Tout pour gagner

Deux fois finaliste à Londres, elle peut y triompher. Cette année ou plus tard…

C’était en 2001. En juillet 2001. Un mois et deux jours plus tôt, à Roland-Garros, Kim Clijsters (WTA 14) avait battu Justine Henin en demi-finales avant de rendre les armes face à Jennifer Capriati (USA, WTA 4) en finale. A Wimbledon, quatre semaines après, Henin (WTA 9) réussissait un parcours étonnant. A tel point que, contre toute attente, et après avoir sorti des joueuses comme Anke Huber (GER, WTA 21) ; Conchita Martinez (ESP, WTA 20 mais ancienne lauréate) et… Capriati, elle se retrouva en finale, face à Venus Williams (USA, WTA 2). A l’époque, l’Américaine était au sommet de son art et son service si performant sur gazon qu’il était pour ainsi dire impossible de la contrer. Après avoir abandonné la première manche par 6-1, Justine réussira pourtant à faire jeu égal et à égaliser aux manches (6-3) avant de s’effondrer dans la troisième (6-0).C’était l’année dernière. Toujours en juillet, bien entendu. Toujours à Wimbledon. Et toujours un mois et deux jours après un énième exploit (un troisième sacre) à Roland-Garros. Comme à l’Australian Open, comme à Paris (et comme elle le fera à l’US Open), Justine Henin se qualifie à nouveau pour une finale d’un tournoi du Grand Chelem et se retrouve pour la deuxième fois au stade ultime du All England Championship. Pour ce faire, elle a battu des joueuses moyennes jusqu’en demi-finales où elle prit la mesure de Kim Clijsters (WTA 2). Face à elle, en finale, elle retrouva la première joueuse mondiale. Remontée à bloc (elle en voulait à Henin d’avoir abandonné en finale de Melbourne), la Française Amélie Mauresmo perdit le premier set (6-2) avant de se reprendre joliment et d’infliger un 6-3 6-4 à sa rivale.

Lundi prochain, quinze jours exactement après un autre exploit sur la terre parisienne (un quatrième sacre), Justine Henin entamera une nouvelle quête du vert. Elle essayera de devenir la dixième joueuse de l’histoire à s’imposer dans les quatre épreuves du Grand Chelem au moins une fois au cours de la carrière (v. cadre).

Peut-elle entrer dans ce Top 10 ? Pour répondre à cette question, il nous faut en poser d’autres.

1. A-t-elle déjà été proche de gagner Wimbledon ?

La réponse est clairement positive. On vient de rappeler qu’elle a déjà disputé deux finales sur le gazon prestigieux. On ajoutera qu’elle a également atteint les demi-finales en 2002 (défaite face à Venus Williams – WTA 1) et en 2003 (battue par Serena Williams – WTA 1). Ces quatre parcours témoignent donc de sa capacité à développer un jeu performant sur herbe.

2. Que lui manque-t-il pour s’imposer ?

Rien, absolument rien. Evidemment, elle ne sert pas aussi fort que Serena ou Venus. Mais son service est tout de même bien meilleur qu’en 2001, année de sa première finale, voire même que l’an dernier. Elle donne aussi l’impression de moins bien volleyer que d’autres joueuses mais cette impression est surtout due au fait qu’elle monte moins souvent qu’elle ne le devrait. Or, on sait que Carlos Rodriguez la pousse à aller plus souvent vers l’avant, ce qu’elle fait très régulièrement.

3. Quels sont ses atouts sur herbe ?

Justine Henin reste la meilleure joueuse du monde, même à Wimbledon. On pourrait sans doute penser que son jeu est moins adapté à cette surface qu’à la terre, mais on se tromperait. Justine, faut-il le rappeler, n’est pas très grande. Ce qui veut dire qu’elle dispose de deux atouts majeurs : son centre de gravité est bas et sa vision du jeu est idéale.

