Toutes ses dents

Le Real Madrid fête ses 100 ans. Le président Florentino Perez et le directeur sportif Jorge Valdano évoquent le passé, le présent et l’avenir.

2002 est une année historique pour le Real Madrid. Quelle impression cela vous fait-il d’entrer dans l’histoire comme le président du centenaire?

Florentino Perez: Je n’accorde pas trop d’importance à ça. L’important, c’est le Real Madrid. Pas moi. Etre le président d’un tel club est évidemment un privilège. Et la fonction n’en prend que plus d’éclat en cette année de festivités.

Parmi tout ce que vous avez déjà réalisé en un an et demi de présidence, de quoi êtes-vous le plus fier?

Je n’ai pas encore réalisé grand-chose, mais je peux m’estimer satisfait d’avoir pu éliminer ce fardeau qui nous rendait la vie impossible. Je veux parler, évidemment, de cette énorme dette que le club avait consentie.

La situation financière était-elle pire que vous l’aviez escomptée?

Non, j’étais au courant des chiffres. La dette atteignait les 325 millions d’euros. Il était impossible de survivre avec un tel passif.

Comment vous êtes-vous pris pour effacer une telle ardoise en aussi peu de temps?

C’est simple. Nous étions propriétaires d’un terrain sur lequel était érigée la Ciudad Deportiva, autrement dit le centre d’entraînement et de formation. Ce complexe, bâti voici 50 ans, était devenu trop exigu pour nos aspirations actuelles, mais au fil du temps, la Communauté Urbaine de Madrid s’est étendue et le terrain s’est retrouvé situé dans l’une des meilleures zones de la capitale. Nous l’avons vendu. Avec l’argent récolté, nous avons pu éponger la dette et, en outre, construire un nouveau centre d’entraînement dix fois plus grand et qui, bientôt, sera également situé dans une très bonne zone.

Si vous construisez un centre de formation impressionnant, cela signifie-t-il que vous n’allez plus investir des fortunes dans l’achat de vedettes étrangères?

Non, une grande équipe doit être formée d’un ensemble d’éléments: des grands joueurs issus du centre de formation, qui entourent les meilleurs joueurs du monde. C’est ce mélange de stars et de joueurs du cru qui a fait la grandeur du Real Madrid. Mais le Real Madrid, c’est davantage qu’une équipe. C’est aussi une culture à laquelle les joueurs s’identifient. Dans cette culture, il y a le leadership, le fighting-spirit et la camaraderie. C’est tout cela qui a valu au Real Madrid d’être élu meilleur club du siècle.

Le nombre élevé de joueurs étrangers n’engendre-t-il pas une perte d’identité du Real Madrid?

Non. Le règlement de la Ligue Espagnole limite, de toute manière, à quatre le nombre d’étrangers qui peuvent être alignés simultanément lors d’un match de D1. La majorité des joueurs sur le terrain sont donc Espagnols. Et, dans le cas du Real Madrid, ils sont même Madrilènes. C’est notre volonté.

Di Stefano pour toujours

En repensant à l’histoire du Real Madrid, pour quel joueur auriez-vous un coup de coeur particulier?

Je me suis rendu au stade depuis l’âge de quatre ans. J’ai vu à l’oeuvre beaucoup de joueurs remarquables, mais je peux difficilement oublier Alfredo Di Stefano.

En tenant compte du fait que vous avez dépensé 62,5 millions d’euros pour Luis Figo et 75 pour Zinedine Zidane, combien vaudrait Alfredo Di Stefano?

C’est difficile à chiffrer. Les temps ont changé. Si nous avons décidé de nommer Alfredo Di Stefano président d’honneur du Real Madrid parce qu’il symbolise l’histoire vivante de ce club, cela démontre à quel point il est apprécié.

Le football est aujourd’hui devenu un sport planétaire. Est-il possible d’encore créer des mythes comme l’était Alfredo Di Stefano?

Je le pense, oui. Si nous maintenons encore longtemps notre niveau, l’équipe actuelle pourrait également entrer dans la légende.

Le monde du football n’est-il pas devenu fou lorsqu’on voit les sommes déboursées sur le marché des transferts?

Attirer les meilleurs joueurs du monde au Real Madrid n’est pas une folie. C’est une chose tout à fait normale.

Vous avez évoqué votre joueur préféré. Quel est votre président préféré?

Le président qui a changé le cours de l’histoire du Real Madrid est, sans conteste, Santiago Bernabeu.

L’une des prédictions de Santiago Bernabeu était qu’à l’avenir, le football se jouerait devant des caméras de télévision mais dans des stades vides. Cette prophétie ne s’est pas réalisée. Du moins, pas en Espagne où la popularité du football « live » est toujours vivace.

