Tout sur la CAN

La Coupe d’Afrique des Nations débute ce samedi et se déroulera conjointement au Gabon et en Guinée équatoriale. Passage en revue des grandes tendances du continent africain.

Qui succédera à l’Egypte, triple tenante du titre ? Didier Drogba sera-t-il enfin consacré roi d’Afrique ? Le Maroc d’ Eric Gerets peut-il créer la sensation ? Quelles sont les nouvelles perles que tenteront de s’attacher les écuries européennes ? A quelques jours du début de la compétition, ces questions reviennent inlassablement.

Chez les favoris et outsiders, la pression monte d’autant que les qualifications ont déjà coupé la tête de quelques habituels prétendants. En Guinée équatoriale et au Gabon, pas de trace de l’Egypte, l’épouvantail des trois dernières éditions, pas de trace non plus du Cameroun de Samuel Eto’o, ni de l’Afrique du Sud, de l’Algérie ou du Nigeria, des nations habituées de l’épreuve. Mise à part la Tunisie en 2004, qui organisait la CAN et qu’on voit difficilement décrocher la timbale cette année, il faut remonter à 1992 et la victoire de la Côte d’Ivoire à Dakar pour évoquer un succès échappant aux cinq grandes nations manquantes. Algérie, Afrique du Sud, Nigeria, Cameroun, Egypte, c’est 15 Can sur 27 éditions. Cela laisse donc pas mal de place à quelques prétendants.

Les favoris GHANA

Juin 2010, les Black Stars brandissent haut l’étendard du foot africain pour la première Coupe du Monde organisée sur le continent. Alors que la Côte d’Ivoire, l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Cameroun salopent leur copie dans les poules, le Ghana égale le joli parcours des Lions Indomptables de Roger Milla à la Coupe du Monde 90 en atteignant les quarts. Et sans le pénalty loupé d’ Asamoah Gyan dans les dernières minutes du duel épique face à l’Uruguay, les Jaune et Noir auraient retrouvé l’Allemagne en demi-finales.

Un an et demi plus tard, la bande au Serbe Goran Stevanovic (ex-coach du Partizan Belgrade tombeur d’Anderlecht qui succède à son compatriote Milovan Rajevac) affirme ses ambitions : la gagne. Malgré la nouvelle absence de la star Mickael Essien (déjà blessé il y a deux ans en Angola) et malgré la retraite internationale du Milaniste Kevin-Prince Boateng à seulement 24 ans, il reste du jeune et beau monde derrière avec les frères Ayew, Kwadwo Asamoah (Udinese) ou l’indiscipliné mais talentueux Sulley Muntari. La grande interrogation réside dans le comportement de Gyan, sélectionné malgré une blessure au genou.

CÔTE D’IVOIRE

Deux énormes stars : Drogba et Yaya Touré et une ribambelle de déroutants techniciens, la Côte d’Ivoire est incontestablement la formation la plus talentueuse d’Afrique. Bémol : cette constellation de talents avançait sensiblement les mêmes arguments il y a deux ans en Angola où elle se planta en quarts ou il y a quatre ans au Ghana avec une demi-finale perdue face à l’Egypte. Après l’épisode foireux Vahid Halilhodzic, la fédération ivoirienne mise cette fois sur un gars du cru pour diriger le tout : François Zahoui, modeste joueur ivoirien des années 80 qui reprit la sélection en août 2010. Si la discipline est (cette fois) de mise et les égos rangés au placard, on imagine mal le trophée échapper à la bande à Drogba.

Les outsiders SÉNÉGAL

Six matches, cinq victoires, un nul, 12 buts pour et deux contre : le Sénégal a été l’équipe la plus impressionnante des éliminatoires de la CAN. Et ce, au détriment du Cameroun, absent pour la première fois de l’épreuve depuis 1994. Le coach Amada Traoré (voir plus loin) peut compter sur une puissance de frappe exceptionnelle avec Moussa Sow (meilleur buteur du dernier championnat de France), Papiss Cissé (deuxième meilleur artificier de la Bundesliga 2010-2011), Demba Ba (15 buts en 19 matches avec Newcastle), l’ex-Marseillais Mamadou Niang ou encore Issiar Dia de Fenerbahçe. Derrière, c’est du costaud également avec Souleymane Diawara (Marseille), Lamine Sané (Bordeaux) ou Kader Mangane (Rennes).

Après une grosse période de crise entre 2007 et 2010, les Lions de la Teranga semblent prêts à marcher sur les pas de leurs glorieux aînés ( Khalilou Fadiga, El Hadji Diouf, etc.) qui furent la fierté du continent africain lors de la Coupe du Monde de 2002.

