Trois techniciens et un pitbull

Jonathan Butera, Yilmaz Seker, David Rimbold et Afrim Salievski vont devoir faire leurs preuves en D1.

Le RWDM véhicule la réputation d’un club formateur. Lors des trois années de purgatoire en D2, le club a effectué un tri parmi les jeunes talents. Certains n’ont pas réussi à saisir leur chance et ont été prêtés dans des cercles de D3. Quatre éléments catalogués comme de grands espoirs du Stade Machtens effectueront, dès le mois d’août, le grand saut vers l’élite. Comment envisagent-ils une saison qui marquera peut-être un tournant décisif dans leur carrière? Possèdent-ils les qualités pour s’imposer au sommet de la hiérarchie? Portraits de quatre jeunes dans le vent mais qui espèrent ne pas être balayés en D1.

Yilmaz Seker, médian, 22 ans

De nationalité turque, Yilmaz a des airs de Johan Walem du Bosphore. Tant dans son physique que dans son jeu. Jadis valeur montante au Sporting de Charleroi, il a atterri au RWDM il y a quatre ans. Lors de l’ultime saison du club en D1, il émargeait encore aux Juniors UEFA. Sa carte de visite parmi l’élite est donc vierge mais elle ne demande qu’à se remplir. Alors que l’an dernier, il avait failli bifurquer vers un club turc, il vient de rempiler pour deux ans au Stade Machtens. Pourtant, il ne s’est réellement imposé que cette année en équipe fanion. Aligné en tant que deuxième milieu récupérateur par Ariel Jacobs, il a joué à la fourmi durant la majeure partie de la saison avant de littéralement exploser lors du tour final dans un rôle plus libre.

« Si les joueurs turcs rentrent régulièrement au pays, c’est surtout une question financière », dit-il. « Ici, j’ai l’occasion de découvrir la D1 dans un club que je connais et où les gens connaissent mes capacités. C’est l’idéal. Cette montée ne me fait pas peur. Au contraire, elle me motive fortement même si je ressens une vraie curiosité. »

Malgré son excellente saison, le club n’a pas osé prendre de risque et s’est renforcé dans l’axe. La concurrence risque de faire rage: « Je suppose qu’un noyau large est nécessaire. Je n’ai pas à juger les choix de la direction. Néanmoins, je pense pouvoir d’ores et déjà affirmer que le jeu développé en D1 me conviendra davantage que celui proposé en D2. Peut-être n’est-ce qu’une illusion d’optique mais j’ai quand même l’impression qu’il y a davantage d’espaces pour s’exprimer. Même si cela joue un cran plus vite. Le football y est plus construit, moins basé uniquement sur l’engagement physique. »

En D2, les jeunes du RWDM ont dû se frotter à des armoires à glace dont la seule et unique préoccupation consistait à casser le jeu et accessoirement leur adversaire.

« Je préfère la circulation du ballon que tackler à gauche et à droite. Même en tant que milieu défensif, j’aime participer à la construction. Cela me paraît davantage possible en D1. Mon gabarit – NDLA: plutôt petit– ne devrait pas y être non plus forcément un désavantage. »

Jonathan Butera, médian, 21 ans

Des souvenirs de la D1, Jonathan en a gardé quelques-uns issus de ses deux apparitions parmi l’élite. C’était lors de la saison 97-98. Une mi-temps contre le Standard et quarante minutes lors du dernier match en remplacement de Guy Vandersmissen, qui prenait officiellement sa retraite en tant que joueur.

« Quand on y a goûté, même si peu, on a envie d’y replonger », dit celui qui fait encore partie du noyau élargi des internationaux Espoirs de Jean-François de Sart. « En D2, nous nous sommes farci quelques déplacements atroces. Il n’y a qu’à Lommel que cela sentait la D1. Cela fait trois ans que nous patientions pour rejoindre l’élite. Cette fois, nous y sommes. »

Mais c’est maintenant que tout commence ou… finit. Car, à l’instar de ses trois équipiers, « Jona » va devoir éliminer l’étiquette d’espoir pour passer à un autre cap. Celui de valeur sûre de la D1: « J’ai signé mon premier contrat pro l’année de la culbute en D2. C’est dire que j’attendais ce come-back. Même si je suis le plus jeune des quatre, le défi est le même pour moi. Nous devons dépasser le stade des espoirs. Prouver sur le terrain que nous sommes capables de tenir. Je pense disposer des qualités pour faire mon trou mais c’est maintenant qu’il faut le faire. Cette saison sera peut-être essentielle. Nous devrions nous faire connaître du grand public mais peut-être aussi des clubs de l’élite. Même si, intrinsèquement, je me sens lié au RWDM. J’y suis depuis l’âge de six ans et je suis prêt à parapher un contrat à vie. A Molenbeek, je sais ce que j’ai. Ailleurs, je partirais dans l’inconnu. »

Numéro 10 de formation, Butera n’y a que rarement évolué au RWDM. Après avoir été aligné comme milieu récupérateur, il a été confiné sur le flanc droit de l’entrejeu durant près de deux saisons.

« Je m’y suis aguerri mais cela ne constitue toujours pas ma place préférée. J’espère avoir l’occasion de m’exprimer dans l’axe. A droite, j’ai souvent eu le sentiment d’être coincé. D’autant que je ne suis pas spécialement rapide et que la D2 n’offrait que des petits terrains. Autrement dit, peu d’espaces. Au-delà de la vitesse d’exécution qui va être l’adaptation la plus importante à assimiler, le jeu devrait davantage nous convenir, me convenir. Le RWDM faisait un peu tache en D2 car nous basions notre jeu sur la circulation de balle et la construction au ras du sol. Alors que nos adversaires tentaient sans cesse de nous secouer physiquement. »

Titulaire incontestable ces trois dernières années, il s’attend à connaître plus de difficultés pour s’imposer.

« Il est possible que je transite de temps à autre par le banc de touche mais cela ne m’inquiète pas. J’espère que le club n’oubliera pas ceux qui ont participé à la montée. »

David Rimbold, 23 ans, médian offensif

Paradoxalement, en trois saisons de D2, ce gaucher au crochet dévastateur n’a jamais réellement décroché un poste de titulaire au RWDM. Son irrégularité dans les prestations ainsi que des blessures à répétition lui ont joué de vilains tours. Pourtant, à l’heure de monter en D1, le club lui fait confiance. Parce que le potentiel, il l’a. Reste à l’exprimer sur la pelouse.

« J’espère cette fois être épargné par les blessures », dit-il. « Surtout lors de la préparation. L’an dernier, c’est ce qui m’a fait louper le bon train. Néanmoins, je pense quand même avoir apporté ma pierre à la remontée du club. Il est vrai que détrôner Cheikh Gadiaga, qui avait livré un excellent premier tour, n’était guère évident. Lors de la saison 97-98, j’ai été sélectionné pour une douzaine de matches en D1 quand Daniel Renders était entraîneur. Le Standard, Anderlecht et les autres, c’est quand même autre chose que Heusden ou Hekelgem. J’ai eu l’occasion de voir que la vitesse d’exécution était plus élevée mais que les espaces étaient également davantage disponibles. Mon jeu est basé sur des actions individuelles. Elles sont davantage possibles en D1 et également plus remarquées. »

Toutes proportions gardées, David possède un pied gauche à la Vercauteren. Capable à la fois d’emballer une défense et de marquer des buts.

« Le RWDM aurait eu tort de liquider des jeunes comme nous qui avons le club dans la peau et qui avons oeuvré pour la montée. Des renforts, il en fallait mais ce sont quand même les joueurs de cette saison qui ont assuré la montée. Il ne faut pas être trop gourmand: nous devrons nous battre pour assurer notre maintien. Quant à moi, je me donne une saison pour faire le point. Quelles sont mes possibilités de briller en D1? J’ai l’occasion de me situer. A la fin de la saison, j’effectuerai un bilan. J’espère qu’il sera positif. »

Afrim Salievski, défenseur, 22 ans

Lui aussi international Espoir, ce rugueux défenseur d’origine albanaise possède déjà une petite trentaine de matches en D1 à son compteur. A 17 ans, il a même livré six rencontres sous la férule de René Vandereycken. Paradoxalement, cinq ans plus tard, il semble avoir effectué du surplace. Ainsi, il n’a que rarement été titulaire dans le courant du défunt championnat. Sa place de prédilection, à savoir dans l’axe de la défense, était il est vrai occupée de maîtresse façon par Ibrahim Kargbo. Celui-ci aurait dû filer à Anderlecht mais il est resté.

« J’ai été franchement dégoûté de la manière dont j’ai été utilisé », relate Afrim Salievski. « Avant la saison, j’avais effectué un test dans un club turc mais le RWDM tenait absolument à me conserver. On avait besoin de moi, m’avait-on dit. Premier match de championnat: je joue à gauche. Je n’ai jamais été aligné à ma place et j’ai souvent fait banquette. Heureusement que la montée était au bout du chemin sinon j’aurais vraiment perdu un an. Aujourd’hui, les compteurs sont remis à zéro et j’ai retrouvé une réelle motivation. »

Néanmoins, la concurrence sera encore plus acerbe que cette année. Avec peut-être des perspectives encore moins réjouissantes.

« Cela ne peut pas être pire. La direction m’a fait comprendre qu’il y aurait quatre joueurs pour évoluer dans l’axe. Avec peut-être un changement dans le système de jeu. Lors de mes apparitions en D1, j’évoluais en marquage pur avec un libero dans une défense à cinq. A l’époque, on m’avait surnommé le pitbull parce que j’y allais franchement. Aujourd’hui, je suis toujours le pitbull mais j’ai acquis plus de maturité, plus d’intelligence de jeu. Je ne me sens plus l’obligation de stopper mon adversaire direct par tous les moyens et coûte que coûte. »

Afrim retrouvera-t-il ses marques à un niveau qu’il a côtoyé fort peu de temps et qu’il a quitté depuis trois ans?

« Cela fonctionait bien quand j’avais 17 ans, pourquoi pas aujourd’hui? Tenir des attaquants de l’élite, c’est un challenge très motivant. A l’époque, j’avais serré Strupar, Pivalejvic et d’autres. Il faut être attentif à tous les instants. En D2, les avants ont tendance à courir dans tous les sens. »

Jean-Marc Ghéraille

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