Triste Roland

Nos championnes sont à la retraite et les garçons ne comblent pas le déficit.

Depuis dimanche, comme chaque année à cette époque, le sport se vit au rythme de Roland Garros… Qu’il soit étudiant, salarié, pensionné, le fan de tennis ne cesse d’interrompre ses activités afin de se ruer sur sa télévision et de suivre les résultats de ses joueurs préférés. Cette année, cependant, il y a comme un goût de trop peu. Il manque quelque chose, ou plutôt quelqu’une, Justine Henin ! Laquelle, depuis 2001, donnait à ces Internationaux de France un piment particulier. On ira même plus loin, depuis 1987, les allées du stade de la Porte d’Auteuil n’ont cessé d’accueillir davantage de spectateurs belges attirés par nos joueurs de plus en plus nombreux.

En 1987, Sandra Wasserman et Ann Devries ont montré la voie à suivre. Ce n’était évidemment pas la première fois que la Belgique était représentée à Paris – Bernard Mignot avait même été en huitièmes de finale en 1976 – mais ce n’est vraiment qu’en 87 que notre pays a commencé sa marche vers le succès. En 88, ils étaient quatre, Eduardo Masso et Sabine Appelmans se joignant au duo précité. En 1992, trois joueuses – Wasserman, Appelmans et Dominique Monami – et trois joueurs – Masso, Bart Wuyts et Xavier Daufresne – portaient à six le record de Belges dans les tableaux finals. Record qui sera battu en 1995 avec cinq joueuses – Appelmans, Monami, Els Callens, Nancy Feber et Laurence Courtois – et deux joueurs – Johan Van Herck et Kris Goossens. C’est pourtant l’année suivante que notre pays sera le mieux représenté de toute son histoire puisque pas moins de neuf tennismen et tenniswomen étaient présents dans le main draw des internationaux de France : Appelmans, Callens, Courtois, Monami, Stéphanie Devillé, Van Herck, Goossens, Filip Dewulf et Dick Norman.

De 96 à 2006, avec l’avènement des Kim Clijsters, Henin, Olivier Rochus, Christophe Rochus, Xavier Malisse et autre Kristof Vliegen, il y a toujours eu au moins cinq Belges dans les tableaux finals, ils étaient même sept de 2003 à 2006.

Depuis 2007 et le départ à la retraite de Clijsters, le compte à rebours semble avoir commencé. Quatre joueurs l’an dernier – Henin, les frères Rochus et Vliegen. Quant aux tableaux 2008, ils ne compteront que trois joueurs – O. Rochus, Steve Darcis et Vliegen – et une joueuse belge puisque Wickmayer s’est montrée très à l’aise lors des qualifications pour être acceptée parmi les 128 joueuses du tableau principal.

Mais pourquoi évoquer un compte à rebours ? Tout simplement parce que si la retraite anticipée de Justine Henin a évidemment fait beaucoup de bruit, elle a occulté le fait que le tennis masculin belge n’est probablement pas très loin de suivre le mouvement.

Seul Darcis ?

Si le grand public ne s’intéresse légitimement qu’aux exploits des meilleurs athlètes, la santé d’une discipline dans un pays ne s’analyse pas à l’aune des résultats de ses porte-drapeaux mais bien en fonction du nombre de joueurs nationaux frappant aux portes de la gloire. En ce sens, les qualifications d’un tournoi du Grand Chelem sont l’occasion rêvée de faire le point. Et là, il faut bien avouer que c’est une catastrophe. Seuls deux Belges (on parle des hommes) ont pris part aux qualifs. Et, là où l’on pourrait croire qu’il s’agit de jeunes espoirs de notre tennis, on constate au contraire qu’il s’agit des deux pros les plus âgés : Dick Norman, 37 ans depuis le 31 janvier, et Christophe Rochus, qui fêtera son trentième anniversaire en décembre. Ils ont d’ailleurs été battus d’entrée…

Evidemment, on est en droit de se dire que les jeunes espoirs étaient directement qualifiés pour le tableau final. Mais ce serait se montrer trop optimiste. A 24 ans et 3 mois, Darcis est le plus jeune du trio, Olivier Rochus ayant 27 printemps pour 26 à Vliegen. Quant à Malisse, qui a fait l’impasse sur Roland Garros, il aura 28 ans en juillet.

Outre Darcis, les autres Belges sont assez proches de la retraite. Non que leur âge ne leur permette pas de jouer mais leur corps ou leur tête, manifestement, les fait de plus en plus souffrir. Olivier Rochus se montre courageux car il est blessé à l’épaule depuis plus d’un an et repousse l’opération. Malisse est redescendu au classement mondial en raison d’une blessure récurrente au poignet qui l’a encore empêché de disputer le tournoi de Casablanca la semaine dernière. Christophe Rochus est dans une bonne forme relative mais son classement ne lui permet plus d’entrer dans des tournois majeurs, ce qui est minant psychologiquement. Quant à Vliegen, il ne parvient pas vraiment à retrouver son efficacité d’il y a deux ou trois saisons. Nous n’évoquons évidemment pas le quasi quadragénaire Norman qui mériterait sans doute une analyse complète à lui seul tant sa longévité – même à un deuxième niveau – est exceptionnelle. Darcis – qui, non seulement a moins de 25 ans mais est aussi très frais puisqu’il n’est entré dans le circuit principal que l’année dernière – risque de se retrouver très seul dans deux à trois ans maximum.

Les tout jeunes espoirs

Dans le rayon des espoirs, on constate que, derrière les joueurs déjà cités, ils sont neuf à avoir au moins un point ATP. Le plus jeune d’entre eux, Frédéric De Fays, a déjà 19 ans et n’est classé que 1.431e mondial. Sans être pessimiste, ce n’est pas dans cette génération que l’on peut réellement nourrir des espoirs de grands succès.

En juniors, alors ? Pas impossible puisque cinq Belges sont dans le Top 100 mondial des 18 ans et moins, leur leader, Alexandre Folie est même 17e. Mais c’est en descendant dans les âges que l’on repère les meilleurs de nos représentants. En moins de 14 ans européens, Julien Cagninia est troisième, Jeroen Van Heste, neuvième et Kimmer Coppejans, douzième. Soit trois excellents éléments. Mais on est obligé de se montrer réservé tant le tennis masculin évolue entre l’adolescence et l’âge adulte.

Bref, comme les femmes qui, après deux décennies de progrès, vont connaître une période de disette relative, les hommes traverseront sans doute bientôt quelques années très légères.

Le tennis belge risque de se retrouver à la situation d’avant 1987 lorsque l’on était heureux de croiser un, deux ou trois représentants du pays dans les allées de Roland Garros…

par patrick haumont – photo: reporters

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