» Tout le groupe espère la venue de Jova « 

Ecarté des terrains jusqu’aux play-offs, le capitaine anderlechtois pose un regard lucide sur son sort, son club et les Diables Rouges.

Il y a six semaines, Olivier Deschacht était victime d’une déchirure des ligaments de la cheville droite après une mauvaise réception au sol lors du match à domicile face à Westerlo. Opéré le 26 octobre, il a pu se débarrasser de ses béquilles un mois plus tard déjà et entamer sa rééducation plus tôt que prévu.

Olivier Deschacht : J’ai une bonne dizaine de jours d’avance sur le programme de revalidation établi. Depuis deux semaines, je suis livré aux mains expertes des kinés du club, m’astreignant à des séances de quatre, voire cinq heures par jour. Le staff a bon espoir de me voir participer au traditionnel stage de reprise à La Manga. Si c’est le cas, je devrais être à nouveau opérationnel pour le début des play-offs. Je croise les doigts.

Comment un joueur ayant disputé 22.670 minutes sur 25.560 possibles en près de dix ans de carrière vit-il cette première longue indisponibilité ?

Au départ, le contraste était évidemment saisissant entre le gars speedé que je suis d’ordinaire et celui qui devait subitement se déplacer à l’aide de béquilles. Dans ces moments-là, on mesure quand même la chance de ne jamais avoir eu d’accrocs au préalable. Et ce, contrairement à des gars comme Nicolas Frutos, Jonathan Legear ou Tom De Sutter qui ont dû se battre à plusieurs reprises pour revenir dans le parcours. Mon estime pour eux n’en est que plus grande.

Vous avez sûrement reçu bon nombre de messages de sympathie ces dernières semaines. Lequel fut le plus surprenant ?

Ils m’ont tous fait plaisir. Mais il est vrai que certains procurent peut-être une satisfaction plus intense encore. Je songe aux encouragements de Georges Leekens, par exemple, ou au réconfort d’Aimé Anthuenis et de Frankie Vercauteren. Sans oublier le soutien de mes coéquipiers, des entraîneurs et de la direction. Tout ça a décuplé ma motivation.

Non, il ne s’est pas manifesté.

Si je vous pose la question, c’est parce qu’à l’occasion de l’interview qu’il a accordée récemment à notre magazine, il lui avait demandé votre numéro de portable afin de prendre des nouvelles de votre état de santé.

Je présume que votre collègue lui aura donné un numéro erroné car connaissant le personnage, je pense que Jova aurait effectivement pris contact avec moi. Entre lui et moi, il y a toujours eu beaucoup de respect et d’estime. S’il ne m’a pas téléphoné, c’est parce qu’il espère peut-être me souhaiter un prompt rétablissement de vive voix, qui sait ( il rit).

 » Je boufferai toujours tous ceux qu’on me met entre les pattes « 

Vous aimeriez le compter comme partenaire ?

Je ne suis pas le seul. Dans le groupe, on espère franchement tous que la direction mettra tout en £uvre pour obtenir son concours dès janvier, voire plus tard. Tout le monde, chez nous, est conscient qu’un joueur de sa trempe conférerait un boost. Pour avoir joué quelquefois contre lui, j’avoue que je préfère l’avoir avec moi que contre moi.

En revanche, Jelle Van Damme ne reviendra pas. Son passage au Standard constitue-t-il une surprise pour vous ?

J’ai franchement cru, à un moment donné, qu’Anderlecht allait entreprendre l’effort de le récupérer. De part et d’autre, il y avait manifestement envie de reprendre une vie commune. Lui-même ne demandait pas mieux. Ces derniers temps, je l’ai eu au téléphone une fois par semaine au bas mot. Jelle voulait savoir comment son éventuel retour au Sporting serait perçu et désirait que je sensibilise les dirigeants en ce sens. Mais à partir du moment où son nom a été cité au Standard puis au Club Bruges, on a senti le vent tourner. S’il n’avait juré que par le Sporting, je pense que la direction aurait été désireuse de le faire revenir. Mais Jelle est ainsi fait qu’il ne porte pas spécialement un club dans son c£ur. Qu’il joue ici ou ailleurs, c’est du pareil au même pour lui. Il avait déjà été question d’un flirt avec les Rouches la saison passée. C’est pourquoi je ne suis pas surpris de l’issue.