Non, et je m’en réjouis. Le football est demeuré très populaire, en particulier parmi les jeunes. Je peux même dire que le nombre de candidats-spectateurs s’accroît sans cesse. Il n’y a pas si longtemps, les tribunes du stade Santiago Bernabeu laissaient régulièrement apparaître des sièges inoccupés. Actuellement, il fait le plein pour tous les matches de championnat.

Le phénomène de la télévision n’a-t-il pas au contraire produit l’effet inverse de celui que l’on avait prévu? A savoir: le public veut voir en « live » des vedettes qu’il a découvert sur le petit écran…

Les grands joueurs et le spectacle attirent le public, c’est clair. Et, lorsqu’ils ont été satisfaits, les gens reviennent.

Toujours obligé de gagner

Plus encore que les années antérieures, le Real Madrid est obligé de remporter des titres en 2002.

Le Real Madrid est toujours obligé de viser le plus haut possible dans toutes les compétitions auxquelles il participe. Cette année, qui est celle du centenaire, est spéciale. Les trophées ne sont pas une obligation, mais il va de soi que nous espérons en remporter un maximum. A commencer par la Coupe du Roi, ce mercredi soir, contre le Deportivo La Corogne. L’objectif que nous nous sommes fixé est de réaliser un fabuleux triplé: championnat, Coupe du Roi et Ligue des Champions. Cet objectif n’a jamais été atteint au cours des 100 années précédentes. Ce sera, forcément, très difficile mais nous avons bon espoir d’arriver à nos fins.

Pour cette année du centenaire, le Real Madrid a choisi d’évoluer dans un équipement blanc immaculé, sans sponsor ni logo publicitaire. Pensez-vous pouvoir conserver ce maillot à l’avenir?

Pouvoir évoluer dans ce maillot immaculé, c’est un petit cadeau que nous nous sommes offerts pour le centenaire. Mais je ne pense pas que ce soit envisageable éternellement. Ceci étant dit, le sponsor qui voudrait éventuellement voir son nom sur nos maillots devra payer le prix fort. Combien? Plus de 12,5 millions d’euros par saison.

En termes de merchandising, le Real Madrid est encore en retard sur les clubs anglais.

Oui, j’en suis conscient. La marque « Real Madrid » est très intéressante, mais il nous manque un éventail de produits et une bonne distribution. Dans quelques mois, cependant, nous disposerons de plus de 150 articles destinés à la vente et notre réseau de distribution sera amélioré.

L’UEFA a décidé de maintenir la formule actuelle de la Ligue des Champions pour les trois prochaines années. Qu’en pensez-vous?

Des changements de formule trop fréquents doivent être évités. La formule actuelle est meilleure que la précédente, j’estime qu’il est donc préférable de la conserver. Un changement doit impliquer une amélioration. Je ne suis pas convaincu qu’on bonifierait la Ligue des Champions en la modifiant une nouvelle fois.

Pensez-vous qu’à l’avenir, on débouchera sur une ligue européenne indépendante constituée de clubs qui ne participeraient plus à leur championnat nationaux?

Personne n’est devin. Prédire l’avenir est très difficile. Mais je ne pense pas que, dans un avenir rapproché, les grands clubs européens déserteront leurs championnats nationaux. Les deux compétitions doivent coexister. Actuellement, le club qui arrive en finale de la Ligue des Champions dispute 17 matches internationaux. C’est suffisant.

Combien de temps comptez-vous rester à la présidence?

Je me représenterai aux élections présidentielles aussi longtemps que j’estime qu’il subsiste des projets à réaliser.

Quels sont vos projets immédiats?

Ils sont nombreux. Sur le plan économique, sur le plan sportif et au niveau de nos infrastructures, ainsi qu’au niveau de l’image du Real Madrid.

Aujourd’hui, considérez-vous que cette image est bonne ou pourrait-elle être meilleure?

Elle est bonne, mais il est de notre devoir de la fortifier et de l’améliorer. C’est l’unique manière de perpétuer notre popularité.

Pensez-vous, à l’avenir, à une entrée en bourse du Real Madrid?

Pas du tout. Je trouve normal que des clubs de football entrent en bourse, mais dans ce cas-là, le Real Madrid perdrait son identité. Les socios du Real Madrid veulent être propriétaires de leur club. C’est l’un des éléments qui nous différencient des autres clubs. Les socios veulent s’accaparer, non seulement des succès sportifs du club, mais aussi toute la culture qui l’entoure.

Daniel Devos, envoyé spécial à Madrid, ,

« Les jeunes continuent d’adorer le foot et notre club » (Florentino Perez)

« Toujours un mélange de stars et de joueurs du cru » (Florentino Perez)

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