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Tout savoir sur la 11e étape du Tour de France: le terrible col du Granon peut-il réserver une surprise dans le choc au sommet ?

Albertville est abonné aux départs du Tour. On y donne le coup d’envoi d’une étape pour la sixième fois depuis 2012, après des départs en 2012, 2016, 2018, 2019 et 2021. Chaque fois, Albertville a été le début d’une étape alpine, respectivement en direction de La Toussuire, Saint-Gervais-Mont Blanc, La Rosière et Val Thorens. Une exception, l’année dernière: c’était une étape plate vers Valence, où s’était imposé Mark Cavendish.

Cette fois, la ville organisatrice des Jeux d’hiver 1992 est le point de départ d’une lourde étape de montagne, avec un dénivelé de 4.000 mètres. Le tracé ne fait que 149 kilomètres. Les quarante premiers n’accusent qu’une pente légère. C’est sans doute là que se formera une éventuelle échappée. Le sprint intermédiaire qui se déroulera après seulement 16,5 km. C’est après celui-ci que le bon coup pourrait partir.

Il sera intéressant de voir comment Wout van Aert et ses concurrents pour le vert, s’ils y croient encore, vont gérer cette situation. Le Campinois est également l’homme idéal pour représenter Jumbo-Visma dans une échappée précoce et tenter d’aider son équipe plus tard dans la finale très difficile de l’étape.

A moins que les coureurs n’attendent les Lacets de Montvernier, la première ascension du jour, et ses lacets étroits et à épingles à cheveux. La montée est longue de 3,4 km avec un pourcentage moyen de 8,2%. Sans doute la plus belle ascension des Alpes.

À épingler, l’absence du Col de la Madeleine, alors que les coureurs passent à son pied, à La Chambre. Les 110 derniers kilomètres n’en sont pas moins extrêmement durs, avec le Col du Télégraphe (11,9 km à 7,1%) puis, à partir de Valloire, le flanc le plus raide, le Col du Galibier (17,7 km à 6,9%). Ce col revient au Tour pour la première fois depuis 2017. C’est ici que se trouve le Souvenir Henri Desgrange, avec à la clé une prime de 5.000 euros (non-indexée depuis des années) pour le premier coureur qui arrivera au toit de cette édition (2.642 mètres).

On peut craindre qu’aucun coureur de classement ne lance une offensive importante aussi tôt dans le Tour, d’autant qu’après le sommet du Galibier, le peloton s’offre une descente de trente kilomètres dans le Col du Lautaret, jusqu’à Chantemerie (Saint-Chaffrey). Un échappé, même s’il bénéficie de l’aide d’un équipier, est toujours désavantagé sur ce terrain, face à un grand groupe.

Les coureurs ne jetteront toutes leurs forces que dans le Col du Granon, où on peut imaginer un numéro de Tadej Pogacar, à moins que Jonas Vingegaard et la Jumbo-Visma ne parviennent à lancer une grande offensive qui destabilisera le porteur du maillot jaune. Cette montagne est redoutable: 11,3 kilomètres à 9,2%, avec trois kilomètres à 10% au milieu. En outre, le col est battu par les vents, surtout dans les cinq derniers kilomètres, dépourvus de végétation et de tout obstacle.

Le profil de l'étape du jour.
Le profil de l’étape du jour.© Letour.fr

Un autre facteur joue un rôle crucial: la raréfaction de l’oxygène, l’arrivée se situant à une altitude de 2.413 mètres. Pourtant, le Col du Granon n’est pas l’arrivée la plus haute de l’histoire du Tour. Cet honneur revient au Col du Galibier, le site d’arrivée de la 18e étape en 2011, lors du fameux putsch d’ Andy Schleck. Cette arrivée relevait du demi-miracle logistique, même si le Galibier est un col de montagne alors que le Col du Granon est un cul-de-sac: l’étroite route asphaltée s’achève au sommet. Au-delà, il n’y a plus que des sentiers en terre battue.

C’est pour cela que le Tour n’y est plus passé depuis 1986. Stéphane Boury, le responsable de la logistique d’ASO, ne parvient à mettre en place les infrastructures nécessaires à une arrivée aussi isolée que depuis dix ans. L’espace réservé à l’arrivée sera d’ailleurs nettement plus restreint que dans les étapes classiques.