Pour vous, c’est un concurrent de moins ?

Pas vraiment, puisqu’on a toujours été titulaires ensemble. Parfois l’un devant l’autre, parfois encore l’un à côté de l’autre. Mais on n’a jamais lutté pour une seule et même place. On ne peut donc pas parler de véritable rivalité entre nous. Au contraire, l’entente a toujours été super bonne. J’ai pris pas mal de bon temps avec lui. Non seulement sur le terrain mais dans le vestiaire également.

A défaut de Van Damme, c’est peut-être avec Sébastien Pocognoli que vous devrez composer ?

Lui ou un autre, peu importe. Quand je suis à 100 %, je ne crains personne. On peut me mettre n’importe qui dans les pattes, je prendrai toujours le dessus. Je m’inspire de Bertrand Crasson en la matière. Car lui aussi, sur le flanc droit, a été confronté au fil des ans à des nouvelles têtes censées lui mener la vie dure. Et il les a toutes bouffées. Je ne ferai pas autrement. La preuve : j’ai gardé ma place en dépit des arrivées de Michal Zewlakow, Fabrice Ehret ou Van Damme.

 » Avant, je voulais plaire à tout le monde. Aujourd’hui, je me fous de ce que les gens pensent de moi « 

Il est sans doute exact que certains mesurent un peu mieux mon importance dans le contexte actuel. Mais à vrai dire, je m’en fous. Il y a quelques années, j’attachais beaucoup d’attention à ce que les gens pensaient de moi. Je voulais encore plaire à tout le monde. Depuis lors, j’ai compris qu’il n’était pas possible de faire l’unanimité. Voyez Cristiano Ronaldo : il a beau être incroyablement doué, il a ses détracteurs malgré tout. Moi, j’ai passé l’âge de m’en faire pour l’image que je véhicule. Je me bats pour moi, pour mes coéquipiers et pour le club. Si Anderlecht est content de mes prestations, c’est tout ce qui importe. Le reste, je m’en fous éperdument.

En votre absence, c’est le jeune Tchèque Jan Lecjaks qui a été titularisé au back gauche. Votre avis ?

Il a incontestablement alterné le bon, comme la qualité de ses centres qui nous ont valu des buts tant au Partizan Belgrade qu’au Zenit Saint-Pétersbourg, et le moins bon, comme son placement parfois plus qu’approximatif à l’US Centre ou encore à l’AEK Athènes. Il est heureux que ces manquements n’ont pas porté à conséquence mais ils traduisent le long chemin qu’il lui reste à parcourir. Un bon positionnement ne s’acquiert pas du jour au lendemain. C’est un travail de longue haleine. J’essaie de l’aider mais le vécu est plus important que les conseils que je peux lui prodiguer. Aussi bizarre que cela puisse peut-être paraître aux yeux de quelques-uns, mais je suis son premier supporter. J’ai à c£ur qu’il réussisse afin que le club ait une avance substantielle à l’heure où je serai sélectionnable ( il rit).

Y a-t-il des similitudes entre le Lecjaks d’aujourd’hui et le débutant que vous étiez jadis ?

Non, car nos profils sont foncièrement différents. Ses qualités se situent sur le plan offensif, alors que défensivement il a encore tout à apprendre. Moi, c’était l’inverse.

Près d’une décennie plus tard, vos statistiques n’indiquent que trois buts au total. C’est grosso modo le score minimum atteint chaque saison par vos compères de la défense Guillaume Gillet, Ondrej Mazuch et Roland Juhasz. Cette indigence ne vous gêne-t-elle pas ?

