Tranquillisant

Ce qui semble être un secret de polichinelle dans le monde du football constitue un mystère aux yeux des dirigeants fédéraux.

Alain Courtois s’en souvient encore très bien, en situant l’événement dans le courant de l’année 2001. Il n’avait pas repris depuis longtemps ses fonctions de secrétaire général de l’UB qu’un membre du personnel lui montra un article du quotidien Het Laatste Nieuws.

« Je l’ai relu il y a quelques jours encore alors que je remettais de l’ordre dans mes papiers », raconte le néo-politicien du MR. « Il s’agissait d’une interview de Patrick De Koster, une personne qui travaillait au service Affiliations de l’UB. L’article était même illustré d’une grande photo de lui. Dans cet article, il déclarait qu’il effectuait parfois des transferts, comme manager de Strombeek. Le terme transferts m’a interpellé car les ils relèvent précisément du service Affiliations, le service auquel il travaillait. J’ai trouvé cette situation pour le moins particulière et éthiquement incorrecte à l’égard des autres clubs. Je trouvais également désagréable pour les autres employés de l’UB le fait qu’un de leurs collègues, encore bien du service Affiliations, soit également manager d’un club. Je ne pouvais l’en empêcher mais je l’ai quand même prié de ne pas fonctionner comme manager de club pendant ses heures de travail. Il y avait suffisamment de personnes aptes à y veiller. Je lui ai également accordé un délai de trois mois pour prendre une décision: ou bien il quittait l’Union Belge et se consacrait pleinement à son job de manager de club, ou bien il restait, éventuellement dans un autre service ».

Courtois affirme ne pas savoir ce qui s’est effectivement passé au terme de ce trimestre, car avant cette échéance, il est lui-même entré au service d’Anderlecht. Cet élément permet de situer le dernier de ses deux entretiens avec De Koster à la fin de l’année 2001.

Jean-Paul Houben, maintenant secrétaire général mais alors adjoint de Courtois, était au courant de l’affaire. « En effet, nous en avons parlé avec Alain, ainsi qu’avec le président Jan Peeters« , confirme Houben, « Car nous nous posions des questions. Mais apparemment, ce n’était pas un problème et je n’ai rien changé à cette situation ensuite. Une douzaine de personnes de l’UB occupent des fonctions importantes dans des clubs, y compris des formations de l’élite. Ce n’est pas un problème pour autant qu’ils respectent une certaine déontologie et fassent bien leur travail à l’UB. D’ailleurs, il y a des services plus délicats que le poste Affiliations au sein de la fédération ».

C’est également l’opinion de Jan Peeters, président depuis juin 2001, bien qu’il affirme n’avoir jamais rien su de l’initiative de Courtois. Peeters cite lui-même en exemple Christian Theeus, qui gère le fonds de solidarité de l’UB tout en étant délégué d’équipe au Standard: « éa ne me causerait problème que si un employé faisait mauvais usage de sa fonction pour privilégier son propre club. Aussi longtemps que ce n’est pas le cas, pas de problème. Il faut opérer une distinction très nette entre ce qu’on fait pendant ses heures de bureau et pendant ses loisirs ».

Un secret de polichinelle?

Il est possible qu’il y ait davantage. Dans les murs de la Maison de Verre comme en dehors, on raconte que Patrick De Koster est également actif comme agent dans les divisions inférieures. Un entraîneur de D1 parle de « secret de polichinelle ». Alain Courtois laisse à la direction actuelle la responsabilité de ne pas estimer problématique le cumul de De Koster et prône la plus grande circonspection avec ce genre de rumeurs. Il n’a jamais mené d’enquête à ce sujet et son successeur n’en a jamais entendu parler.