MAROC

Finaliste en 2004, battue par la Tunisie qu’elle retrouvera le 23 janvier pour un premier match couperet, la sélection marocaine s’est éteinte au fil des ans. La révolution interviendra avec l’engagement, en juin 2010, de Gerets qui, en peu de temps, a réussi à remettre de l’ordre dans ce qui ressemblait à une poudrière. Les Lions de l’Atlas arrivent à Libreville (capitale du Gabon) gonflés à bloc depuis la raclée (4-0) infligée au  » frère  » algérien en match de qualification.

Pour alimenter le marquoir, Gerets peut compter sur le pivot Marouane Chamakh (Arsenal), le virevoltant Oussama Assaidi (Heerenveen), l’instable mais très talentueux Adel Taarabt (QPR) ou l’ex-Andelechtois Mbark Boussoufa. Beaucoup de talent pour une formation très joueuse à laquelle le Lion de Rekem a apporté une grosse dose de rigueur et de sérieux.

A suivre GABON

Petit pays d’un million et demi d’habitants, cette ancienne colonie française organise pour la première fois (conjointement avec la Guinée équatoriale) le plus grand événement du foot africain. Et qui dit pays organisateur dit pression et grandes ambitions malgré l’absence de palmarès des Panthères – un quart de finale en 1996 comme meilleur résultat.

Gernot Rohr, ex-coach de Bordeaux, articule son groupe autour des  » Français « . En effet, ils sont huit à évoluer dans l’Hexagone (seul Fabrice Do Marcolino évolue en L2). Par contre, pas de stars à l’horizon pour galvaniser la population malgré quelques belles promesses comme Lévy Madinda (voir plus loin) ou l’expérimenté Daniel Cousin (ex-Lens et Glasgow Rangers). A signaler aussi, l’absence de Willy Aubameyang (son frère Pierre-Emerick est bien présent) qui évolua un temps au Milan AC sans y faire son trou et que l’on a vu à Eupen en 2009-2010. Les Panthères espèrent compter sur la rivalité Maroc-Tunisie pour atteindre les quarts.

BURKINA FASO

Avec Jonathan Pitroipa (Rennes), Bakary Koné (Lyon), Charles Kaboré (Marseille) ou Alain Traoré (Auxerre), les Etalons possèdent assurément l’une des plus belles générations de leur histoire. Devant, on retrouvera l’indéracinable Moumouni Dagano, ex-joueur de Genk aujourd’hui au Qatar, auteur de 21 buts en 52 sélections.

Là où le bât blesse, c’est derrière. Malgré l’avènement de Koné, le reste n’a pas fière allure. L’ex-Zèbre, Badou Kéré fait figure d’ancien mais arrive à court de forme, étant sur une voie de garage à Kyriaspor (Turquie). Le Portugais Paulo Duarte va devoir se gratter pour trouver une défense qui tienne la route.

ZAMBIE

C’est l’une des révélations de la dernière CAN, éliminée injustement par le Nigeria en quarts. Deux ans plus tard, l’effectif n’a pas fondamentalement changé et devrait à nouveau proposer un football frais et pétillant. D’autant qu’il peut à nouveau compter sur le bogoss’Hervé Renard, disciple de Claude Leroy, qui commit une courte infidélité après la CAN 2010 du côté de l’Angola avant de revenir  » au pays  » l’automne dernier.

La Zambie ne compte aucun nom ronflant. La grande majorité de l’effectif évolue sur le continent ; on dit d’ailleurs que c’est la dernière formation à évoluer à  » l’africaine « . Avec ce que ça comporte comme avantages et inconvénients…

Y’a rien à voir GUINÉE ÉQUATORIALE

Co-organisatrice de l’épreuve, la Guinée Equatoriale est pour pas mal de suiveurs la plus faible équipe du tournoi. Coincée dans un groupe assez ouvert avec le Sénégal, la Zambie et la Libye, on la voit difficilement passer le premier tour. Pour couronner le tout, la fédé s’est séparée, il y a quelques jours seulement, de son sélectionneur, Henri Michel pour le remplacer par le Brésilien, Gilson Paulo, ancien responsable de la formation au Vasco de Gama. On lui souhaite d’avance bonne chance…

SOUDAN

Citer un joueur des 23 sélectionnés du Soudan relève de la gageure. Aucun élément n’évolue ailleurs qu’au pays, même le coach Mohammed Abdullah Mazda est soudanais. Difficile de se faire une idée de son niveau, même si de l’avis général, les Crocodiles ne devraient pas faire le poids durant cette CAN. Le Soudan en est tout de même à sa huitième participation et l’a même remportée une fois. C’était en 1970 quand le Soudan fut pays organisateur.

