimper dans ce classement. Peut-être l’EURO 2004 arrivera-t-il trop tôt pour moi? Mais dans l’optique de la Coupe du Monde 2006, j’ai vraiment à coeur de faire partie des meilleurs portiers de mon pays. Et je ferai tout pour y parvenir.

Bruno Govers

« Je suis sévère avec moi-même parce que je veux progresser »

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