« Comment pourrais-je le savoir? », réagit Jean-Paul Houben, d’un ton sec. Et Jan Peeters: « Je peux difficilement accepter le fait qu’un employé de la fédération, qui est sensé connaître le règlement, joue les agents de joueurs s’il n’est pas reconnu par la FIFA ou la Communauté flamande (la française ne reconnaissant pas cette activité). Evidemment, je sais que des gens travaillent sans être reconnus mais ce sont des personnes extérieures à l’UB… »

Il n’est pas très difficile de trouver les noms de joueurs pour lesquels De Koster aurait officié. Quelques coups de téléphone nous apprennent que ces rumeurs reposent d’une façon ou l’autre sur un soupçon de vérité. Un soupçon réfutable?

Un des joueurs cités parle de De Koster comme de son manager, un autre est sur ses gardes et préfère qu’on n’écrive rien: « De Koster ne m’aide que pour les papiers ». Un entraîneur confirme que dans son club précédent, De Koster a négocié au nom d’un joueur qui s’en allait. C’est également écrit noir sur blanc. « L’ancien manager sportif (sic) Patrick De Koster m’a proposé à Woluwé », déclare un joueur au Het Laatste Nieuws après son transfert de Strombeek au KVW Woluwé, pensionnaire de Promotion, il y a un mois. éa s’est produit après que De Koster a démissionné de ses fonctions de manager de Strombeek, à la fin de l’année dernière.

Voilà une affaire bien ennuyeuse pour un président qui a déposé plainte auprès de la FIFA contre un manager argentin qui l’a embobiné lors des négociations pour le match amical Belgique-Costa Rica, avant le Mondial. Mieux, Peeters pourrait avoir un problème. « Si c’est exact -et je pèse mes mots-, alors, nous avons effectivement un problème », admet Jan Peeters. « Comment nous allons le négocier? Vous devez interroger le responsable du personnel, qui est le secrétaire général, mais il faut prendre les mesures qui s’imposent. Cependant, il ne faut jamais condamner quelqu’un sans preuve. On l’oublie parfois. Maintenant que je suis au courant, je vais faire éplucher l’affaire. Je peux quand même difficilement entreprendre une action alors que je ne sais rien? »

Jean-Paul Houben, le chef du personnel, refuse d’anticiper le cours des événements.

Vous êtes quand même confronté à un problème si ces récits sont exacts?

Jean-Paul Houben: C’est vous qui le dites mais il faut mener une enquête. Je ne suis pas au courant.

Si l’UB dépose une plainte auprès de la FIFA contre un manager par lequel elle s’estime traitée de manière indélicate, alors même qu’elle emploie quelqu’un qui travaille peut-être comme agent de joueurs alors qu’il ne le peut pas, elle n’est quand même pas très crédible?

Non, en effet.

Parmi les employés, on estime scandaleux que l’UB n’intervienne pas.

Il y a toujours des mécontents, dans toutes les entreprises et plus encore en des temps aussi incertains que ceux que nous traversons. Nous n’allons pas recommencer ce petit jeu, quand même?Services d’amis

Patrick De Koster, un Bruxellois de 37 ans, ex-manager du FC Strombeek et du promotionnaire Lombeek-Liedekerke, employé à l’UB depuis 20 ans, comme son père et son parrain avant lui, est très bref.

« Je nie fermement travailler comme manager », déclare-t-il. « Mais comme je me suis fait beaucoup d’amis dans le monde du football, des personnes souhaitent parfois faire appel à ma connaissance et je suis toujours prêt à les aider. Des managers me téléphonent également car ils savent que je connais très bien mon métier. Lorsqu’ils ont un problème, ils n’hésitent pas à me demander ce que prévoit le règlement. Je ne pense pas avoir jamais dépassé les bornes ».

Vendredi dernier, moins de 24 heures après que nous avions pris contact avec eux pour cette affaire, Jean-Paul Houben avait convoqué Patrick De Koster. Ce dernier a répété ses propos à l’attention du secrétaire général et a également nié exercer la moindre activité de manager.

éa a complètement tranquillisé Jan Peeters.

Jan Hauspie

« Si c’est vrai, nous avons un problème » (Jan Peeters)

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