Tout à fait capable

Le grand défenseur roumain des Dragons fait le point avant une saison qui doit le relancer définitivement.

Le matin de notre rencontre, des journaux font leur manchette sur le thème du « Bonheur d’être Belge ». Le rapport des Nations Unies classe notre pays en quatrième position sur l’échelle du développement humain, derrière la Norvège, la Suède et le Canada. « En Belgique, on vit bien mais on ne le sait pas », titre l’éditorialiste.

En sirotant son café et malgré la grêle de juillet, Liviu Ciobotariu acquiesce. Cette Belgique à laquelle il demandera la citoyenneté dès le mois d’octobre, il n’aurait voulu la quitter pour rien au monde. Même les mésaventures connues au Standard n’ont pas réussi à le faire changer d’avis et il est très heureux de poursuivre sa carrière à Mons, même s’il rêve encore de terminer sa carrière sur une note majeure.

Pourquoi avoir signé à Mons après avoir refusé des offres de clubs français et roumains?

Liviu Ciobotariu: Lorient fut le premier club à me contacter. Son entraîneur de l’époque, l’Argentin Marcos, aujourd’hui à Nantes, m’avait remarqué à l’occasion de la Coupe du Monde en France. Mais ce club n’était disposé à me louer que pour trois mois et je n’avais pas envie de chambouler ma vie pour aussi peu de temps. Par la suite, le Dynamo Bucarest, mon ancien club, m’a fait une proposition. J’y ai réfléchi pendant 15 jours mais j’en ai conclu que ce serait un pas en arrière. Moi, je voulais prendre une revanche sur moi-même. Ce fut alors au tour de Metz de me téléphoner, par l’intermédiaire de son président. Comme ce n’était pas trop loin de Liège, je me suis dit que c’était jouable mais je n’ai pas trop apprécié qu’on me demande de passer un test. Pas que j’avais peur mais je voulais qu’on me fasse entière confiance.

On dit que, pour faciliter votre transfert, vous avez dû laisser tomber votre manager, Didier Frenay, que la direction du Standard n’apprécie pas.

C’est exact. C’est par l’intermédiaire de Didier Frenay que j’avais eu des contacts avec plusieurs clubs. Mais j’ai constaté qu’à chaque fois que l’opération semblait sur le point d’aboutir, comme au Lierse, des choses étranges se passaient. Or, à 31 ans, je n’avais plus le temps d’attendre. Je suis donc parti discuter moi-même de ma résiliation de contrat au Standard tandis que Mons prenait contact avec le club par l’intermédiaire de Roger Henrotay et de Jean-Claude Verbist.

Est-il plus difficile de retrouver un club quand on n’a pas joué pendant un an?

Oui, sans aucun doute. Quand vous voyez que Stoica a livré une saison complète avec Anderlecht mais ne trouve pas d’employeur, il y a de quoi se poser des questions. J’ai finalement eu de la chance: Mons cherchait un joueur dans mon style.

Que connaissiez-vous de Mons?

Honnêtement, rien du tout. Je savais juste que ce club jouait en rouge et blanc car nous l’avions affronté en Coupe de Belgique. Ce sont des couleurs qui me vont bien puisque je les ai portées au Dynamo Bucarest et au Standard. J’ai bien entendu demander aux dirigeants de me parler de leurs ambitions. Ils n’ont pas fixé d’objectifs précis en terme de classement car ils découvrent la D1 avec une toute nouvelle équipe. Notre première tâche consistera donc à former le plus rapidement possible un groupe homogène. »Retrouver ma place en équipe de Roumanie »

Vous avez signé un contrat de deux ans plus un an avec option. Envisagez-vous de terminer votre carrière à Mons?

Non. Je veux jouer le plus longtemps possible et j’espère que Mons me servira de tremplin après cette saison dans le noyau B du Standard. Mon premier objectif consiste à retrouver ma place en équipe nationale. Dan Apolosan, le sélectionneur adjoint, m’a téléphoné en début de semaine dernière pour la première fois depuis longtemps. Il était au courant de mon transfert, m’a demandé comment je me sentais et si j’avais beaucoup joué. Le prochain match amical de l’équipe nationale aura lieu le 21 août, face à la Grèce. Je ne veux pas faire une fixation de cette date mais je sais aussi que le sélectionneur éprouvera des difficultés à former une équipe car beaucoup d’internationaux n’ont pas de club à l’heure actuelle: Popescu, Stoica, Adrian Ilie…

Mons a dû attendre son match contre Tubize, la semaine dernière, pour célébrer sa première victoire depuis la reprise. N’est-ce pas inquiétant?

Il est vrai que les résultats ne sont pas bons mais nous avons tout de même démontré de bonnes choses et, surtout, nous avons mis le doigt sur nos erreurs. Nous avons jusqu’au 11 août pour y travailler. Ce jour-là, nous nous rendrons à Beveren. Déjà un match face à ce qu’on peut qualifier de concurrent direct.

Marc Grosjean voulait déjà vous attirer à Liège, la saison dernière.

Ah bon? Je ne savais pas. Lorsqu’on nous a présentés, il m’a en effet dit qu’il me connaissait bien mais sans plus. J’ai en tout cas senti qu’il avait beaucoup de confiance en moi et j’en avais besoin. Pour ma part, je découvre un entraîneur qui fait partie de la nouvelle génération et qui apporte des idées modernes. Il m’a également dit qu’il avait occupé la même place que moi, en défense centrale, en léger décrochage.

Avez-vous découvert de bons joueurs à Mons?

Au premier entraînement, je ne connaissais personne. Au fil des entraînements et des matches, j’ai découvert des talents comme Joly, Rivenet, Kharif, Roussel… Il y a aussi quelques bons jeunes qui, lorsqu’ils seront aguerris, feront certainement parler d’eux.

Ceux que vous citez sont des joueurs offensifs. On affirme justement que la défense est le point faible de Mons.

Le championnat nous le dira mais je pense qu’Olivier Suray et moi pouvons faire parler notre expérience. Douai, qui joue à mes côtés dans l’axe, est un défenseur rapide et impitoyable en marquage. Souvenez-vous qu’il en avait fait voir de toutes les couleurs à Mornar en Coupe de Belgique. A gauche, nous avons De Souza, qui vient de Roda. Son plus gros problème, c’est qu’il ne parle pas encore français. J’espère que ce sera vite résolu. Enfin, nous pouvons compter sur deux médians défensifs, Joly et Chebaiki. »Tous les clubs ont des problèmes internes »

Lorsqu’un groupe a réalisé de grandes choses, les nouveaux ne s’intègrent pas toujours facilement.

Ce sera à nous de nous adapter à notre nouvel environnement et je pense que je n’ai pas de problème de ce côté car je me suis toujours fondu dans mon environnement, même avec les gamins du noyau C du Standard. Ceux qui ont forgé la montée ne doivent pas s’inquiéter: si l’entraîneur et les dirigeants les ont conservés, c’est qu’ils comptent encore sur eux. Et en 34 matches, nous aurons besoin de tout le monde. Mais ils doivent aussi être prêts à digérer le passage de la D2 à la D1.

Vous allez remplacer Dimitri Mercier, un monument à Mons.

Je ne le connais pas mais j’ai entendu parler de lui. Je sais que j’aurai des responsabilités et j’espère être à la hauteur mais je n’ai pas peur. C’est la vie qui veut ça. Moi aussi, un jour, je devrai céder ma place à un plus jeune, comme j’ai pris celle d’un plus ancien. Et puis, je ne suis pas le seul transfert de cette équipe. C’est tous ensemble que nous devons travailler à la réussite de Mons.

Mons a beaucoup progressé au cours des dernières années mais il s’y est toujours passé quelque chose. N’avez-vous pas peur de jouer sur un nouveau volcan?

Je n’avais jamais vu jouer Mons par le passé et je n’ai jamais entendu parler de cela. Mais quel club ne connaît pas de problèmes internes en cours de saison? Le plus important, c’est qu’ils soient réglés tout de suite.

Connaissez vous la date de Mons-Standard?

Oui, bien sûr. Ce sera le 31 août. J’ai beau me dire que ce sera un match comme un autre, ce sera tout de même un peu spécial.

Avez-vous encore des contacts avec quelqu’un à Sclessin?

Non. Avant, je parlais souvent avec Didier Ernst et Laurent Wuillot mais eux aussi sont partis. Dans quelques semaines, je retrouverai sûrement Ali Lukunku et Michael Goossens mais, actuellement, chacun est en période de préparation. Ce n’est pas le moment idéal pour la convivialité. »Je n’oublierai pas le noyau C »

Quel souvenir garderez-vous du Standard?

Je n’oublierai pas que j’y ai disputé une finale de Coupe et que j’ai contribué à la première qualification européenne du club depuis sept ans. J’y ai également découvert un public formidable, très chaud. Mais je ne peux pas non plus oublier qu’on m’a jeté dans le noyau C sans aucune explication, ce qui m’a fait perdre ma place en équipe nationale. Ca m’a fait mal mais un professionnel doit être prêt à affronter ce genre de situation.

On vous a reproché d’être trop lent mais la défense actuelle du Standard est-elle plus rapide?

Je ne veux pas porter de jugement sur des confrères, ce ne serait pas fair play. Je peux seulement affirmer que, tout au long de la saison dernière, je me suis senti capable de jouer dans cette équipe.

Quelle est la dernière personne du Standard avec qui vous ayez discuté?

Michel Preud’homme. C’est lui que je suis allé voir pour résilier mon contrat. Cela s’est bien passé. Il m’a souhaité bonne chance et j’ai toujours eu de bonnes relations avec lui car j’ai toujours voulu séparer les relations humaines et professionnelles. D’ailleurs, nous n’avons pas reparlé de mon éviction. J’étais trop content de pouvoir rejouer au football. Mais si je le revois un jour, je lui demanderai une explication franche. Amicalement, bien sûr.

Votre réputation de gentleman n’est pas usurpée. Mais n’êtes-vous pas trop gentil dans ce monde impitoyable qu’est le football?

On me l’a souvent dit mais je ne regrette rien. Je veux rester moi-même en toutes circonstances. J’ai été éduqué d’une certaine façon et j’essaye d’inculquer cela à mes enfants également, même si je veux en faire des gagneurs. Je constate également que la politesse finit toujours par payer. J’étais dans le noyau C du Standard mais j’ai continué à recevoir des marques de sympathie, d’encouragement et j’ai suscité l’intérêt de plusieurs clubs. Tous m’ont dit qu’ils avaient remarqué ma mentalité, la façon dont j’encadrais les jeunes. Quatre ou cinq d’entre eux viennent de signer un contrat au Standard et je suis content d’avoir participé à leur éclosion mais, dans mon esprit, c’était un processus naturel: moi aussi, j’ai pris de bons conseils des aînés lorsque j’avais 18 ans.

Patrice Sintzen

« De Mons, je savais seulement qu’il jouait en rouge et blanc »

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