Trop petit pour l’Europe ?

Roi des terrains en Belgique, on a enquêté pour voir si l’attaquant marocain des Mauves était tout aussi apprécié à l’étranger.

Premier match des PO1 dimanche soir et Mbark Boussoufa ouvre la marque après sept minutes seulement… Avec 9 buts et 17 assists au terme du premier volet de la compétition, le Marocain avait déjà égalé le nombre de passes décisives lors de sa dernière saison à La Gantoise en 2005-06 et amélioré son total-buts, qui était de sept. Le bonhomme a changé. S’il rayonnait essentiellement face aux sans-grade lors de ses deux années passées chez les Buffalos, le feu-follet s’est mué entre-temps, à Anderlecht, en un joueur capable de briller en toutes circonstances. Le Club Bruges et l’Athletic Bilbao, pour ne citer que ces deux récents adversaires, en savent quelque chose.

Footballeur Pro de l’Année, Soulier d’Or et d’Ebène, la cote de Bous n’aura cessé de grimper depuis son passage au Parc Astrid. Au point que son nom a été cité à l’une ou l’autre reprise à l’étranger. Après sa prestation 18 carats contre l’Ajax, en Europa League, cette saison, il fut même question d’un retour possible à Amsterdam ! L’attaquant des Mauves est-il vraiment hot sur le marché des transferts ? Pour le savoir, nous sommes allés aux nouvelles dans quelques pays, interrogeant à la fois nos confrères ainsi que des agents de joueurs actifs sur ces marchés.

Retour exclu aux Pays-Bas

 » A un moment donné, son retour à l’Ajax fut bel et bien évoqué « , observe Chris Tempelman, journaliste à l’hebdomadaire Voetbal International. « C’était à l’époque où Marco van Basten y dirigeait encore l’équipe première. Il voulait à tout prix que le club engage un numéro 10 et, compte tenu des possibilités financières, son choix s’était alors porté sur Bous. Par le biais d’intermédiaires, un contact avait été établi mais le coach s’était heurté très vite à un non du joueur. De fait, celui-ci n’a jamais digéré d’avoir été poussé vers la porte de sortie en raison de ses rapports désastreux avec l’ancien Ajacide, Danny Blind, qui drivait la jeune classe. Bous doit avoir la rancune tenace car il aurait dit à quelques intimes que jamais il ne retournerait à l’Ajax tant que Blind serait là. A la limite, je pense que le PSV l’interpellerait davantage… Ce serait là un fameux pied de nez de sa part vis-à-vis des Amstellodamois. Et je sais que cette option a été envisagée dans un passé récent encore, dans la mesure où Ibi Afellay ne devrait pas faire de vieux os à Eindhoven. Et Bous, dans ce cadre-là, constituerait évidemment une solution de rechange idéale. Mais il y a fort peu de chances qu’on en arrive là. S’il quitte Anderlecht, je le vois davantage se diriger vers le sud.  »

 » Il a épaté pas mal de monde suite à ses prestations autoritaires avec le Sporting face à l’Ajax en Europa League cette saison « , admet Patrick Vervoort, ex-joueur du RSCA et manager de Moussa Dembélé, entre autres.  » Mais une récupération de Bous me paraît utopique. Pour l’Ajax, ce serait un fameux camouflet. Ce retour induirait que les Amstellodamois se sont trompés à son sujet et ils n’aiment jamais trop être confrontés à ce genre de réalité. Le PSV ? Il ne voudra jamais consentir un gros débours pour le joueur. Rappelez-vous Milan Jovanovic : l’attaquant du Standard intéressait la maison Philips au plus haut point. Mais dès qu’il fut question d’un prix de 8 millions d’euros, le dossier fut classé. Les dirigeants ne voulaient pas dépasser la moitié de ce montant et pour Bous, ils ne casseraient pas davantage leur tirelire non plus. De fait, les seuls à s’autoriser une petite folie de temps à autre sont les responsables de Twente. On en a d’ailleurs eu un aperçu avec Bryan Ruiz l’été dernier, acquis pour 5 millions. Mais il y a bien sûr une marge entre 5 et 8 millions d’euros. Voire 10, car Anderlecht semble viser haut en ce qui concerne son Marocain. Ceci dit, je ne le sens pas rebrousser chemin. Ce serait un échec pour le garçon. Comme pour tous les Africains, d’ailleurs. Et il est trop orgueilleux pour ça. Les Pays-Bas, ce serait vraiment le tout dernier recours.  »