Avec le premier atout, elle peut développer un petit jeu de jambes parfait sur une surface très exigeante dans ce domaine. Avec le deuxième, elle peut retourner les premières balles adverses avec une adresse quasi égale à celle d’ Andre Agassi. Lequel remporta son premier tournoi du Grand Chelem à Wimbledon alors qu’on le croyait davantage fait pour briller sur terre.

4. Parviendra-t-elle à triompher cette année ou plus tard ?

Sans doute que oui mais peut-être pas. Le gazon est effectivement une surface plus traîtresse que la terre. Sur celle-ci, il est plus aisé, quand on domine le jeu comme le fait Henin, de contrer les velléités adverses. Sur gazon, il suffit que l’adversaire se sente en phase avec son service et tous les espoirs peuvent être détruits. C’est ainsi qu’une Serena Williams (WTA 7), une Venus Williams (WTA 31) – encore elles ! -, voire même une Maria Sharapova (RUS, WTA 2) ou une Ana Ivanovic (SRB, 6) peuvent, dans un bon jour, dépasser notre compatriote en s’appuyant sur une bonne première balle de service.

Qui plus est, sur herbe, il est plus compliqué de briser le moral de son adversaire car les échanges sont moins longs et ne permettent donc pas toujours de prendre l’ascendant mental.

5. Henin doit-elle se concentrer uniquement sur Wimbledon ?

Certainement pas ! Ni aujourd’hui, ni demain. On sait que ceux qui se sont mis en tête de se concentrer uniquement sur une épreuve du Grand Chelem (celle qui leur manquait pour marquer l’histoire) se sont le plus souvent cassés les dents. Le cas le plus symptomatique est celui d’ Ivan Lendl. Triple vainqueur à Roland-Garros et New York, double lauréat à Melbourne, le Tchécoslovaque devenu Américain avait aussi réussi de bien belles performances à Londres où, de 1983 à 1989, il disputa pas moins de quatre demi-finales et, surtout, de deux finales. Las d’échouer si près du but, il décida, fin 89, de se consacrer uniquement à la conquête du dernier titre majeur qui lui manquait. Plutôt que de prendre part à la tournée sur terre battue (sa surface préférée), il s’installa en… Australie où il s’entraîna comme un fou sur gazon. Résultat des courses : demi-finales en 1990 et défaite face à Stefan Edberg (SWE/ATP 3) et un désastreux tournoi en 1991 puisque, après avoir souffert le martyre au deuxième tour face à MaliVaï Washington (USA, ATP 68) il s’inclina dès le troisième devant David Wheaton (USA, ATP 20).

Par la suite, Lendl revint vers les autres surfaces mais cette rupture avec la routine lui valut deux ou trois dernières saisons indignes de son rang. Que s’était-il passé ? En renonçant à sa surface préférée, le numéro 1 mondial perdit la confiance incroyable qui l’habitait alors. Quand il venait à Wimbledon, il avait régulièrement brillé un mois plus tôt du côté de la Porte d’Auteuil et c’est donc en pleine confiance qu’il abordait une compétition dont il n’était pas le favori. Cette confiance compensait son manque d’aptitude à être performant sur herbe.

Justine doit donc sans aucun doute continuer à passer par Paris avant de se rendre à Londres. Comment, en effet, mieux préparer un tournoi du Grand Chelem qu’en remportant le précédent ?

6. Gagnera-t-elle sur gazon avant Federer sur terre ?

Les deux numéros 1 mondiaux actuels sont dans une situation identique, à savoir qu’il leur manque un trophée majeur. Mais la position de Henin est plus confortable que celle du Suisse. Roger Federer aborde Roland Garros alors qu’il vient de souffrir pendant des semaines sur la surface qu’il apprécie le moins. Il arrive donc au French dans un état de tension particulier. Justine, on l’a dit, se rend quant à elle à Londres le plus souvent rechargée à bloc. Qui plus est, si Rafael Nadal (ESP/ATP 2) semble pour le moment intouchable sur terre battue, il n’est pas une seule joueuse qui puisse prétendre dominer totalement le jeu de Henin sur gazon.

par bernard ashed / photos: reporters

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