J’ai toujours veillé en priorité à être irréprochable derrière et je pense y être arrivé. Même si un jour sans peut arriver, comme ce fut le cas au Standard cette saison. Sans doute mes stats seraient-elles meilleures, offensivement parlant, si à l’image d’Ondrej ainsi que de Roland, il m’était loisible de monter sur les phases arrêtées. Mais comme ils ont tous deux un meilleur jeu de tête que moi, il est normal que j’assure la couverture. Et contrairement à un Victor Bernardez, qui n’hésite pas à tenter sa chance sur coup franc, je passe toujours mon tour aussi lors de cet exercice. Reste que je suis quand même plus offensif qu’autrefois. La preuve par le but que j’ai inscrit à domicile face au FC Malines cette saison. C’était mon premier devant mon public. Il y en aura d’autres ( il rit).

 » Si Marcelo et Sergio Ramos sont des exemples d’arrières latéraux modernes, je préfère être un back à l’ancienne « 

On vous voit parfois tenter des trucs qui auraient été inconcevables dans vos jeunes années, comme cette fameuse virgule face à La Gantoise par exemple.

A partir du moment où un match, voire le championnat est plié, comme lors de ce match contre les Buffalos justement, on peut se permettre un petit extra et c’est ce que j’ai fait. En temps normal, c’est le genre de situation qui n’est réservée qu’à un Mbark Boussoufa, mais d’autres joueurs en sont tout à fait capables aussi. Comme Gillet notamment. Et même moi, pourquoi pas. On ne joue quand même pas près de dix ans en Première avec plus de 250 matches sans avoir certaines qualités. Mais il faut savoir quelles sont les priorités. Pour moi, l’essentiel est de livrer un match sans taches. Au même titre que Silvio Proto ou Daniel Zitka avant lui, je suis toujours content quand on préserve le zéro. Je laisse à d’autres le soin de se défouler offensivement. Je ne vais pas empiéter sur les plates-bandes de Romelu Lukaku, Matias Suarez ou Jonathan Legear.

Vous avouerez quand même que dans le football moderne, l’une des clés est l’apport des backs ?

Je ne le nie pas mais il faut savoir ce qu’on veut. D’aucuns s’extasient devant Sergio Ramos ou Marcelo sous prétexte qu’ils sont les exemples à suivre. Mais contre le FC Barcelone, ils n’ont pas touché le moindre ballon en défense et le Real Madrid s’est fait ramasser 5-0. C’est ça des arrières latéraux modernes ? Alors je préfère être un back à l’ancienne !

Que vous inspire le Sporting depuis votre position de spectateur ?

Je trouve que le groupe a bien réagi après le couac au Standard où nous avions tous été minables. Depuis lors, chacun s’est plutôt bien ressaisi, et l’équipe a accumulé les bons résultats malgré les blessures de quelques cadres comme Lucas Biglia ou Boussoufa. Certains se sont carrément métamorphosés à l’image de Lukaku ou Legear, qui évoluent tous deux à un très haut niveau ces dernières semaines. Le football proposé n’est peut-être pas toujours sensationnel mais les gars font indéniablement preuve d’une belle maturité dans la gestion des matches.

Anderlecht n’a plus son sort entre ses mains en Europa League. Où le bât a-t-il blessé ?

Dans chacun de nos matches, on aura relevé un goût de trop peu. Même face au Zenit, qui était pourtant au-dessus du lot. La manière dont on s’est fait malmener chez nous contre les Russes au cours des 45 premières minutes, c’est pas permis, tout simplement. Ensuite, il y a eu cette défaite pas vraiment méritée à Hajduk Split. On s’est magnifiquement repris devant l’AEK Athènes chez nous. Pour moi, ce fut la rencontre du renouveau. Pour bien faire, on aurait dû aller chercher la victoire en Grèce aussi, au lieu de se contenter d’un nul. C’est là que se situe la différence avec la saison passée : la victoire ramenée du Dinamo Zagreb aura finalement pesé de tout son poids lors du verdict final. Ce sont là 3 points extrêmement précieux. Ce coup-ci, on n’aura récolté qu’un point en trois matches. C’est insuffisant.

