Traversée du désert

Le Liégeois d’Anderlecht a traversé une période difficile mais ne veut pas compter sur les malheurs des autres pour rebondir.

L’entraîneur Guido Brepoels avait lancé le message à ses joueurs :  » Si vous gagnez, vous êtes premiers « . Le message a été reçu cinq sur cinq et c’est Anderlecht qui est tombé dans le piège.  » On était pourtant averti « , reconnaît Guillaume Gillet.  » On savait que ce serait un match compliqué, face à une équipe qui a le vent en poupe. Mais on l’a abordé naïvement, en manquant de concentration et en commettant des erreurs dignes de Préminimes. 2-0 après dix minutes : on a été cueillis à froid. Après, on a eu l’occasion de revenir, mais on a manqué de réalisme à la conclusion. On n’a peut-être pas procédé de la meilleure manière. En deuxième mi-temps, par précipitation, on a abusé de longs ballons. On a fréquemment sauté l’étape de l’entrejeu. Ce n’était pas le jeu d’Anderlecht. Il aurait mieux valu faire circuler le ballon au sol et procéder par les flancs. Je ne sais pas si les événements d’il y a 15 jours trottaient encore dans les têtes. L’entraîneur a, forcément, été obligé d’opérer quelques changements. Mais on ne doit pas invoquer cela comme excuse. On a prouvé, à Courtrai et à Zulte Waregem, qu’on était capable de bien négocier des déplacements délicats. « 

On attendait avec curiosité les choix qu’allait opérer Ariel Jacobs pour remplacer Marcin Wasilewski et Jan Polak. Il a opté pour Ondrej Mazuch à l’arrière droit et Gillet dans l’entrejeu.

Alors que vous aviez perdu votre place de titulaire, les graves blessures de Wasilewski et de Polak ont libéré les deux places que vous pouvez revendiquer…

GuillaumeGillet : Franchement, je ne pense pas à cela. Deux copains sont out pour une longue période et je ne peux pas m’en réjouir. Par ailleurs, je suis convaincu que même avec un effectif au complet, j’aurais récupéré ma place. J’ai subi beaucoup de critiques en ce début de saison. Personnellement, je ne me suis pas trop inquiété. Je sais que je suis plutôt du genre diesel. Je démarre rarement une saison pied au plancher, il me faut toujours un peu de temps pour trouver le bon rythme. En outre, je n’ai pas pu effectuer l’entièreté de la préparation à cause de cette blessure aux cervicales encourue lors du premier test-match contre le Standard. J’ai dû me contenter d’un travail individuel, sans ballon. Lors de mon premier match amical, contre le Zenit Saint-Pétersbourg en Autriche, j’ai senti que j’étais à la traîne.

Entre-temps, l’équipe s’était formée sans vous. Dans l’entrejeu, Polak semblait plus complémentaire avec Biglia, et sur le flanc droit, il y avait Chatelle et Legear…

Je n’ai pas la même vitesse au démarrage que Thomas et Jonathan. Je peux me débrouiller comme ailier droit, mais ce n’est pas l’idéal. Et dans l’entrejeu, c’est vrai que je me sens moins à l’aise dans un système avec deux milieux axiaux qu’avec trois milieux. Il faut bien que l’un d’eux assure la couverture. Or, Lucas apprécie aussi un rôle plus offensif. J’essaie de lui laisser ce petit plaisir. Je dois donc davantage songer à la récupération. Ariel Jacobs me le répète souvent. Je m’efforce de remplir ma tâche, mais cela m’oblige à freiner mes ardeurs offensives.

Comment avez-vous vécu cette période, vous qui avez horreur d’être sur le banc ?

Cela peut paraître étonnant, mais je ne me suis jamais énervé. Je savais que mon statut de réserviste ne serait que temporaire et qu’avec la tournante instaurée, vu la multiplication des matches, mon tour reviendrait régulièrement. Finalement, je n’ai été réserviste que contre Sivasspor, le Cercle et Zulte Waregem. A part cela, j’ai tout joué.

 » J’ai trop de lacunes en positionnement défensif « 

Suite à la blessure de Wasyl, on s’attendait à ce que vous retrouviez votre place d’arrière droit, d’autant que les solutions pour remplacer Polak dans l’entrejeu semblent plus nombreuses, avec Bouba Saré et Cheikou Kouyaté notamment. Or, à Saint-Trond, vous avez conservé votre place de médian. Soulagé ?

