Trois ans

Au cours des trois premiers mois, le nouvel entraîneur des Hurlus a laissé une impression positive. Mais il estime prématuré de dresser un bilan.

Voici trois mois, Lorenzo Staelens était propulsé au faîte de l’équipe Première de l’Excelsior Mouscron à la suite du départ de Hugo Broos pour Anderlecht. La direction du club n’a guère tenu compte des nombreuses candidatures qui étaient parvenues au secrétariat et a opté pour un homme de la maison. Un choix qui, à l’époque, avait suscité divers commentaires. Certains affirmèrent qu’il était essentiellement dicté par des raisons financières. Si cette considération a probablement joué un rôle, force est de constater que le choix s’est aussi avéré judicieux sur le plan sportif. Novice sur les petits bancs de D1, Lorenzo Staelens a d’emblée frappé un grand coup en s’imposant 0-3 au Standard. Dans la foulée, d’autres bons résultats se sont ajoutés.

Les joueurs apprécient ses entraînements et, en match, le nouveau mentor des Hurlus a souvent fait preuve d’audace. Ces dernières semaines, cependant, l’Excel avait plutôt tendance à prendre des coups. Et l’on a coutume d’affirmer que c’est dans ces moments-là que l’on décèle les capacités réelles d’un grand entraîneur. A sa capacité à réagir, notamment. L’intéressé, pourtant, relativise: « Ce n’est pas sur une période d’un mois que l’on peut juger quelqu’un, mais à plus long terme. Dans deux ou trois ans, on pourra se faire une idée plus précise de ce que j’aurai réalisé. Cela dépendra, aussi, des moyens dont le club disposera ».

L’Excel a pris beaucoup de buts ces derniers temps…

LorenzoStaelens: Que l’on perde 5-1 ou 1-0, le résultat est le même: on n’a pas de points. Je conçois que ce n’est pas agréable d’encaisser une dégelée. Mais, si l’on excepte le match à Prague où nous avons été dépassés par les événements, la manière de jouer ne m’a pas déçu. A Anderlecht, nous avons offert une belle résistance jusqu’au 4-3. A Bruges, la première mi-temps fut très équilibrée. Il y a eu cette erreur de Francky Vandendriessche, puis le 2-0 qui nous a asséné un coup au moral. Nous avons tenté de réagir et nous nous sommes découverts. D’autres se seraient peut-être contentés de limiter la casse et de conserver le 2-0. Moi pas. Trop de blessés

Comment avez-vous travaillé durant la trêve de l’équipe nationale?

On aurait pu penser que c’était le moment idéal pour remettre les idées en place. Malheureusement, j’étais privé de nombreux joueurs. Kevin Pecqueux était parti avec les Espoirs, Alexandre Teklak et Jean-Philippe Charlet ont encore dû s’entraîner individuellement avec Gil Vandenbrouck durant la première semaine, Gordan Vidovic n’était pas encore prêt, Olivier Besengez et Pascal Renier se sont blessés également. Je n’ai jamais pu disposer du quatre arrièreque j’avais en tête.

Les blessures n’ont pas épargné l’effectif.

J’ai souvent dû modifier ma ligne arrière. Je ne veux pas invoquer ce contretemps comme excuse. Quand on est un bon footballeur, on doit être capable de défendre avec n’importe qui. Evidemment, il faut s’entendre. Et c’est sans doute à ce niveau que le bât blesse le plus: le manque de communication est évident. C’est un défaut qu’il est difficile de corriger, car il découle surtout de la nature de joueurs. Moi non plus, je ne parlais pas beaucoup sur le terrain au début. C’est venu avec l’expérience. Et j’avais la chance d’être très complémentaire avec Aleksandar Ilic. La saison dernière, l’axe central de la défense mouscronnoise était constitué d’Olivier Besengez et de Gordan Vidovic. Ce ne sont pas des extravertis mais eux aussi étaient complémentaires et ils n’avaient pas besoin de beaucoup de mots pour se comprendre. Généralement, en zone, Oli prenait l’homme et Vido couvrait. Cette saison, d’autres joueurs évoluent à leur poste. Et c’est tantôt l’un, tantôt l’autre qui prend l’homme. Ou parfois, hélas, aucun des deux.

Lors du match inaugural au Standard, tout avait pourtant bien fonctionné malgré une défense inédite…

Par la suite, c’est surtout la blessure de Jean-Philippe Charlet qui nous a posé des problèmes. Je ne devrais pas le dire, car il est encore jeune et pourrait déjà se croire indispensable, mais grâce à sa rapidité, il parvenait à rattraper un adversaire qui s’était échappé. Une qualité qui nous a manqué durant son absence. J’ai essayé de remédier à cette lacune en faisant redescendre Koen De Vleeschauwer à l’arrière droit, mais alors il nous manquait au milieu.