 » Chez les Diables, Vermaelen et Vertonghen sont meilleurs que moi « 

Qu’espérez-vous atteindre d’ici 2015 ?

J’aimerais engranger encore trois titres durant cette période. Avec une prédilection pour celui de 2012 puisqu’il débouchera sur une accession automatique en phase de groupes de la Ligue des Champions. Or, je veux à tout prix goûter encore une fois à cette compétition. A choisir, j’aimerais encore remporter une fois la Coupe de Belgique aussi, parce que ça ne fait pas tache sur un palmarès. Et puis, j’aimerais titiller la barre des 400 matches en championnat, ce qui me situerait à la deuxième place au Sporting derrière ce monument qu’est Paul Van Himst.

A un moment donné, vous songiez encore terminer votre carrière au Sporting. Mais vous vous êtes ravisé entre-temps semble-t-il ?

J’ai toujours aimé le football et il m’interpelle encore plus depuis que je suis blessé. Je me rends mieux compte à présent à quel point j’effectue un métier extra et j’ai envie de faire durer le plaisir le plus longtemps possible. J’aurai 34 ans au bout de mon bail au Parc Astrid. Si je suis épargné par les blessures, ce sera trop tôt pour arrêter. J’aimerais m’inspirer de l’exemple de Bart Goor et poursuivre quelques saisons encore après ce cap. En tennis, il y a peut-être moyen de prendre une année sabbatique. Au football, ce n’est pas possible. Il faut prendre une décision mûrement réfléchie. En ce qui me concerne, elle est prise : je veux prendre du plaisir le plus longtemps possible sur les terrains. De préférence à Anderlecht mais si ce n’est plus envisageable, j’irai voir ailleurs.

Quid du championnat ?

Le Sporting possède déjà une avance substantielle sur le Standard et le Club Bruges mais il doit composer avec Genk et La Gantoise qui lui ont quand même mené la vie dure au premier tour. Les Limbourgeois se sont un peu essoufflés mais ils reviendront tôt ou tard. Les Buffalos sont plus consistants mais j’ai l’impression qu’ils tableront à un moment donné sur une victoire en Coupe et qu’ils perdront dès lors l’une ou l’autre plumes en championnat. De tout façon, la saison 2010-2011 sera plus disputée que la précédente, qui s’était résumée à un walk-over pour nous. Cette fois, il faudra vraiment aller chercher le titre.

Les Diables Rouges prennent forme, petit à petit. Il n’y a que sur les flancs de la défense que tout est encore ouvert, au propre comme au figuré. C’est votre chance ?

Je reste en tout cas sur des perfs intéressantes contre le Kazakhstan, la Bulgarie et le Qatar. J’ai la chance d’avoir toujours fait partie du groupe avant ma blessure et ça suffit à mon bonheur. Je ne revendique rien. Je n’ai jamais dit que je voulais jouer, je n’ai jamais dit que je voulais faire partie du onze de base. Etre là au milieu de la crème de la crème, c’est déjà une énorme satisfaction pour moi.

Mais il y a une place à prendre au back gauche, non ?

Thomas Vermaelen et Jan Vertonghen, qui sont de meilleurs footballeurs que moi, se disent sûrement la même chose. Le seul avantage que j’ai sur eux, c’est d’évoluer à cette place-là en club alors qu’eux jouent à un autre poste à Arsenal et l’Ajax. Mais c’est tout.

Vous êtes toujours très franc dans vos propos. Au Standard, vous admettiez avoir été archi-mauvais, à présent vous faites l’éloge de deux concurrents. C’est plutôt rare dans ce milieu.

On m’a toujours soutenu que seule l’honnêteté était payante. Et je m’y tiens. Voilà.

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » On ne joue quand même pas près de dix ans en Première sans avoir certaines qualités. « 

 » On m’a toujours soutenu que seule l’honnêteté était payante. Et je m’y tiens. Voilà. « 

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