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Tout Rocourt était là pour fêter une deuxième promotion en trois ans. Mais le matricule 4 a de nouveau galvaudé ses chances de montée. Entre du Sang et du Marine, mais surtout de la sueur et des larmes.

Artillerie lourde. Police montée et autopompe. Au cas où. Le dispositif mis en place à Rocourt, sur les hauteurs de Liège, annonce un événement de grande ampleur. Un bus ocre, tout droit sorti de la fraîcheur des nineties, dépose des Alostois prêts à en découdre. Le rendez-vous est fixé rue de la tonne, pour une rencontre qui pèse lourd. Les Oignons se déplacent sur le synthétique d’un club loin d’être artificiel : le RFC Liège.

Les forces de l’ordre paraissent tendues. Les 3.800 billets disponibles ont filé comme des petits pains. Et pour cause, les Liégeois accueillent Alost pour remporter un tour final synonyme d’accession à la D1 amateurs. Soit l’occasion rêvée de fêter les 125 printemps du RFCL.  » Nous sommes l’un des plus vieux clubs de Belgique « , lance le speaker, peu avant le coup d’envoi.  » Nous avons déjà eu quelques titres, mais il nous en manque un…  »

Kakou et barreau de chaise

Une semaine et demie plus tôt. Des valeureux liégeois escaladent les filets placés derrière la cage, en face de leur habituelle tribune couverte. Une séance fatidique aux onze mètres doit départager Brakel et Liège. Le Great Old vient de réaliser un come-back épique pour accrocher les prolongations (3-1). Les Sang et Marine passent par toutes les couleurs.

Et s’en remettent à un jeune du cru, tout juste majeur. Romain Matthys stoppe deux pénaltys et permet le rêve aux siens (4-2). Porté par ses coéquipiers, Kakou, la nouvelle coqueluche du club, chante avec ses supporters. Dimanche, ils rallient Alost et épluchent les Oignons sur la plus petite des marges (0-1).

Sans cligner des yeux, les Liégeois braquent d’office tous les tickets possibles pour le retour. Au grand dam de plusieurs abonnés et habitués qui ne parviennent pas à se procurer le précieux sésame.  » J’ai été clair en disant que jusqu’à telle date, ils avaient priorité « , tempère Gaëtan Englebert, l’ancien Diable directeur sportif du club.

 » À partir du moment où on ne vient pas chercher sa place… Le club a fait le maximum pour que tout le monde soit dans les bonnes conditions le jour du match. Malheureusement, on ne peut pas répondre positivement à plus de 5.000 demandes.  »

Quoi qu’il en soit, Rocourt retrouve un engouement égaré dans des errements cinéphiles et la destruction de son Vélodrome en 95. Et c’est encore Matthys qui joue les chauffeurs de salle. Ses parades répétées dans le premier acte font bouillonner un chaudron liégeois qui déborde, sous un soleil de plomb. Le speaker en profite pour haranguer la foule en wallon :  » E con’feye po nin l’rouvi  » ( » Encore une fois pour ne pas l’oublier « ).

Elle lui répond, du tac au tac :  » Allons Lîdje !  » Puis, les  » Liège, c’est nous  » reprennent de plus belle. Comme un clin d’oeil au Standard que le RFCL affrontera dans un match de gala le 28 juin prochain. Mais la confiance initiale retombe à la pause (0-0). Alost domine clairement son sujet.  » Ils ne jouent pas pour gagner hein, stu « , lâche un pensionné à son camarade, entre deux bouffées de barreau de chaise.

Missile et bateau gonflable

La tribune debout ne risque pas de s’assoupir. Une possible main dans la surface de l’Eendracht réussit même à la rendre plus vivante encore. Le gardien flamand, Kevin Van Den Noortgaete, reçoit alors quelques amabilités, au rythme des  » Et tu vas ramasser « . Pourtant, à la 55e, c’est bien Matthys qui se penche pour sortir le cuir de ses filets.

Cédric Mitu ouvre la marque. Les supporters alostois, munis d’un drapeau de la Flandre, exultent. Occasion idéale pour brandir leur arme fatale : un bateau gonflable. Rebelote un quart d’heure plus tard. Seydina Diarra décoche un missile du pied gauche. 0-2. Silence. Le pire scénario imaginable. Et le noyau dur relance :  » Liégeois, attaque, attaque, attaque !  »

Van Den Noortgaete sort une claquette dans la foulée et conserve le break.  » Cette fois, c’est sûr, il n’y aura pas de prolongations « , lance un observateur aviné mais avisé.  » À chaque fois, c’est pareil. La prochaine, on va leur laisser un stade vide « , s’emporte un autre.  » On dit toujours que le public de Liège, c’est fantastique, mais eux (les joueurs, ndlr), ils ne sont pas fantastiques !  »

Mais ils forcent quand même. Karim Ezzahri entretient l’espoir. Très, trop tardivement (1-2, 88e). Chaque seconde est une minute. Chaque minute est une heure. Chaque heure est une journée. La tribune manque de s’écrouler à chaque tentative liégeoise. Kakou Matthys monte. En vain. Trois coups de sifflets puis, silence, encore.

Les Sang et Marine tournent pâles. Leurs onze guerriers rendent les armes, à terre. Quelques ultras envahissent le terrain pour les relever, tandis que les applaudissements reviennent, poussifs d’abord.  » Faire une saison pareille et louper la montée de si peu… Malheureusement, le goal arrive trop tard « , soupire Benoît, 50 ans, 43 à soutenir le RFCL.

 » J’ai connu la D1, j’ai connu la Coupe d’Europe… Mais bon, on est éternellement supporter. C’est pas ça qui va nous faire changer.  » La frustration ressort chez à peu près tous les inconditionnels du premier champion de Belgique.  » Je ne sais pas quoi dire. J’ai envie de pleurer « , confesse Philou, d’une voix cassée par les encouragements successifs.

L’occasion ou jamais ?

 » On est tellement habitués aux déceptions. Aujourd’hui, on ne mérite pas mieux. Le problème, c’est que l’année prochaine, il va y avoir le RWDM, l’Olympic, La Louvière… On va avoir dur de monter. C’était l’occasion ou jamais.  » Déjà, l’an passé, Liège rate l’ascenseur et redescend au quatrième échelon, suite à la réforme des championnats. Une situation difficile pour le club revenu en 2015 à son Rocourt d’origine.

Le nouveau projet du RFCL prévoit la construction d’un nouveau stade, théoriquement livré pour l’exercice 2018/2019. L’actuel, qui facture une moyenne de 2.000 spectateurs, sera utilisé par les équipes de jeunes. En cette fin d’après-midi, il se vide à une vitesse rare. Mais ses irréductibles n’oublient pas de repartir sur de bonnes bases.  » Ils vont encore nous faire souffrir longtemps « , souffle l’un d’eux à son compère.  » Allez, viens, on va s’en acheter une.  »

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTO BELGAIMAGE

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