Trop de capitaines

Le Hollandais ne sera qu’un des fers de lance de Rabobank dimanche, à l’Amstel Gold Race.

Michael Boogerd (32 ans) vient de pédaler pendant quatre heures dans les collines du Limbourg néerlandais, pour préparer l’Amstel Gold Race et Liège-Bastogne-Liège, deux courses qu’il a terminées à la place la plus ingrate, la deuxième, l’année dernière.

Vous n’avez pas couru le Tour des Flandres…

Michael Boogerd : C’est une course fantastique, qu’on ne peut courir qu’en pleine forme. Pour cela, il faut y adapter son programme, au détriment de l’Amstel et de Liège-Bastogne, qui offrent deux chances de gagner au lieu d’une. En plus, on ne peut pas trop courir si on veut être bon au Tour. J’ai donc fait l’impasse sur le Ronde, même si ça m’a fait mal au c£ur. Mais je roule pour gagner ou au moins déterminer le déroulement de la course. Sinon, mieux vaut s’abstenir.

Vous avez une préférence, entre l’Amstel et Liège-Bastogne-Liège ?

J’aimerais faire comme Rebellin l’année dernière ! Liège est la plus belle, par son parcours, son ancienneté. Le parcours est moins dur depuis quelques années. Au lieu de 40 hommes, on en a encore 100 à la Redoute et tout le monde est encore frais. Cela a dévalué l’épreuve. Je préfère maintenant l’Amstel pour son final très dur. Rappelez-vous le peloton de tête il y a deux ans : Vinokourov, Armstrong, Rebellin, Bettini, Astarloa, Di Luca, Kessler. Liège embellirait mon palmarès mais l’Amstel est plus dure, avec l’arrivée au Cauberg.

Vous vous entraînez à fond et avez déclaré :  » Je dois me sentir mal pour être bien ensuite « .

Je sais quel braquet je dois enclencher pour être bon. Je dois souffrir. L’entraînement me dégoûte mais je sais que c’est nécessaire pour avoir ce petit plus en course. Je me plains sans arrêt, c’est dans ma nature, mais je suis motivé. Je m’entraîne généralement seul car personne ne peut me suivre, vu la façon dont je roule. En quatre heures, je me donne à fond. Je préfère ne pas devoir m’adapter aux besoins d’un autre.

Rabobank mise sur vous, Erik Dekker et Oscar Freire à l’Amstel Gold Race et à Liège-Bastogne-Liège. N’est-ce pas frustrant ?

Dans le passé, oui. Il est déjà arrivé que Dekker ait fait l’impasse sur le printemps et que l’équipe n’ait pas misé seulement sur moi alors que je détenais la meilleure forme. Il y avait toujours deux ou trois leaders. Beat Zberg, Markus Zberg, Geert Verheyen même. S’ils s’étaient placés à mon service, j’aurais eu des chances de gagner. J’aurais dû l’emporter en 2003 mais j’étais seul, sans personne pour m’aider à rattraper Vinokourov. Avec Freire et Dekker, je ne peux plus exiger le leadership. On m’a reproché d’être nerveux mais voir Beat attaquer à fond puis se faire lâcher, c’était frustrant.

On vous reproche souvent votre nervosité.

Je suis nerveux mais je sais attendre et me cacher. L’année dernière à Liège, je ne suis sorti qu’à St-Nicolas, et à l’Amstel, je n’ai pas bougé avant l’Eyserbosweg. J’ai gagné des tas de courses parce que l’équipe avait misé sur moi : deux étapes à Tirreno-Adriatico, deux à Valence. Une étape dure au Pays Basque, avec Pantani et Jalabert…

Avez-vous assez de coureurs pour servir trois leaders ?

Cela devient difficile. Ce ne sont pas des courses à étapes, où les choses se clarifient vite. Si Freire gagne deux étapes à Tirreno, nous travaillons pour lui puisqu’il est en tête. Ici, Freire, Dekker, Boogerd mais aussi Kroon et Löwik aspirent à la victoire. Il nous reste peut-être trois valets. C’est le problème de Rabobank : nous avons trop de coureurs ambitieux. Les Hollandais n’ont pas la mentalité des Italiens ou des Espagnols. Jamais nos grands noms ne rouleraient pour Freire comme les Espagnols l’ont fait au Mondial. Et regardez la joie des coéquipiers de Petacchi après Milan-Sanremo. Notre équipe ne serait pas en liesse.

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Erik Dekker a prétendu, lors du dernier Liège-Bastogne-Liège, que vous aviez attaqué alors qu’il allait revenir. Est-ce aplani ?

Il le fallait. En voyant les images, je n’ai jamais pensé qu’il avait raison et que j’avais commis une erreur. Lui estime qu’il aurait pu gagner, autrement. Nous acceptons le point de vue de chacun. Nous sommes de bons collègues. J’ai peu d’amis dans le peloton, d’ailleurs. L’année dernière, nous avons bien roulé tous les deux. La direction devait trancher. Au printemps, si elle avait dit : – Erik mise tout sur le Tour des Flandres, j’aurais pu rouler à son service. C’est du donnant-donnant. La direction aurait dû agir ainsi. J’en reviens au Mondial. Valverde peut aussi prétendre au titre mais il n’a même pas tenté sa chance.

La saison dernière, vous avez été deuxième à trois reprises, mais vous n’avez plus gagné depuis 1995. Etrange ?

Oui mais il faut être positif : j’ai réussi trois super courses. Je me suis réservé pour le final à l’Amstel et à Liège, même si, aux Pays-Bas, j’ai sans doute pédalé plus dur que Rebellin. C’est dû à mon enthousiasme. Et puis, les meilleurs doivent rouler en tête. Je pouvais laisser revenir Bettini, Van Petegem et Kessler puis spéculer, mais j’ai fait un choix, pensant pouvoir battre Rebellin au sprint dans le Cauberg.

Après le Tour 2000, vous étiez mal…

J’étais dans le trou. Tout a commencé en 1999. J’ai subi la pression de tout le pays. Mon printemps a été bon, l’automne et le Tour aussi. On ne parlait que de moi. L’équipe a tenté de me protéger de cette pression mais je voulais encore et encore faire mes preuves. Cela m’a tué, ça et les critiques. Je me suis renfermé. Mais je redeviens moi-même. Durant cette période, j’ai continué à m’entraîner sans baisser les bras. Le cyclisme m’a valu de bons moments même quand j’étais déprimé. On ne peut pas dire que j’aie connu des années vraiment noires.

Vous êtes chez Rabobank depuis le début, en 1996. Pouvez-vous imaginer rouler pour une autre équipe ?

Les chances diminuent avec l’âge. Rabobank a amélioré mon contrat en 1997-1998, quand deux grandes équipes m’ont fait des offres. J’ai décidé de rester car j’y suis bien. Et l’avenir ? On verra fin avril.

Le départ de Jan Raas fin 2003 a-t-il changé beaucoup de choses ?

Oui. Un autre management, d’autres directeurs. Concrètement, de petites choses ont changé. A chacun sa méthode de travail. Il faut s’y faire. Avec Raas, il y avait une ligne de conduite plus claire. Je doutais moins de mon programme que maintenant mais je ne veux pas noircir le tableau.

Roel Van den Broeck

 » Liège ferait bien à mon palmarès mais L’AMSTEL EST PLUS DURE  »

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