Il ne fait pas le poids pour l’Angleterre

 » Il ne faisait pas le poids à Chelsea, il y a quelques années, et je crains qu’il en soit toujours au même stade aujourd’hui, vu sa morphologie « , observe Martin Davies, commentateur à la BBC.  » Son nom n’a quasi plus jamais été évoqué ici depuis son départ pour La Gantoise en 2004. Seul Newcastle et, dans une moindre mesure, Aston Villa, ont témoigné d’un vague intérêt il y a un an ou deux. Mais sans plus. En Belgique, d’autres joueurs ont davantage la cote. Comme Jovanovic, par exemple, qui s’est lié entre-temps à Liverpool. L’année passée surtout, les yeux de pas mal de clubs anglais étaient braqués sur le Standard. Indépendamment de l’avant serbe, et évidemment de Marouane Fellaini, recruté par Everton, d’autres joueurs liégeois jouissaient d’une belle réputation. Comme Steven Defour, Axel Witsel ou encore Dieumerci Mbokani. Mais tout fluctue d’une saison à l’autre. Aujourd’hui, parmi les puncheurs, c’est le nom de Romelu Lukaku qui fait fureur. Dieu, lui, a presque complètement disparu de la circulation. Et, chez les milieux de terrain, c’est Cheikhou Kouyaté qui impressionne. Les grands clubs londoniens sont sur la balle : Chelsea pour Lukaku et Arsenal pour Kouyaté. En coulisse, je suis sûr que d’autres clubs s’activent aussi. Ceux de Manchester, entre autres. Ils ne font jamais grand bruit mais frappent toujours au moment opportun. City l’a démontré avec Dedryck Boyata et United a surpris pas mal de monde suite aux engagements de Ritchie De Laet ou Marnick Vermijl. Tous deux sont jeunes et ont une marge de progression. Ce n’est plus le cas de Boussoufa. Il a eu sa chance à Stamford Bridge mais il était trop limité au niveau physique. Je ne dis pas que les petits gabarits ne sont pas à leur place en Angleterre. Il y en a mais ils sont bien campés sur leurs jambes. Comme le Mancunien Carlos Tevez, par exemple, qui est plus large que haut. Mais Boussoufa est loin d’épouser le même profil. J’ai bien peur, dès lors, que son avenir sera toujours bouché aux Iles.  »

 » Tous les clubs anglais connaissent à la fois la richesse en surface et en profondeur du football belge « , souligne l’agent de joueurs Jacques Lichtenstein, qui travaille en étroite collaboration avec l’ex- Standardman Roni Rosenthal au Royaume-Uni.  » Ils sont sortis de leur isolement voici plusieurs années déjà et comptent sur des scouts ou des gens comme nous pour prendre régulièrement le pouls de notre football. Ils savent dès lors ce que les clubs belges ont en boutique. A Anderlecht, plusieurs joueurs ont fait l’objet d’un screening ces derniers mois. C’est le cas notamment de Roland Juhasz, qui fut suivi par Wolverhampton lors des test-matches pour le titre, en fin de campagne 2008-09. Je ne surprendrai probablement personne en disant que Lukaku est plutôt in the picture lui aussi. Mais Boussoufa en Angleterre, ce n’est pas vraiment d’actualité. Là-bas, ce sont plutôt les belles plantes qui sont ciblées. Et le body et la taille ne sont malheureusement pas ses points forts.  »

En Espagne, seulement dans des clubs anonymes…

 » Il y a une grande différence entre le Mbark Boussoufa que j’ai vu à l’£uvre face à Getafe, la saison passée, et celui qui a brillé récemment devant l’Athletic Bilbao « , dit Juan Castro du quotidien sportif Marca.

