Tout reste possible

Tant Mons que le RWDM peuvent encore espérer rejoindre la D1. Parole aux clubmen: Frederiek Vanderbiest (RWDM) et Dimitri Mercier (Mons).

Jamais un tour final n’aura été aussi disputé. Alors que cette mini-compétition vient d’atteindre sa ligne médiane, les quatre équipes se tiennent dans un mouchoir de poche. Un petit point qui laisse présager d’un final stressant. La journée de jeudi dernier avait déjà étonné avec le succès de Turnhout à Geel et le nul concédé par le RWDM à domicile contre Mons. Dimanche dernier a pris les pronostics à contre-pied. Mons, que l’on croyait décroché, s’est offert le scalp du favori Turnhout grâce notamment à un assist de Dimitri Mercier. Le RWDM a, lui, profité de deux buts du libero Laurent Fassotte pour ramener un nouveau point, le troisième en trois matches, de Geel. Frederiek Vanderbiest, l’alter ego molenbeekois de Mercier, peut lui aussi encore rêver de l’élite.

Ils se sont croisés jeudi dernier lors d’un bien tristounet RWDM-Mons. Des Bruxellois incapables de trouver la faille dans une cuirasse montoise renforcée. Dommage car près de 7.000 spectateurs avaient envahi les travées d’un stade Machtens qui aspire à revivre les folles soirées de l’élite. Dans un football où la majorité des joueurs songe à changer de formation tous les ans, la notion de clubmen peut prêter à sourire. Il y a encore des résistants. Au RWDM, Vanderbiest pourrait vous parler des heures des années folles de son club. Lui qui, depuis l’âge de six ans, mange des kilomètres sous ce maillot et qui venait encourager au sein du kop les Boskamp, Thairet (aujourd’hui son entraîneur) et Rosez. A Mons, Mercier, qui à près de 38 ans se rapproche de la ligne d’arrivée, a lui aussi vécu les vingt dernières années de l’histoire des Dragons. Du passage en D2 au milieu des eighties à la lutte pour ne pas culbuter en Promotion en finissant par un tour final qui donne accès à l’élite. Ils ont souvent davantage dû mordre sur leur chique qu’un joueur transféré… tout en étant financièrement moins gratifiés.

Fred Vanderbiest, c’est le Molenbeekois pure souche. Avec l’accent chantant de la capitale, il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Tant sur qu’en dehors du terrain : « Quand j’étais gamin, je ne loupais jamais un match. Ni à la maison ni à l’extérieur. Je faisais partie des Brussels Boys mais je n’ai jamais cherché la castagne. Je dormais et je me levais en noir et rouge. Des souvenirs, j’en ai plein la tête. La première remontée en D1 avec un 2-2 contre Alost. But du… tibia d’ Albert Wouters. La deuxième remontée contre Berchem. La demi-finale de Coupe de Belgique contre Anderlecht avec une élimination imméritée. Et aussi un but historique de Lambic Wawa face aux mêmes Mauves et qui a privé nos voisins du titre cette année-là. L’histoire du club, je la connais par coeur ».

Probablement mieux que la plupart des dirigeants actuels. Ces racines, Vanderbiest les a nourries. De l’espoir, de l’ambition d’un jour jouer sur le grand terrain : « J’habitais un quartier chaud de Molenbeek, à Beekkant. Il y avait de la délinquance mais moi, mon trip, c’était le foot au RWDM. Jamais je n’oublierai mes deux premières minutes en D1. C’était lors du dernier match de la saison et de René Vandereycken contre Harelbeke en 96″.

La suite allait être à la fois plus palpitante et moins drôle. Intégré au noyau A sous la houlette de Daniel Renders, Fred a participé à la saison qui vit la culbute en D2 (deux titularisations et une quinzaine d’apparitions). Au moment où la majorité des joueurs voulaient filer à l’anglaise, Fred n’avait qu’une obsession: aider son club à revenir au plus haut niveau.

« En mai, on me confirme pour la prochaine saison et, en août, on me balance dans le noyau B avec Adrian Bakalli aujourd’hui en Angleterre à Swindon Town et Stéphane Demets, qui vient de rempiler pour trois ans à Beveren. Ce fut un sérieux coup de massue même si l’amour du club ne s’efface pas à cause d’une personne. C’est Herman Van Holsbeeck, à l’époque manager du club, qui a pris la décision. Je n’oublierai jamais un rendez-vous au mois d’octobre dans son bureau avec les dirigeants de Walhain qui étaient intéressés par une location. Van Holsbeeck a dit: -Tu ne dois pas partir Fred car on a besoin de toi comme leader de l’équipe Réserve. Deux minutes plus tard, j’étais à Walhain. La saison suivante, j’ai continué à l’Union St-Gilloise mais toujours avec l’idée d’un jour revenir au RWDM. D’ailleurs, dès que j’en avais la possibilité, j’allais voir les matches ».

Rappelé l’été dernier, il s’est d’emblée imposé comme un pion essentiel dans une formation qui a tenu le haut du pavé en D2. Une forme de revanche sur ceux qui doutaient et doutent peut-être encore de ses capacités à s’exprimer à ce niveau.

Le lien entre l’AEC Mons et Dimitri Mercier est aussi fort. Arrivé à l’âge de quinze ans en provenance de Baudour, il termine donc sa 23e saison au stade Tondreau : « Je ne suis pas un exemplaire unique à Mons. Berquemanne, Demol ou Thoelen ressentent exactement la même chose. Au milieu des années 80, j’ai même vécu la furtive apparition de Mons en D2. L’actuel entraîneur des gardiens, Michel Iannacone, en était également. En quinze ans, tout a changé. Le rythme des rencontres mais aussi les installations. Les entraînements. A Mons, c’est presque tous les jours une séance et nos joueurs pros s’exercent deux fois quotidiennement. Je me considère effectivement comme un clubman même si j’ai parfois l’impression que cette expression prend un côté péjoratif. Quand tout va bien, les dirigeants félicitent les renforts extérieurs. Par contre, quand cela foire, ils se tournent vers les clubmen pour dire: -Vous êtes l’âme du club, il faut motiver tout le monde. Par contre, au moment de discuter un contrat, notre position nous défavorise ».

Les deux joueurs, pourtant éloignés de soixante kilomètres, tiennent exactement le même discours: un joueur du cru est sous-évalué par rapport aux transferts.

Vanderbiest: « Les deux ans d’exil m’ont fait un bien fou car j’ai mûri et j’ai vu d’autres horizons. Il me reste une année de contrat. Il faut savoir que je travaille en journée mais j’arrête à la fin du mois de juin. D’ailleurs, j’ai pris l’ensemble de mes congés en fonction du tour final. Pour optimaliser mes plages de récupération. La direction m’a proposé de resigner pour deux ans un contrat totalement professionnel. Je suis d’accord mais, quand il faut parler des chiffres, j’ai l’impression d’être gourmand. Or je possède deux propositions en D2 qui m’offrent ce que je demande au RWDM. Tout le monde le dit: je suis prêt à mourir sur le terrain pour le RWDM, les supporters m’apprécient, je suis prêt à parapher un contrat de dix ans si les dirigeants le veulent… mais il ne faut pas profiter de mon attachement au club. Si je deviens pro, je vais pouvoir me soigner, récupérer. Je vais encore m’améliorer de 10 à 15%. Tout profit pour le RWDM, me semble-t-il ».

Dimitri Mercier: « Je ne suis pas un mendiant. J’ai créé en compagnie de Frédéric Hinnens (ex-Tournai, Tubize, Union St-Gilloise) une entreprise de jardinage. Au début, nous travaillions à la carte car le football prenait encore la place principale. Au fil des années, nous avons agrandi notre clientèle. L’affaire tourne bien. Aujourd’hui, nous sommes associés avec deux autres indépendants. Je vais avoir 38 ans. Mon avenir, c’est mon entreprise, pas ou plus le football. Le coach me demande de prendre congé pour récupérer mais c’est impossible. Au lendemain du match au RWDM, je suis parti à 7h30 du matin et j’ai travaillé jusqu’à 20 heures. Le club désire que je rempile pour encore une année. Je n’y suis pas opposé mais pas au point de perdre de l’argent. Je veux bien me mettre en disponibilité auprès de mon entreprise mais le club doit alors compenser le manque à gagner. Les dirigeants me laissent mijoter mais je le répète: je n’ai pas besoin du foot pour vivre et je suis prêt à mettre un terme à ma carrière. Ce n’est pas une menace mais, en vingt ans, Mons ne m’a pas gratifié financièrement de manière optimale. Avec mon consentement… mais ils peuvent aujourd’hui, et pour une fois, consentir un léger effort ».

Paradoxalement, alors que les deux joueurs sont des incontournables dans leur formation, ils doivent patienter. Plus que des apports extérieurs. Peut-être passeront-ils en dernier lieu? Pourtant, la D1 est au bout du tour final. Même si les deux équipes ne pourront pas monter et que les deux se retrouveront peut-être l’an prochain en D2…

« Je ne prétends pas que je vais me promener en D1 le cas échéant », affirme le Molenbeekois. « Néanmoins, je dispose de plus d’atouts qu’il y a trois ou quatre ans. De plus, je suis disposé à suer et à mouiller mon maillot pour arracher des points. Jouer en D1 avec mon club, cela a toujours été mon rêve. Je continue à l’entretenir ».

Pour Dimitri Mercier, la D1, cela risque de rester un mirage : « La question revient régulièrement concernant Mons: cela ne va-t-il pas trop vite pour le club? Je crois qu’il faut rendre hommage à Maurice Lafosse de s’être investi avec la Ville il y a trois ans. Aujourd’hui, je me demande si les autorités politiques sont toujours aussi proches du club. Le rejet du projet de la tribune n’est pas un bon signe. J’ai eu jadis l’envie de changer d’air mais les clubs de bon niveau ne se bousculaient pas dans la région. Charleroi et puis c’était fini. Disons que si je joue un jour en D1, ce sera du très court terme. J’aurais préféré connaître l’élite dans mes belles années mais l’arrêt Bosman n’avait pas encore frappé et je suis resté à Mons ».

Jean-Marc Ghéraille

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