« Tout faire… »

Pierre Bilic

Mika cerne ses ambitions avant la visite européenne de Strasbourg à Sclessin.

Le beau gosse surdoué d’autrefois a laissé la place à un homme qui va affronter les rendez-vous les plus importants de sa carrière. Michaël Goossens n’est plus un espoir. C’est maintenant que la récolte sera abondante ou maigrichonne. Il aborde les virages de l’été de sa carrière. Les deux rencontres avec Strasbourg seront des jalons décisifs.

Quand on lui parle d’élégance et de jeu bien léché, il répond par un mot: la gagne. Dans le football actuel, tout passe d’abord par l’efficacité. Le Standard avait trouvé la sienne dans son secteur offensif avec le trio MoreiraAli Lukunku-Michaël Goossens. C’était le mariage de la technique, de la puissance et de la force de travail. Ali, blessé, a été remplacé par Ole-Martin Aarst qui a d’autres arguments que le puncheur français.

« Tout est intéressant », lance Goossens. « Une équipe de football n’est jamais mise au point pour toujours. Elle a ses problèmes, ses angoisses. Ole-Martin peut nous apporter autant qu’Ali en misant sur d’autres qualités. Ali est surpuissant, Ole-Martin réagit plus en finesse, c’est un finisseur des seize mètres, un renard du grand rectangle où il est toujours bien placé. Il assume un rôle de pivot alors qu’Ali bouge plus, se décale sur la droite ou sur la gauche, recule: c’est différent. Pas de problème, je m’adapte facilement aux deux. Je les sens bien ».

Quand il faisait ces confidences, Mika ne savait pas encore que Michel Preud’homme allait le placer en pointe de l’attaque rouge contre Mouscron avec Gonzague Vandooren comme appui à gauche. Ni qu’il allait marquer deux fois…

On se souviendra que Michaël Goossens avait flambé lors de son retour de Schalke 04 au début de l’an dernier. Il signa de bonnes tranches de championnat mais fut souvent bloqué par des blessures, comme son opération à l’épaule. En fin de saison passée, il fut assez secoué par les incertitudes dessinées à son propos. Son deuxième tour avait été bon mais entrait-il encore dans les plans tactiques de Preud’homme lancé dans sa restructuration vers le 4-3-3 actuel?

Goossens a eu des doutes, s’est remis en question: « Je ne comprenais pas très bien ce qui se passait. Il fallait que je me situe. J’ai eu une saine discussion avec le coach et Luciano D’Onofrio qui est toujours mon manager. En cas de bonne offre, la discussion était possible. Autrement dit, la porte de sortie était ouverte mais on ne me poussait pas dehors ».

Le but caché du Standard n’était-il pas de mettre tous les joueurs au pied du mur? Et donc de responsabiliser Mika, de lui faire tourner la page, d’entrer dans la phase de concrétisation de sa carrière? Il est content d’avoir joué à Genoa et à Schalke mais est-ce suffisant vu son potentiel? Avait-il assez faim de gloire sportive pour passer instantanément à la vitesse supérieure pour un Standard engagé dans de nouveaux défis et vivre encore plus pour son métier?

C’est à toutes ces questions que Goossens devait répondre: « Je ne me suis jamais économisé sur un terrain, certainement pas au Standard. Je crois que le débat était uniquement tactique. Il n’était pas agréable de noter des doutes alors que nous avons tout de même atteint l’objectif du club: une place en Coupe de l’UEFA. J’avais eu de bons moments en marquant pas mal de buts malgré les suites d’une opération ainsi qu’un stage hivernal compliqué par une… tourista. Je suis chaque fois revenu afin de rendre service au collectif. A un moment, j’ai pris la décision de rester au Standard, de faire le vide, de partir en vacances, de couper mon téléphone, etc. Seul Luciano D’Onofrio savait où je me trouvais en Turquie ».

Un sacré nettoyage

Là, sur la belle riviera ottomane, il rencontre un autre footballeur dans le doute: Daniel Camus. Ils échangent leurs impressions, leurs expériences, leurs ambitions pour l’avenir. Un dialogue qui lui fait du bien. Leurs destins sont un peu les mêmes. Mika et Daniel eurent leur place naguère dans les noyaux durs des supporters du Standard et d’Anderlecht. Ils ont changé depuis lors. Daniel Camus gère plusieurs magasins de meubles en Wallonie et à Bruxelles. Il retape un loft, etc. Les deux supporters très agités d’antan ont parfaitement restructuré leur vie.

« Cet échange avec Daniel Camus me fit du bien », souligne Michaël Goossens. « Sa femme était enceinte, la mienne aussi: nous sommes devenus des amis. Je me suis entraîné en Turquie: jogging, musculation, vélo, natation, etc. Je voulais être fin prêt pour la reprise ».

A l’heure de la rentrée, Mika fut probablement surpris par les départs et les arrivées dans le groupe à Sclessin. Un sacré nettoyage. Les clubs ont inventé le mouvement perpétuel pour tenter de remplir leurs caisses.

« Je ne m’y attendais pas du tout mais les joueurs ont appris à vivre ici un jour, ailleurs le lendemain en fonction du marché, d’un transfert intéressant pour tout le monde ou d’une dernière année de contrat à prolonger ou pas », dit-il. « Ça secoue quand même un groupe. On ne sait jamais ce qui peut se passer et c’est la même chose pour presque tous les clubs belges mais aussi étrangers. Il y du mouvement partout. Je n’ai plus revu Ivica Mornar depuis la fin de la saison passée. Or, nous avions partagé des tas de bons moments sur le terrain. Je le croiserai lors du prochain match entre le Standard et Anderlecht. C’est un peu étrange mais c’est la vie et il faut s’y faire ».