 » Le même jugement vaut d’ailleurs pour Anderlecht, autrement plus consistant d’une année à l’autre. Par rapport à ces deux teams espagnols, de valeur intrinsèque sensiblement égale, la différence est venue toutefois plus de Lukaku que de Boussoufa, même si celui-ci a eu sans conteste sa part de mérite dans l’élaboration du jeu. En Liga, à la place qu’il occupe sur l’aile, cependant, on n’attend pas seulement qu’un joueur contribue à l’élan offensif, il se doit de marquer aussi. Et je crains à ce niveau-là que le Marocain soit trop léger. On a effectivement évoqué, ici, un vague intérêt de Séville pour lui. Mais qu’irait-il donc faire là-bas ? Tom De Mul, qui est un poids-plume comme lui, n’a jamais réussi dans cette équipe. Il était élégant, certes, mais manquait cruellement de percussion. Boussoufa a peut-être l’avantage d’être plus expérimenté. Mais j’ai peur que son gabarit reste un handicap. D’accord, il y a des éléments de petite taille en Espagne. Mais on ne va quand même pas comparer l’Anderlechtois à Lionel Messi, n’est-ce pas ? C’est pourquoi, pour le haut niveau, je ne vois pas d’issue pour lui. Quant à un club de seconde zone, genre Saragosse, il ne pourra jamais se payer un joueur pour qui la barre sera sûrement très haute. Et reste à voir également si lui-même a envie d’évoluer dans l’anonymat de l’élite espagnole. A choisir, il est sans doute préférable de militer au sein d’un club de pointe en Belgique.  »

Et pourquoi pas l’OM ?

 » Boussoufa m’avait fait une bonne impression il y a deux saisons, quand le Sporting avait évincé Bordeaux de la scène européenne « , témoigne Vincent Villa, de l’hebdomadaire France Football.  » Sur ce coup-là, il s’était même montré plus inspiré que son compatriote Marouane Chamakh, actif au Parc Lescure. Depuis lors, si un Marocain a fait régulièrement la une des pages sportives, c’est le Bordelais et non l’Anderlechtois. Ces derniers mois, il n’a en tout cas jamais fait figure de priorité pour un club français. Contrairement à Jonathan Legear, par exemple, dont le nom fut cité au PSG. Je ne sais pas si la donne est susceptible de changer au cours des semaines à venir. C’est souvent la dernière impression qui prévaut et, en ce qui concerne l’attaquant du Sporting, elle n’aura pas été des plus flatteuses. Car après s’être montré sous un jour faste face à Lille d’abord, en Ligue des Champions, puis contre la bande à Laurent Blanc, il y aura quand même eu une contre-performance cinglante face à l’Olympique Lyonnais cette saison, au troisième et dernier tour préliminaire de la Ligue des Champions. Tant à Gerland qu’à Bruxelles, il n’y avait franchement pas eu photo entre les deux équipes. Le seul Sportingman qui avait fait impression, c’était l’Argentin Matias Suarez. J’ai cru comprendre qu’Anderlecht et Boussoufa s’étaient bonifiés par la suite. OK, mais l’Europa League n’est pas du même tonneau que La Ligue des Champions. C’est pourquoi un avenir pour le joueur, au sommet du football français, style Lyon ou le Bordeaux de cette année, me semble hors de portée pour lui. Et quand on a le bonheur de jouer à Anderlecht, je n’ai pas l’impression non plus qu’on songe à Auxerre comme point de chute.  »