Malgré tous ces avatars, êtes-vous satisfait de vos débuts dans le métier d’entraîneur?

Dans l’ensemble, oui. Il y a eu beaucoup de positif. Un peu de négatif aussi, avec ces buts encaissés trop facilement. Et, surtout, avec la manière ridicule dont on risque de perdre les trois points conquis contre Mons pour avoir aligné Mathieu Dejonckheere dans les cinq dernières minutes. Personnellement, j’ignorais qu’il fallait demander une nouvelle licence pour un gamin qui a suivi toute la filière des équipes d’âge au sein du club. L’affaire a été découverte un peu par hasard. Ce jour-là, le joueur avait oublié sa carte d’identité, et en poursuivant les vérifications, l’arbitre s’est aperçu qu’il lui manquait aussi la licence.Des jeunes et de l’audace

Lors de votre intronisation, vous aviez promis d’accorder la part belle aux jeunes. Vous avez tenu parole, et même davantage qu’on l’avait imaginé.

Les circonstances m’ont parfois obligé à brûler les étapes. Certains joueurs sont entrés dans l’équipe plus rapidement que prévu. L’idéal aurait été d’introduire les jeunes progressivement, à doses réduites, mais je ne disposais pas toujours de 36 solutions. Peu importe: tout cela, ce sont des considérations à court terme. Dans deux ou trois ans, l’Excelsior devra disposer d’une équipe valable composée en grande partie de jeunes qui auront acquis davantage d’expérience. D’autres joueurs pourraient s’ajouter à l’avenir. Mais, l’expérience, on l’acquiert en commettant des erreurs. Il faut l’accepter. Et c’est ce que nous faisons actuellement. Accorder la part belle aux jeunes, c’était aussi une volonté du club. Par souci financier, mais aussi pour séduire les supporters, toujours plus prompts à s’enthousiasmer pour des gamins de la région.

Dans cette optique, le départ de Jonathan Blondel n’est-il pas regrettable?

Tout à fait, j’en conviens. Il est probablement parti trop tôt. Ce n’est pas la philosophie de l’école des jeunes, de laisser partir un joueur doué après 18 matches en D1. Il faudrait fixer une limite de 50 à 60 matches, ce qui correspond à deux ou trois saisons. Histoire d’en profiter tout de même un minimum et d’assurer une certaine continuité. C’eut été préférable pour lui également: il aurait plus appris en D1 belge qu’en Réserve anglaise. Les choses étant ce qu’elles sont, il faut assumer. Un entraîneur est toujours triste lorsqu’il voit partir un bon élément, mais il faut tenir compte de l’intérêt du club. Le départ d’un joueur pour un club prestigieux peut aussi inciter d’autres jeunes à s’affilier à Mouscron. Ils voient qu’ils peuvent progresser et que, lorsqu’une bonne offre leur parvient, le club ne leur mettra pas de bâtons dans les roues. Au contraire, si l’Excel s’y retrouve financièrement, il encouragera les départs. C’est pour compenser ce genre de départs que le travail au Futurosport est important. Lorsqu’un jeune s’en va, il faut qu’un autre soit prêt à assurer la relève. Actuellement, nous n’avons pas les moyens d’acheter beaucoup de joueurs à l’étranger. Nous avons suivi le défenseur norvégien Erland Hansveit, de Brann Bergen et, s’il se confirme qu’il coûtera entre 500.000 et 750.000 euros, nous devrons probablement faire une croix dessus. D’autant que je me suis laissé dire que Leeds s’était également mis sur les rangs.

Durant ces trois premiers mois, vous vous êtes signalé par votre audace: Bevan Fransman introduit après 20 minutes au Standard, Tidiany Coulibaly titulaire à Anderlecht, Kevin Pecqueux titulaire à Bruges…

On peut considérer que l’on prend un risque lorsqu’on lance des jeunes dans le grand bain lors de déplacements chez les ténors du championnat. D’un autre côté, ils n’ont rien à perdre dans ces matches-là. S’ils en sortent à leur avantage, ce sera tout profit pour eux. Et s’ils commettent une erreur, on relativisera en tenant compte de la valeur de l’adversaire. Titi et Kevin ont déjà l’avantage de connaître le système du quatre arrière en ligne, pour l’avoir pratiqué en Réserve avec Geert Broeckaert. Et déjà avant. Il y a tout un fil conducteur initié depuis les équipes d’âge. Cela facilite grandement l’intégration des joueurs. Lorsqu’ils arrivent en équipe Première, ils savent déjà ce qu’ils doivent faire. Le cas de Bevan est différent, car il est à Mouscron depuis peu de temps. Jj’ai opté pour lui en raison de sa taille, face à Ali Lukunku. Le manque de gabarit, c’est le principal problème de Filston. La seule chose qu’il peut faire, c’est un peu de musculation, car il ne grandira plus. Mais il a fait de bons matches. A Anderlecht, il n’a jamais été mis en difficulté par Ivica Mornar dans le jeu au sol. Sur les balles hautes, c’était une autre paire de manches. Le droit à l’erreur