La révolution tactique qui était en route depuis la fin de la saison passée se confirma: Michel Preud’homme accentua les contours de son 4-3-3. « J’étais bien à Aix-les-Bains mais j’ai eu peur à un moment », avoue Mika. « J’ai eu une cloche au pied à la fin du stage et une bactérie s’y glissa. Le toubib a dû racler la plaie à vif. Si cela s’était passé au début de cette préparation, j’aurais certainement essuyé du retard sur le plan physique ».

Mika s’accroche, trouve sa place dans le trio offensif. Sa polyvalence le sauve et il s’affirme à droite: « Je ne me pose plus de questions à propos de ma place préférée sur un terrain. Je me demande d’ailleurs si on peut encore coller pour toujours une étiquette sur le dos de tous les joueurs. Il y a des extraterrestres mais les autres doivent pouvoir tout faire dans le football actuel. Marc Wilmots a souvent été critiqué mais je constate qu’on lui trouve désormais des qualités de médian moderne car il recule profondément pour récupérer le ballon et porte aussi le danger dans le camp adverse. Il faut tourner sans cesse le bouton: défensif, offensif, défensif, etc. Celui qui ne le fait pas est balayé. Je l’ai toujours fait ».

Lancé au feu par Arie Haan, Michaël Goossens alternait sans cesse avec Marc Wilmots et Henk Vos. Plus tard, Robert Waseige l’installa dans le même créneau avec Aurelio Vidmar à la place d’Henk Vos. Tout cela se produisait en gros dans le cadre d’un 4-4-2 à géométrie variable. Par son sens du pressing, Goossens était le premier défenseur de son équipe, donc un attaquant moderne. Est-ce que le fonctionnement est le même sur l’échiquier de Preud’homme?

Plus loin qu’Anderlecht

« Le 4-4-2 collait à la peau du groupe d’Haan et de Waseige », théorise-t-il. « Cette fois, c’est un ensemble qui respire mieux via le 4-3-3. Je ne crois pas que notre effectif parviendrait au même résultat avec le 4-4-2. Les mécanismes actuels sont assez complexes. Tout le monde parle de notre triangle de la ligne médiane mais il peut se transformer en carré. En gros, on passe le plus souvent du 4-3-3 au 4-5-1. Quand le Standard attaque, les deux extérieurs s’écartent, aèrent le jeu, profitent des appels de l’homme de pointe. Nous bougeons beaucoup, le pivot peut s’écarter et je surgis: le danger est diffus et permanent pour l’adversaire. A la récupération, on resserre au plus vite autour du trio central formé par Johan Walem, Didier Ernst et Harold Meyssen. En fait, nous avons en permanence du monde à la recupération, à la construction et à la finition mais cela demande une attention de tous les instants. C’est crevant mais j’ai besoin de me dépenser à fond pour être heureux à la fin d’un match. Je ne pourrais pas passer nonante minutes à attendre un bon ballon dans le rectangle adverse. Je deviendrais fou. J’ai besoin de beaucoup de travail ».

La Gantoise est une des révélations de ce début de saison. Michaël Goossens ne s’en étonne pas mais son regard se tourne d’abord vers Bruges: « Ils modifient rarement la structure. Ils gardent les mêmes axes et on y touche avec précaution. Rune Lange trouve ses marques, mais il était déjà là en fin de saison passée. Ils continuent sur leur lancée et cela simplifie les problèmes. Bruges n’a pas eu de soucis d’automatismes: c’est un plus. Ce n’est pas le cas d’Anderlecht qui doit reconstruire toute son attaque. Même si la défense est nouvelle au Standard, notre processus d’intégration des nouveaux joueurs me semble plus avancé. Le Standard n’est pas loin de Bruges pour le moment ».

Le seul Liégeois de la bande

C’est le moment de dévoiler ses ambitions, à 28 ans, on sait ce qu’on a dans le ventre et dans le coeur: « C’est très simple, je veux être champion. Il y aura des hauts et des bas mais ce groupe a les moyens d’être très ambitieux. Je suis le seul Liégeois de la bande et cela aurait une signification très particulière pour moi. Je ne dis pas que le Standard le sera mais il faut viser haut. Ce ne sera pas une course à trois: Genk et La Gantoise peuvent se glisser dans la bonne échappée et jouer un rôle important ».

L’équipe actuelle est-elle plus douée que les phalanges dirigées par Arie Haan et Robert Waseige? « Il est difficile de faire des comparaisons car le football change sans cesse et devient de plus en plus athlétique », conclut Michaël Goossens. « J’aurais aimé voir un Frans Van Rooy dans le contexte actuel. Je n’ai jamais vu un joueur aussi doué que lui. Mais pour distribuer à distance, il avait besoin de récupérateurs autour de lui. On ne peut plus se le permettre car un gars qui ne défend pas, c’est du bonus pour l’adversaire. Dans ce contexte, Harold Meyssen, un joueur sous-estimé, est finalement plus utile. Johan Walem a une palette tactique plus complète que Frans Van Rooy mais les époques sont tout à fait différentes et rien ne dit que le Hollandais ne se serait pas adapté aux habitudes actuelles. Même si c’est difficile, c’est pour cela que Robert Prosinecki n’est pas resté. L’équipe actuelle ne doit pas penser au passé: elle a ses qualités. Et elle a tout pour bien tenir la route ».

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Pierre Bilic

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