© GETTY

« Trois heures, c’est trois heures. Punkt aus « 

George Kessler a entraîné Anderlecht, le Club Bruges, le Standard et l’Antwerp. Un cas unique.

Nous lui avons déjà consacré cette rubrique, mais les anecdotes concernant George Marie Kessler sont inépuisables, même si l’ancien entraîneur, qui aura 89 ans à la fin de ce mois, n’éprouve pas le besoin de les raconter. Il s’est retiré depuis longtemps.

Anderlecht se souvient-il encore de Kessler? Son arrivée, après le mandat du gentil Pierre Sinibaldi, avait provoqué une petite révolution. Dès le premier jour, l’équipe s’était entraînée d’arrache-pied. La séance s’était achevée par une série de quinze cent mètres avec une limite de temps. Celui qui la dépassait devait recommencer. Une fois, le car devant conduire les joueurs en stage à Papendal, aux Pays-Bas, était arrivé avec cinq minutes de retard. Kessler avait déjà commandé six taxis. Ils sont arrivés au même moment et Kessler a ordonné au bus vide de suivre les taxis. Il a ensuite veillé à ce que la société des bus paie les frais.

Au bout d’un certain temps, les joueurs en avaient tous marre. Le soir, ils ont tenu une réunion dans le vestiaire des jeunes, à l’autre bout du stade, pour discuter de la situation. À leur grande surprise, Kessler les a rejoints. Il a demandé en riant s’il était invité et a soumis le noyau à une séance supplémentaire. Il a ensuite souri: après tout, ce n’est jamais une mauvaise idée de faire un peu d’exercice après une réunion importante…

Le Club Bruges se souvient-il encore de Kessler? Il habitait, il l’avait calculé, à 845 pas du stade. Il parcourait la distance en huit minutes et 48 secondes. Kessler avait été impressionné par un magnifique bureau, situé au coeur du stade. Il avait demandé à qui il était attribué. « À moi », avait répondu, fièrement, le bourgmestre et l’homme fort du Club, Michel Van Maele. « À partir de maintenant, c’est mon bureau », avait rétorqué Kessler, imperturbable, sur un ton qui n’admettait aucune contradiction. Plus tard, il avait fait aménager un foyer pour les joueurs, afin d’entretenir l’esprit d’équipe.

L’Antwerp se souvient-il encore de Kessler? Il a résidé à deux reprises au Bosuil. Il a terminé troisième lors de son premier mandat et a joué contre Anderlecht devant 42.000 spectateurs. C’était le 7 novembre 1987 et Kessler, qui aimait se plonger dans les horoscopes de ses joueurs, avait dit au président d’Anderlecht, Constant Vanden Stock, qu’il ne pouvait gagner contre lui ce jour-là. En effet, le 07/11, Kessler était invincible, la septième lettre de l’alphabet étant le G et la onzième le K. Ses initiales. « Vous comprenez? », avait-il demandé à un Vanden Stock perplexe. L’Antwerp a gagné 2-1.

Le Standard se souvient-il encore de Kessler? Il s’est opposé aux dirigeants, qu’il jugeait trop impatients et auxquels il reprochait de penser en supporters. Il s’est disputé avec l’agent Roger Henrotay, qui avait eu le culot d’enguirlander Kessler au téléphone et de lui raccrocher au nez. Le lendemain, celui-ci est entré dans son bureau pour le remettre à sa place, sur un ton glacial. Il n’est pas parvenu à relancer le Standard, ce qui l’a toujours rongé. Kessler recherchait la quiétude et ne la trouvait que dans le succès. Dans tous les clubs pour lesquels il a travaillés, il a tiré profit de ses facilités à l’oral, du style convaincant avec lequel il savait se présenter. Mais toujours avec une grande chaleur humaine, même si sa folie des grandeurs pouvait laisser croire le contraire et que certains trouvaient qu’il vendait de l’air, avec son langage sophistiqué. Kessler n’a pas été considéré comme un tacticien, bien qu’il ait toujours pensé être en avance sur son temps. Mais, disait-il, il n’éprouvait pas le besoin d’étaler ses connaissances en la matière.

George Kessler était un personnage fantastique. Malgré son respect maniaque des règles et des rendez-vous, il ne faisait jamais de concessions et était toujours fidèle à lui-même. Quand il travaillait au FC Cologne, le président a demandé s’il pouvait emprunter le bus des joueurs pour se rendre au stade. Oui, mais le car partait à trois heures. Malheureusement, le président a eu quinze secondes de retard et est arrivé en nage au perron de l’hôtel. Le chauffeur avait voulu l’attendre, mais Kessler s’était fâché. Il avait articulé:  » Abfahren », Démarrer . Les joueurs n’en croyaient pas leurs yeux. Plus tard, le président a quand même dit que c’était excessif, mais Kessler a répondu, imperturbable: « Trois heures, c’est trois heures. Punkt aus. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire