Triomphe en famille

Pour la première fois, elle a partagé son titre avec ses frères, sa sour et son père. Seule ombre au tableau, elle supportait Roger Federer…

L’Italienne Tatiana Garbin est actuellement 22e joueuse mondiale. Très bonne terrienne mais il faut bien avouer qu’elle n’a pas encore marqué les esprits du grand public. Pourtant, le Transalpine est entrée dans l’histoire. C’était fin mai 2004, au deuxième tour de Roland-Garros. Elle jouait face à la tenante du titre, une certaine Justine Henin et elle avait gagné 7-5 6-4. Ce jour-là, les observateurs avaient écrit que la Belge était l’une des rares lauréates à s’incliner si rapidement douze mois après un sacre. Jamais, ils n’auraient pensé qu’ils venaient d’assister à la dernière défaite (jusqu’à aujourd’hui) de Justine à Roland-Garros. Car, depuis ce jour maudit de 2004 (année maudite également pour Henin qui la sauva en glanant une médaille d’or à Athènes), la numéro 1 mondiale n’a plus perdu le moindre match sur la terre battue de la Porte d’Auteuil. Depuis cet échec étonnant, dû à une santé en piteux état, Justine a aligné pas moins de 21 succès, dont… 18 acquis en deux sets. Juste pour le plaisir et pour les souvenirs, voici la liste de ses victimes successives.

2005 : Les Espagnoles Conchita Martinez, Virginia Ruano-Pascual et Anabel Medina Garriguez, les Russes Svetlana Kuznetsova, Maria Sharapova et Nadia Petrova et la Française Mary Pierce (F).

2006 : l’Estonienne Maret Ani, la Bélarus Anastasia Yakimova, Garbin (une revanche de 2004 puisque Justine lui a infligé un sévère 6-4 6-0), les Russes Anastasia Myskina et Svetlana Kuznetsova, l’Allemande Ana Lena Gr£nefeld et Kim Clijsters.

Nous voilà donc en 2007, il y a une petite vingtaine de jours. Pour la première fois cette année, Justine prend part à un tournoi du Grand Chelem et, pour la première fois depuis qu’elle est en position de s’imposer dans un majeur, elle s’y présente en l’absence de son fiancé ou mari. Qui plus est, contrairement à l’habitude, elle n’a pas archi-dominé la saison de terre battue. Svetlana Kuznetsova (WTA 3) et la Serbe Jelena Jankovic (WTA 5) pouvaient sembler légèrement supérieures, ayant aligné de très bons résultats dans les tournois préparatoires. La Russe avait même battu Henin à Berlin alors que la Serbe avait mené 4-0 au troisième set face, elle aussi, à Henin…

Outre ces deux joueuses, Serena Williams (USA, WTA 8) faisait également figure d’outsider importante. Vainqueur à l’Australian Open et, surtout, à Miami où elle avait pris précisément la mesure de Justine, l’Américaine constituait même un danger important.

Décontractée, cette fois-ci

Oui mais voilà. Pour la première fois depuis qu’elle fréquente le top mondial, Justine Henin est arrivée à Paris en toute décontraction. Sereine, souriante, disponible, étonnamment relaxe, elle a aligné les rencontres sans beaucoup de soucis. En fait, c’est lors des deux premiers tours qu’elle a peut-être un rien tergiversé.

Lors du premier tour, en raison non pas de son adversaire – Elena Vesnina (RUS, WTA 65) – mais bien de la pluie qui stoppa la rencontre à plusieurs reprises. Au deuxième arrêt, elle laissa Tamira Paszek (AUT, WTA 72) revenir à 5 jeux partout dans la première manche. Après, il n’y eut plus le moindre doute. 6-1 dans le deuxième set face à Paszek ; 6-2 6-3 devant Maria Santangelo (ITA, WTA 31) ; 6-2 6-4 contre Sybille Bammer (AUT, WTA 25) en huitièmes de finale. Une promenade de santé, donc. Que l’on imaginait terminée le mardi de la deuxième semaine puisque Justine retrouvait une certaine Williams en quarts de finale. Eh bien, il n’y eut pas vraiment de combat. 6-4 6-3 sans sourciller. Restait alors à battre l’épouvantail Jankovic pour se qualifier pour une nouvelle finale.

Epouvantail ? Pas pour Justine. Qui s’imposa sur un double 6-2 incontestable et d’ailleurs incontesté. La promenade de santé se poursuivait. Et Justine était toujours aussi souriante, aussi décontractée, se permettant même de lire des messages de son coach lors des changements de côtés.  » Il s’agit de notes techniques sans grands secrets, sauf en finale où il m’a aussi donné quelques notes très personnelles dont je ne vous dirai rien « .

A ce rythme-là, ils étaient bien peu nombreux ceux qui pensaient que Ana Ivanovic (SER, WTA 7) allait faire trembler la triple lauréate en finale. Et à juste titre puisque c’est en 65 minutes et à peine 15 jeux que notre compatriote a renvoyé sa jeune et jolie rivale à ses études prometteuses… Notez qu’Ivanovic a tout de même mené 1-0 40-0… évitant ainsi la débâcle qui aurait pu faire penser à la finale 1988 lorsque Steffi Graf gagna 6-0 6-0 face à la Russe Natasha Zvereva.