Le terrible profil du col du Granon.
Le terrible profil du col du Granon.© iStock

Pas encore d’offensive précoce ?

Reste à savoir si Jumbo-Visma, éventuellement avec l’aide des Grenadiers d’INEOS, lancera une grande offensive sur les pentes du Galibier. L’équipe UAE ne compte plus que six hommes encore en course dont un Marc Hirschi au bord de la rupture. Il faudra essayer d’isoler Pogacar.

Peut-être en lançant Primoz Roglic à l’attaque rapidement, lui qui pointe déjà à 2’52 » de son compatriote au classement général. Il y a cependant un inconvénient dont il faut tenir compte. Après le sommet du Galibier, la première partie de la descente est technique et rapide, avant une très longue descente peu difficile, le col du Lautaret, qui mènera les coureurs jusqu’à Chantemerie (Saint-Chaffrey).

Une échappée en solitaire sera toujours désavantagée dansn cette portion. C’est là que la présence d’un coéquipier solide, comme Wout van Aert pourrait être déterminante… Le vent sera cependant légèrement dans le dos, ce qui est un avantage.

Jumbo-Visma peut également augmenter le tempo dans le Galibier, puis abattre toutes ses cartes sur le Col du Granon. Cela semble être le scénario le plus réaliste. Mettre en place un train avec Tiesj Benoot, Steven Kruijswijk et Sepp Kuss, avant de lancer Vingegaard.

La direction de l’équipe néerlandaise a confiance dans les capacités du Danois sur une si longue ascension dans un air raréfié.Après le combiné Télégraphe-Galibier, soit 1 heure et 20 à 25 minutes de montée à 2642 mètres, il ne sera guère question de tactique. Seules les jambes feront la différence.

La longueur des cols et la chaleur peuvent-ils être des ennemis de Pogacar. En 2021 sur le Mont Ventoux et en 2020 sur le Col de la Loze, Vingegaard et Roglic avaient été capable de lâcher le porteur du maillot jaune. Sur des cols encore plus longs, de plus de 20 km et avec un temps de montée de 55 minutes à plus d’une heure.

Le Slovène a admis dans le podcast de Geraint Thomas l’hiver dernier que c’est son point faible et que Jumbo-Visma peut le mettre en difficulté sur ce terrain.

Un vrai aveu ou une diversion ? On verra si Pogacar écrasera le Tour sur les 11,3 km à 9,2 % de moyenne du Col du Granon ?

La défaillance d’Hinault

L’étape du Granon 1986 a été mémorable. Elle a été remportée par Eduardo Chozas, un coureur Téka qui s’était échappé après trente kilomètres. Septante kilomètres plus tard, au Col de Vars, il avait une avance de 18 minutes et quarante secondes. Il avait conservé plus de six minutes d’avance à l’arrivée. Ce n’était ni le premier ni le dernier exploit de l’Espagnol, spécialiste des solos, puisqu’il avait aussi filé seul vers la victoire en 1985 (Aurillac) et en 1987 (Morzine).

Bernard Hinault conserve de moins bons souvenirs de ce 20 juillet 1986. Maillot jaune, il avait été lâché dans l’avant-dernière ascension, le Col de l’Izoard, souffrant d’une blessure au mollet. Le Blaireau avait ensuite reconnu s’être habitué à la douleur. « Mais c’était comme si j’avais des épines dans les veines. » Sa défaillance fut d’autant plus amère que Greg LeMond, son coéquipier à La Vie Claire, prit définitivement le maillot jaune, le premier de sa carrière. Sans tenir compte de son « leader », il s’était associé à son ami suisse Urs Zimmermann. Le lendemain, on avait autorisé Hinault à s’adjuger l’étape de l’Alpe d’Huez, et il avait franchi la ligne bras dessus-bras dessous avec LeMond.

Eduardo Chozas lors de l'un de ses solos victorieux au Tour, vers Morzine en 1987.
Eduardo Chozas lors de l’un de ses solos victorieux au Tour, vers Morzine en 1987.© GETTY
Andy Schleck a réalisé un sacré numéro dans le Galibier en 2011.
Andy Schleck a réalisé un sacré numéro dans le Galibier en 2011.© GETTY

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