 » Pour moi, Boussoufa est tout à fait capable de jouer dans un championnat de premier plan mais pas dans un club du top niveau « , précise le manager Eric Depireux, qui connaît la Ligue 1 française comme sa poche.  » OK, le haut du panier en France, à l’image de Lyon et de Bordeaux, ne sont peut-être taillés pour lui. Mais un club comme Marseille, pourquoi pas ? L’OM a prouvé qu’il savait composer avec des gars de petit format. La preuve par Hatem Ben Arfa, qui joue une saison canon, Mathieu Valbuena ou encore Bakari Koné. Si ceux-là parviennent à s’exprimer dans ce club, je ne vois pas pourquoi l’Anderlechtois n’y arriverait pas. Je suis même d’avis qu’il peut viser une compétition plus noble encore, style Angleterre ou Espagne. Mais il doit oublier dans ces pays les clubs qui s’illustrent chaque année en CL comme Manchester United, Chelsea, Barcelone ou le Real. Là-bas, il peut espérer au mieux se produire en Europa League, comme Fulham et l’Athletic Bilbao cette année. Face aux Basques, il a d’ailleurs prouvé qu’il ne détonait nullement. Encore faut-il, bien sûr, pouvoir se satisfaire de la deuxième garniture quand on a connu la crème de la crème avec Anderlecht. Je ne suis pas sûr qu’un Nicolas Pareja ait gagné au change en troquant le Sporting contre l’Espanyol, qui végète dans l’anonymat en Liga. Mais si l’Argentin y a abouti, Bous peut rêver lui aussi d’une même destination.  »

En Italie ? Chievo, Genoa et basta…

 » Le nom de Boussoufa est souvent apparu en Italie mais via un intérêt de quatre clubs français et un espagnol « , remarque FabioSplendore du quotidien italien Corriere dello Sport.  » En Italie, on l’a très vaguement rapproché de deux clubs, qui font confiance à des joueurs ayant les caractéristiques du Marocain : Chievo et Genoa. Mais il n’y a jamais eu d’intérêt pour lui surtout si le montant du transfert que l’on a cité reste d’actualité. Si Séville fait marche arrière, ce ne sont pas les clubs italiens et certainement pas les deux précités qui vont accepter la transaction. Quant aux clubs plus renommés, ils n’accordent aucune attention à des joueurs ayant le style de l’international marocain. C’est un problème structurel : à ce poste, ce qui compte dans le Calcio, ce sont les centimètres et les kilos en plus des qualités intrinsèques, évidemment. Chez nous, un garçon comme Lionel Messi aurait peu de chance de percer vu qu’il ne bénéficierait pas de beaucoup d’occasions pour s’exprimer, c’est tout dire. Boussoufa a incontestablement des aptitudes et celui qui suit le football international sait qu’il s’agit là d’un beau joueur, habile à la fois à la construction et à la finition mais qu’il ne mesure même pas 1m70. Et c’est vraiment dommage que ce soit un motif d’exclusion. En revanche, je ne surprendrais personne en disant que le nom de Lukaku circule beaucoup plus. D’ailleurs, les deux clubs milanais ont déclaré qu’ils l’avaient placé sur la liste des joueurs pour lesquels ils nourrissent un certain intérêt. Evidemment, de là à dire que l’attaquant viendra un jour en Italie il y a une marge. Surtout si les clubs anglais, annoncés en pole position, restent dans le parcours.  »

 » Le football latin est davantage taillé sur mesure pour lui que le germanique « , dit le manager Harald Svain, actif tous azimuts en Europe.  » Mais il sera toujours limité en raison de son gabarit. Aston Villa s’était intéressé à lui à un moment donné. Son manager, Martin O’Neill avait un faible pour lui, de même que pour Steven Defour d’ailleurs. Si le milieu du Standard a toujours des partisans en Angleterre, même à Manchester United, les doutes sont toujours de mise concernant Boussoufa, qui évolue un cran plus haut. Je n’ai pas le sentiment que dans un championnat aussi engagé que la Premier League, l’Anderlechtois pourrait vraiment tirer son épingle du jeu. Mais dans le sub-top français, espagnol ou italien, je n’émettrai pas les mêmes réserves. Mais encore faut-il avoir envie de se complaire dans cet anonymat.  »

par bruno govers – photos: belga

« Ce n’est pas parce qu’il est petit qu’on va le comparer à Messi. (un journaliste de Marca) »

« Rebrousser chemin en Hollande, ce serait un échec pour lui. (l’agent Patrick Vervoort) »

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