Certains – mauvais esprits – ont avancé que les rivales de Justine n’avaient guère atteint un niveau élevé. Ils se trompent. Car Justine Henin, sur terre battue, est capable de maîtriser toutes velléités. Ce n’est pas que ses adversaires ont été mauvaises, mais face à une Henin aussi sûre d’elle, il est quasiment impossible de trouver la moindre faille. Ni la puissance de Serena Williams, ni l’aptitude à la terre de Jankovic, ni la jeunesse et la fougue d’Ivanovic n’étaient suffisantes pour contrer le talent pur, l’expérience, la détermination et la sérénité de Justine.

Que de mauvaises langues

D’autres – mauvais esprits eux aussi – diront sans aucun doute que la domination de Henin devient lassante, qu’il n’y a plus de raisons de crier à l’exploit. On lira pourtant par ailleurs la place que Henin est en train de prendre dans l’histoire du tennis féminin. Quant à celle qu’elle occupe dans le sport belge…

Curieusement, alors que, justement, elle est en train de marquer l’histoire – ce qui a toujours été son leitmotiv – Justine a remis les pendules à l’heure au cours de différentes conférences de presse. En substances, elle a insisté à plusieurs reprises sur le fait que le bien-être personnel était sans aucun doute plus important que le palmarès. Qu’il était préférable d’être heureuse plutôt que de chercher à battre les records… Et, manifestement, il y a moyen de combiner les deux. Justine est en train de faire, elle qui a renoué avec sa famille il y a trois mois, officialisant la nouvelle dès après la finale et devant la terre (battue) entière. Se tournant vers ses frères Thomas et David et sa s£ur Sarah, elle lança :  » Je vous aime. Vous m’avez manqué « .

Puis, lors de la conférence de presse :  » Je ne m’étendrai pas sur ma vie privée mais il est vrai que c’est merveilleux de pouvoir partager des moments de bonheur avec sa famille. Mes deux frères et ma s£ur étaient dans les tribunes ; mon père m’a regardée à la télévision, mais nous nous sommes parlé au téléphone chaque jour. C’est merveilleux. Tout n’est pas facile, mais c’est vraiment agréable. Quand j’ai dit à CarlosRodriguez qu’ils seraient là, il était très heureux et très fier. Il m’a répondu : Il faut absolument que tu gagnes un autre tournoi du Grand Chelem et que tu puisses le leur offrir. Au fond de moi-même, je savais que je pouvais le faire, mais émotionnellement, il a fallu que je gère tellement de choses au cours des derniers mois que c’était assez éprouvant. Il était également indispensable que je reste concentrée et que j’essaye de m’amuser sur le court « .

Ce qu’elle fit donc sans problème. Heureuse, Justine l’est donc sans doute plus que jamais. Il y a tout de même une petite ombre au tableau…  » J’aurais vraiment voulu que Roger Federer gagne le tableau masculin « , a en effet confié Henin.

Nadal impérial

Il est vrai que tout semblait être en place pour voir l’Helvète atteindre son objectif majeur : gagner à Paris, le seul titre du Grand Chelem qui lui manque. D’une part, il avait traversé le tournoi sans trop laisser échapper d’énergie (son match face à Nicolay Davydenko (RUS, ATP 4) a certes été un solide combat mais qui n’a duré  » que  » trois sets). D’autre part, il avait battu Rafaël Nadal (ATP 2) sur terre battue à Hambourg, avançant même qu’il avait enfin compris certaines choses dans le jeu de son rival ibère et que certaines clés s’étaient offertes à lui…

Et, de fait, le numéro 1 mondial entama la finale sûr de l’opportunité qui se présentait enfin à lui. Prenant la balle au sommet du bond, montant au filet dès que possible, il s’octroya pas moins de… dix balles de break dans le premier set. Rien n’y fit puisque c’est Nadal qui le remporta bel et bien par 6-3…

Federer poursuivit cependant sa quête, prenant enfin le service espagnol dans le deuxième set et égalisant alors aux manches. Mais en Grand Chelem, c’est de trois sets que l’on a besoin pour s’imposer. Et face à Nadal, chaque jeu, chaque quinze, chaque frappe de balle épuise, use. Federer en a encore eu la preuve éclatante dimanche. Le gain du deuxième set n’était que feu de paille. Nadal s’envola alors vers… son troisième titre. Les trois ayant été obtenus consécutivement, comme les trois derniers glanés par Justine Henin.

Qui, pourtant, aurait préféré une victoire de Federer… Lequel, donc, n’a toujours pas gagné à Roland Garros et n’a toujours pas réussi à gagner les quatre levées du Grand Chelem. Gageons que sa supportrice principale – la numéro 1 mondiale – aura à c£ur de lui montrer à Wimbledon que c’est pourtant possible…

par bernard ashed – photo : reporters

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