Je me doutais, depuis quelques jours, que j’évoluerais à ce poste. C’est à moi à démontrer que j’y suis le plus utile. Même sans Jan, rien n’est acquis : je devrai faire mes preuves à chaque match, à chaque entraînement. Chacun sait que je préfère évoluer dans l’entrejeu. Mais je ne peux pas être soulagé après une défaite.

A Saint-Trond, la défense n’a pas donné tous les gages de sécurité. Vous sentez-vous prêt, le cas échéant, à retourner à l’arrière droit ?

Si l’entraîneur me le demande, j’accepterai de dépanner, forcément. D’autant que, même à cette place, j’ai la possibilité de m’exprimer offensivement. Surtout lorsqu’on joue à domicile. La preuve : contre le Standard, j’ai été aligné à l’arrière droit après la blessure de Wasyl, et dix minutes plus tard, je marquais.

On vous a vu très exubérant après ce but égalisateur. A quoi avez-vous pensé ?

Il y a un peu tout qui a joué dans ma tête. D’abord, je remettais l’équipe sur les bons rails. Sur un plan personnel, je retrouvais aussi des sensations que j’avais presque oubliées. Je n’avais plus trouvé le chemin des filets depuis la visite du Cercle Bruges, au début du second tour de la saison dernière. A ce moment-là, j’en étais à neuf buts et j’espérais toujours, secrètement, pouvoir égaler mon record d’Eupen, qui était de 16 buts. Mais j’ai ensuite connu une petite traversée du désert.

Liée au fait que vous êtes passé sur le flanc droit ?

Mon changement de position y était sans doute pour quelque chose. Au premier tour, lorsque je remplissais le rôle d’infiltreur que j’apprécie particulièrement, cela s’était super bien passé. Au deuxième tour, je me suis retrouvé tantôt ailier droit, tantôt arrière droit. Ce n’était pas évident de retrouver directement de bonnes sensations. Même sur le flanc, j’ai hérité de suffisamment d’occasions pour marquer. Seulement, la réussite n’y était plus. Je manquais peut-être un peu de lucidité également.

Et cette fameuse place d’arrière droit ? On dit que cela pourrait aller en championnat, mais pas en coupe d’Europe…

Je suis assez d’accord. Je me suis rendu compte de mes limites en équipe nationale. Certains me voyaient déjà comme un nouvel Eric Gerets. Je ne peux pas dire que j’ai livré des prestations géniales. Je n’étais ni bon, ni mauvais. Lorsque je joue arrière droit, c’est mon apport offensif qui me permet parfois de briller. Mais au niveau du placement défensif, j’accuse trop de lacunes. Au niveau international, cela se paie cash. Avec le temps, j’aurais peut-être pu devenir un bon défenseur, mais il y avait encore beaucoup de travail.

Sans que ce soit aussi tragique que pour Wasyl et Polak, les différents Anderlecht-Standard ont également marqué des coups d’arrêt pour vous. C’est lors de ce match, en championnat, que vous avez perdu votre statut d’incontournable la saison dernière.

Ariel Jacobs m’avait, en effet, remplacé à quelques minutes de la fin. Jusque-là, j’étais à 100 % de temps de jeu. Inconsciemment, je m’étais dit que je garderais bien ce privilège jusqu’à la fin de la saison. Le rêve s’est évanoui ce soir-là. Ce n’était pas bien grave, car la joie d’avoir gagné 4-2 l’emportait.

C’est aussi contre le Standard, lors du premier test-match, que vous vous êtes blessé aux cervicales…

Je n’avais jamais été blessé jusque-là. Je pensais que la douleur allait s’estomper, mais même pendant les vacances, la gêne persistait au niveau des nerfs. Moi qui suis toujours très actif en vacances, j’ai dû me contenter du farniente au bord de la piscine.

Demain, c’est l’Europa League qui commence. Anderlecht y est-il plus à sa place qu’en Ligue des Champions ?

Il y a de bonnes équipes malgré tout dans la poule. On espère s’en extraire et aller le plus loin possible. Si l’on prend en compte les deux matches contre Lyon, c’est clair qu’on n’avait pas notre place en Ligue des Champions. Mais il y a d’autres formations qui y sont alors qu’elles ne me semblent pas supérieures à Anderlecht. Avec la nouvelle formule, on était certain d’hériter d’un grand. Lyon, c’est le top. En outre, sur les huit buts encaissés, il y a quatre cadeaux. A ce niveau-là, cela ne pardonne pas. On a pris un coup sur la tête lorsqu’on a été mené 2-0 après 12 minutes et on ne s’en est jamais remis. On aurait dû faire bloc, jouer de façon plus solidaire. On ne l’a pas fait. L’Europa League, ce n’est pas mal, mais j’aimerais quand même, un jour, jouer la Ligue des Champions avec Anderlecht.