BOTSWANA

Première équipe qualifiée pour cette 28e édition de la CAN en terminant devant la Tunisie : cette stat prouve que ce pays de l’Afrique australe n’est pas dénué de qualités. Et pourtant, des problèmes de primes non payées – chaque joueur réclamait 10.000 euros – sont venus miner la préparation. Difficile dans de telles conditions de revendiquer quelque chose d’autant que l’effectif ne possède aucun joueur capable de faire la différence individuellement.

Les Stars ANDRÉ AYEW (GHANA)

Parmi les trois nominés au titre de meilleur espoir de la dernière Coupe du Monde, DD Ayew a poursuivi sur sa lancée avec l’OM la saison dernière jusqu’à être élu meilleur Olympien de la saison. Aujourd’hui, plus question de promesse mais bien du titre de joueur cadre d’une équipe ghanéenne qui mise beaucoup sur ses crochets et ses frappes de balle déroutantes. L’intérêt d’Arsenal, Chelsea et Liverpool prouve que le bonhomme est en pleine bourre.

MAROUANE CHAMAKH (MAROC)

Remiseur hors-pair, l’ex-joueur des Girondins de Bordeaux est une figure clef du onze de Gerets. Seulement, depuis son arrivée à Arsenal, Chamakh rencontre des difficultés à s’imposer malgré des débuts prometteurs. Régulièrement réserviste chez les Gunners, son statut chez les Lions n’a jamais été remis en cause.

DIDIER DROGBA (CÔTE D’IVOIRE)

Nul n’est prophète en son pays : l’attaquant de Chelsea et star planétaire rencontre encore son lot de critiques en Côte d’Ivoire. On lui reproche de ne pas recopier ses prestations cinq étoiles avec les Blues. A 33 ans, Drogba veut mettre tout le monde d’accord en ramenant le trophée à Abidjan pour ce qui sera sa quatrième et assurément dernière CAN.

GERVINHO (CÔTE D’IVOIRE)

Perforateur de défense haut de gamme, l’ex de Beveren a connu une année 2011 faste avec un doublé Coupe-championnat au LOSC suivi d’un transfert vers Arsenal. S’il n’a pas encore tout explosé en Premier League, rares sont ceux qui doutent de l’incroyable talent de l’ancien partenaire d’ Eden Hazard. Le duo avec Drogba devrait faire des dégâts lors des prochaines semaines.

SEYDOU KEITA (MALI)

Cinquième CAN pour le joueur et capitaine du Mali. Malheureusement pour le milieu de terrain du Barça, il semble bien seul pour faire turbiner la machine malgré la présence de neuf joueurs évoluant en L1. Avec Keita à la man£uvre, les Aigles n’ont jamais passé le stade du premier tour.

RICHARD KINGSTON (GHANA)

Il est indiscutablement le meilleur gardien africain à l’heure actuelle. Actuellement posé à Blackpool, après avoir longuement séjourné en Turquie où il a obtenu la double nationalité, Kingston reste sur deux tournois de haute volée en 2010 : la Coupe du Monde et la CAN. Malgré ses 90 sélections, le dernier rempart des Black Stars est loin d’être rouillé et devrait encore nous sortir quelques parades spectaculaires.

YAYA TOURÉ (CÔTE D’IVOIRE)

Depuis qu’il est parti rejoindre les Éléphants en stage, Man City ne trouve plus la bonne carburation et est en manque d’idées. Joueur-clef de l’effectif des Citizens, Big Yaya l’est tout autant pour le coach de la sélection, François Zahoui. Espérons que la préparation fut à la hauteur afin que le joueur africain de 2011 puisse déployer ses grands compas tout au long du tournoi. Le jeu des Eléphants devrait dépendre beaucoup du moteur de Yaya.

MAMADOU NIANG (SÉNÉGAL)

En pré-retraite au Qatar, l’ex-Marseillais reste l’attaquant numéro un des Lions de la Teranga, dont il est capitaine, et ce malgré l’avènement des multiples puncheurs (Ba, Cissé ou Sow). Niang disputera sa quatrième CAN avec comme meilleur résultat une demi-finale en 2006. A 32 ans, ça devrait être sa dernière d’autant que la relève est prête.

A suivre JORDAN AYEW (GHANA)

Petit frère d’André, Jordan n’a encore que 20 ans mais une ambition débordante. S’il ne devrait pas être titulaire durant la compétition, ses montées au jeu pourraient faire très mal comme c’est souvent le cas à l’OM. Preuve de son excellente forme, il a planté deux pions au Red Star en Coupe de la Ligue avant de s’envoler pour la CAN.  » Les choses compliquées paraissent très simples avec Jordan « , souligne son illustre père, Abedi Pelé.

