« Trop intelligent pour être seulement agent de joueurs »

Au Portugal, où il a commencé sa carrière de dirigeant international, on parle de lui en termes élogieux.

J orge Nuno Pinto da Costa, président du FC Porto depuis un quart de siècle et vainqueur de nombreux titres au Portugal mais aussi sur la scène européenne, voire intercontinentale, déclara voici peu lors d’une émission de télévision :  » Si je ne dois conserver qu’un seul ami dans le monde du football, ce sera Luciano D’Onofrio « . Quand on connaît la véritable cour qui entoure le personnage, on se dit qu’il s’agit là d’un bien bel hommage envers un homme qui, pendant un peu plus d’un lustre, fut manager général du FC Porto.

Car c’est au Portugal qu’a véritablement débuté la deuxième carrière footballistique du patron du Standard. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’il a obtenu sa licence d’agent de joueurs.

Manuel Queiroz, à l’époque journaliste au quotidien Publico et aujourd’hui sous-directeur du Jornal de Noticias, s’en souvient parfaitement.  » Je me rappelle avoir obtenu sa première interview, ce qui n’était pas facile car, à l’époque, il était encore beaucoup plus discret qu’aujourd’hui « , dit-il.  » Luciano D’Onofrio était un homme d’actes, pas de paroles. Cette interview avait d’ailleurs fait la une du journal « .

Pour Queiroz, l’amitié qui lie D’Onofrio à Pinto da Costa est compréhensible.  » A l’époque, Porto commençait seulement à battre en brèche l’hégémonie de Benfica « , explique-t-il.  » Luciano a beaucoup contribué à cela en amenant des joueurs auxquels il croyait et qui ne coûtaient pas cher. Un exemple : Juary. Il fallait débourser à l’époque, l’équivalent de 100.000 euros pour le transférer de l’Inter. Luciano les a sortis de sa poche et Juary est devenu l’homme providentiel qui inscrivit un but lors de la finale européenne de 1987 face au Bayern. Par la suite, il prit en charge bien d’autres joueurs du FC Porto comme Sérgio Conceição, Fernando Couto, Stéphane Paille, Stéphane Demol et, surtout, Vítor Baia, qui fut le gardien de but le plus cher jamais vendu au monde lorsqu’il partit à Barcelone. Il a toujours eu la réputation d’un homme qui savait faire des affaires, qui attendait le bon moment pour acheter au meilleur prix et savait vendre au moment où le joueur atteignait sa cote maximale. C’était un homme qui évitait les intermédiaires. Il répondait directement à Pinto Da Costa. Cela lui a évité bien des ennuis lorsque des scandales ont éclaboussé le club. Il était également très proche d’entraîneurs comme Artur Jorge, qu’il amena au Matra Racing, ou Tomislav Ivic, bien sûr « .

D’Onofrio quitta d’ailleurs le club en 1993, lorsqu’Ivic fut limogé. Ce qui ne l’empêcha pas de rester très proche du club.  » Mais il fit aussi des affaires avec d’autres clubs, comme le Sporting, à qui il amena des joueurs comme Mbo Mpenza, Dimas et AndréCruz « , poursuit Queiroz.  » C’était le seul agent que je connaisse qui puisse être reçu le matin à Benfica, l’après-midi au Sporting et le soir à Porto « .

10 ans pour redresser un club, ce n’est pas si mal…

Leonor Pinhão, éditorialiste à A Bola et admiratrice de Benfica confessée, confirme :  » J’ai toujours eu beaucoup de sympathie pour Luciano, un homme compétent et intelligent. Aujourd’hui, il n’est plus une figure de référence dans le football portugais, parce qu’il a su s’en éloigner au bon moment. Il a fait son chemin tout seul et je ne suis pas du tout surprise qu’il ait repris le Standard. Il m’avait en effet toujours confié que son rêve était de diriger un club dans son pays, d’y rentrer par la grande porte. Je pense qu’il est sur le point de réussir son pari et cela ne m’étonne pas du tout : j’ai toujours pensé qu’il était beaucoup trop intelligent pour n’être qu’un simple agent de joueurs « .

Leonor Pinhão confirme que, pour les gens de Lisbonne, D’Onofrio a toujours eu une étiquette FC Porto mais que cela ne l’a pas empêché d’amener de très bons joueurs au Sporting et à Benfica.  » Dont Michel Preud’hom- me qui, lui, reste un personnage dont on parle encore très régulièrement ici « , dit-elle.

C’est en 1998 que D’Onofrio a repris le Standard avec Robert Louis-Dreyfus et Tomislav Ivic. Au cours de cette décade, de nombreux joueurs portugais ou brésiliens firent un crochet par Liège mais rares sont ceux qui rentrèrent au Portugal par la grande porte : Folha se retrouva dans le noyau B du FC Porto, Vinicius rentra au Brésil, Jorge Costa mit un terme à sa carrière, Sá Pinto était déjà à la retraite lorsque le Standard alla le chercher. D’autres eurent plus de chance comme Moreira qui, après être passé par Hambourg, Dinamo Moscou et Aves, est aujourd’hui le meneur de jeu du Partizan Belgrade ; Dimas disputa encore la Ligue des Champions avec le Sporting, Sérgio Conceição est au PAOK Salonique après une expérience manquée au Koweït. En décembre, il aurait voulu revenir au Standard mais D’Onofrio, échaudé par des épisodes douloureux de l’expérience précédente (sorties nocturnes, dispute avec Dominique, avec les arbitres, avec Preud’homme, avec des jeunes comme MarouaneFellaini ou StevenDefour,…) lui ferma la porte.

De tous ceux qui passèrent ou repassèrent par Sclessin après une expérience dans de grands clubs étrangers, c’est André Cruz, deux fois champion du Portugal avec le Sporting après l’avoir été en Italie avec l’AC Milan, qui connu le plus gros succès :  » Il me manque un titre avec le Standard et c’est pourquoi je suis venu voir le match contre Anderlecht : j’avais vraiment envie de ressentir cette ambiance « , raconte-t-il. Il en profita, aussi, pour présenter des joueurs brésiliens qu’il a lui-même formés et qui, si on leur en laisse le temps, peuvent apporter beaucoup au football belge. Car pour Cruz, le football est avant tout une question de patience.

 » Quand on y pense bien, dix ans pour redresser un club, ce n’est pas si mal « , dit-il.  » J’ai connu deux directions au Standard : en 12 ans auparavant, le club n’avait pas avancé autant. Luciano a eu besoin de footballeurs expérimentés pour ramener du professionnalisme à Sclessin. Il était tout de même normal qu’il fasse appel, en priorité, à des joueurs qu’il connaissait puisqu’il avait travaillé avec eux. Mais il sait aussi que le marché a changé et qu’aujourd’hui, ce sont les joueurs de 20 à 25 ans qui valent gros sur le marché des transferts « .

par patrice sintzen – photo: reporters

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