Un Mauve dans une contrée Rouche

Comment vous est venue votre passion pour Anderlecht, alors que vous êtes Liégeois ?

J’ai sans doute suivi mon père, qui était aussi supporter des Mauves. C’est plutôt à lui qu’il faudrait demander comment il l’est devenu, car dans la famille, tout le monde était Rouche. Mais moi, cela m’arrangeait bien de devenir Mauve : j’ai toujours aimé faire le contraire des autres. Et puis, en tant que supporter du FC Liégeois, où j’ai fait mes classes, j’aurais trouvé bizarre d’encourager le Standard. C’était aussi l’époque où le Sporting raflait tout et brillait sur la scène européenne.

C’est dur d’avoir l’étiquette d’Anderlechtois lorsqu’on est Liégeois ?

Ce n’est pas évident tous les jours. J’essaie d’éviter les conflits et de me montrer dans des lieux trop sensibles, mais parfois, on n’y échappe pas. Mes parents habitent à Visé, ce n’est pas tout à fait Liège, mais les partisans des Rouches y sont majoritaires aussi. Il y a un an, alors qu’on m’avait demandé de donner le coup d’envoi d’un match de Visé, j’ai été insulté par des gamins de sept ou huit ans, alors que j’étais venu pour faire plaisir. Cela touche, malgré tout. C’est dur pour mon frère, aussi. Il joue en 1re Provinciale Liégeoise. Récemment, il a écopé d’un carton rouge. Il a été provoqué pendant tout le match, simplement parce qu’il est le frère d’un joueur d’Anderlecht, et à un moment donné, il n’en pouvait plus : il a perdu le contrôle de ses nerfs.

Après les incidents du dernier Anderlecht-Standard, cela ne va pas s’arranger.

Le climat est encore plus pesant, c’est sûr.

Quand avez-vous senti que l’ambiance se détériorait entre les deux clubs ?

Lors des test-matches. La pression était énorme. Sur le terrain, ce n’était plus du football. Ce n’était pas agréable de jouer ces matches-là. A partir de là, beaucoup de choses se sont passées.

Au terme du deuxième test-match, que vous n’avez pas disputé, vous auriez été mêlé à un incident dans le couloir des vestiaires…

Je n’y étais pas mêlé : je me trouvais dans le vestiaire. J’ai entendu que, dans le couloir, on scandait mon nom. Comme pour me narguer. Je ne ferai pas d’autre commentaire, je laisserai à d’autres le soin de juger. On venait de perdre le titre, on était forcément frustrés. Les joueurs du Standard étaient heureux d’avoir gagné, je peux le comprendre, mais il y a des manières d’exprimer sa joie.

Que peut-on faire pour que le climat redevienne serein ?

Je n’en sais rien. Mais il faut stopper l’escalade. On doit encore rencontrer trois fois le Standard d’ici à la fin de la saison.

Peu de gens le savent, car vous n’aimez pas en parler : vous avez joué au Standard dans votre jeunesse…

Pendant une saison, oui. J’avais 12 ans. Le FC Liégeois était descendu en D3 et ses équipes de jeunes ne pouvaient donc plus évoluer dans les séries nationales. J’ai effectué un choix sportif, et sur le terrain, cela s’est bien passé, mais j’avais un peu l’impression de trahir mes couleurs. Dès que Liège est remonté en D2, un an plus tard, je suis retourné là-bas.

Il parait que, dans votre plan de carrière, vous envisagez un retour à Liège en fin de parcours, pour boucler la boucle…

Oui, c’est quelque chose qui me tient à c£ur. J’y retournerai volontiers, quelle que soit la division où les Sang et Marine évolueront, à ce moment-là. Mais je retournerais aussi volontiers à Gand, où je me suis bien plu également.

La Bundesliga, cela reste un objectif également ?

Oui, toujours. Mais si je reste encore dix ans à Anderlecht, ce serait bien aussi. J’ai commencé ma carrière professionnelle plus tard que les autres, j’espère donc qu’elle se poursuivra également jusqu’à un âge avancé. Je continuerai jusqu’à ce que mon corps ne réponde plus positivement. Mais je sais aussi que, pour être performant, je dois toujours à 100 %. Je dépense beaucoup d’énergie sur le terrain, je ne peux pas jouer avec le frein à main.

« Je sais que je suis plutôt du genre diesel. Je démarre rarement une saison pied au plancher. »

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