DEMBA BA (SÉNÉGAL)

Il aurait pu se retrouver parmi les stars de cette prochaine Coupe d’Afrique tant ses prestations depuis son arrivée en Angleterre en janvier 2011 sont étincelantes. Cette saison, l’ex-Mouscronnois colle même aux basques de Robin van Persie au sommet du classement des buteurs de Premier League.

Reste à se façonner un statut d’idole au pays, tout comme pour Sow, meilleur buteur du dernier championnat de France, mais qui devrait selon toute vraisemblance se contenter d’une place sur les côtés dans le onze d’ Amara Traoré.

BAKARY KONÉ (BURKINA FASO)

Au Burkina, il est surnommé Baki le Général. A seulement 23 ans, il est déjà le boss de la défense des Etalons. Arrivé cet été à Lyon du modeste club de Guingamp (L2) pour deux millions d’euros, l’arrière central d’1m88 s’est directement imposé au c£ur de la défense et s’est même distingué en Ligue des Champions.

ALAIN TRAORÉ (BURKINA FASO)

Une patate de forain, une activité débordante, le box-to-box de l’AJ Auxerre a déjà décroché cette saison quelques toiles d’araignées en L1. En légère baisse de régime lors des dernières journées de championnat juste avant la trêve, le Burkinabé espère retrouver les jambes du début de saison. Et dans ce cas, ça risque d’envoyer du lourd.

JONATHAN PITROIPA (BURKINA FASO)

Eternel promesse de la Bundesliga pendant trois saisons à Hambourg, Jo s’est relancé du côté de Rennes cet été. Et plutôt bien, puisque le Burkinabé fait partie des meilleurs joueurs du premier tour de Ligue 1. Cet ailier déroutant, briseur de reins, est le donneur d’assists officiel de Moumouni Dagano.

YOUNÈS BELHANDA (MAROC)

 » Si Hazard vaut 50 millions, Belhanda en vaut 60 « , avait balancé le truculent président de Montpellier, Louis Nicollin. Si la sortie est excessive, personne ne met en doute l’énorme talent du jeune milieu de terrain montpelliérain. Gerets ne s’est d’ailleurs pas trompé en lui offrant sa première sélection en novembre 2010. Doté d’une technique impressionnante, Belhanda est un régal pour les yeux.

SEYDOU DOUMBIA (CÔTE D’IVOIRE)

Parcours détonnant pour cet attaquant de 24 ans passé par le Japon puis la Suisse où il enfila les quilles pour Berne pendant deux saisons. C’est le CSKA Moscou qui décrochera la timbale pour 10 millions d’euros en 2010. Cet attaquant racé, suivi notamment par Chelsea qui voudrait en faire le remplaçant de Torres, en vaut plus du double aujourd’hui. Son titre de meilleur joueur du dernier championnat russe grâce à un ratio de 24 buts en 32 matches n’a fait que grossir sa cote.

Les coaches ERIC GERETS (MAROC)

Parti amasser les pétrodollars à Al-Hilal (Arabie Saoudite) en 2009-2010, Gerets a préféré relever un énième défi en paraphant un contrat de quatre ans avec la fédé marocaine en novembre 2010. La mission s’annonçait délicate tant les Lions de l’Atlas s’étaient montrés ingérables pour les précédents sélectionneurs devant régler les conflits entre  » locaux  » (joueurs évoluant au Maroc) et  » étrangers « .

Gerets est arrivé avec son aura et sa poigne quitte à se froisser avec quelques starlettes type Adel Taarabt (il quitta le groupe avant le match couperet face à l’Algérie avant de le retrouver au match suivant). L’ex-coach de l’OM jouit aujourd’hui d’une très forte notoriété au Maroc, on n’ose imaginer ce qu’elle atteindrait si sa bande venait à créer la sensation.

AMARA TRAORÉ (SÉNÉGAL)

Joueur, il multiplia les clubs modestes (Bastia, Gueugnon) de l’Hexagone à la pointe de l’attaque. Aujourd’hui entraîneur, le style ne change pas : simple et discret. Adjoint de la sélection entre 2005 et 2006, Amara Traoré s’installe au poste de T1 en décembre 2009 après avoir brillé avec le club de son bled, l’ASC Linguère avec lequel il décrocha le titre de D2 et la Coupe du Sénégal.

Après avoir traversé une grave crise ces dernières années, les Lions de la Teranga doivent leur salut à la nomination de Traoré, qui a directement enchaîné par une campagne de qualification tonitruante.  » Mes joueurs ont faim « , a-t-il prévenu lors du stage de préparation à la CAN.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

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