Par rapport à Hugo Broos, vous accordez plus rapidement une chance à un nouveau joueur. Vous n’avez pas hésité à titulariser Claude Bakadal lorsque vous avez jugé Marcin Zewlakow un peu fatigué. Ou Asanda Sishuba, récemment, à la place de Christophe Grégoire.

Je ne condamnerai jamais un joueur pour une seule mauvaise prestation. Mais si, après quelques semaines, la méforme persiste, il faut intervenir. Chaque fois que j’avais introduit Claude Bakadal au jeu en remplacement de Marcin Zewlakow, il avait apporté quelque chose. Alors, pourquoi ne pas essayer de le titulariser? Cela a réussi au-delà de toute espérance: je ne pouvais pas deviner qu’il allait réussir un triplé contre Charleroi. C’était aussi l’occasion de Marcin Zewlakow de se remettre en question. Ce qu’il a fait: je ne peux que le féliciter de son comportement, car il a remis l’ouvrage sur le métier sans maugréer. J’ai essayé de remettre l’attaquant polonais dans le bain en l’alignant sur le flanc droit, mais je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas sa meilleure place et je n’ai pas renouvelé l’expérience. Je ne lui rendais pas service en agissant de la sorte. Il recevra maintenant une nouvelle chance au poste d’attaquant, puisque Claude Bakadal s’est blessé. A lui, désormais, de saisir cette chance. En ce qui concerne Christophe Grégoire, j’estime qu’il n’a pas retrouvé son niveau de la saison dernière. Il en est conscient, mais ne parvient pas à en trouver les raisons. J’en ai discuté avec lui. Il se trouve face à la difficile saison de la confirmation. On attend davantage de lui et on le juge d’un autre oeil. Il franchira peut-être bientôt un nouveau palier. En attendant, comme Asanda Sishuba m’avait également donné satisfaction lorsque je l’ai introduit au jeu, je lui ai aussi accordé une chance. Dans l’absolu, c’est une bonne chose d’avoir deux possibilités à chaque place. Ce qui n’est pas encore le cas: pour Koen De Vleeschauwer ou Steve Dugardein, par exemple, je n’ai pas d’alternative.

Tactiquement, vous avez aussi innové. Si le principe du quatre arrièrea été conservé, vous avez évolué tantôt en 4-4-2, tantôt en 4-3-3, tantôt en 4-5-1.

Ces modifications étaient, la plupart du temps, destinées à remporter la bataille du milieu de terrain. Car j’estime que c’est là qu’on gagne ou qu’on perd un match. En fonction des adversaires, j’ai essayé de meubler ce secteur du jeu afin de ne pas s’y retrouver en infériorité numérique.

Vous faites partie de ceux qui, au temps où ils étaient joueurs, semblaient prédestinés à une future carrière d’entraîneur…

Oui, mais cela ne signifie rien. Franky Van der Elst avait toujours déclaré qu’il ne deviendrait jamais entraîneur. Et pourtant…C’est vrai que je me suis toujours intéressé aux méthodes de travail des entraîneurs que j’ai côtoyés. J’ai pris beaucoup de notes. Elles me sont utiles aujourd’hui. J’ai la chance, à Mouscron, de disposer d’une bonne base: celle mise en place par Hugo Broos. Le problème, aujourd’hui, ce sont toutes ces blessures. La semaine dernière, j’ai dû travailler avec 12 joueurs de champ et deux gardiens.

Pourtant, au début de la préparation, vous estimiez qu’il fallait dégrossir le noyau.

Ce n’était pas uniquement une question de nombre. J’estimais que, pour former un bon groupe, il fallait se séparer de certains éléments. Ce qui a été fait.

Vous êtes toujours joueur dans l’âme, dit-on…

Je me mêle encore régulièrement au groupe durant les entraînements. C’est là aussi que je constate le manque de communication dont souffre la défense. Je donne souvent des directives aux joueurs qui m’entourent. Mais, en principe, ce n’est pas à moi à le faire. En match, ils devront tout de même se débrouiller tout seuls.

Daniel Devos

« A long terme, chaque départ devrait pouvoir être compensé par l’éclosion d’un jeune »

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