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Tous les voyants sont au rouge

Écurie la plus titrée de l’histoire de la F1, Ferrari vit une des saisons les plus compliquées de son existence. Mais comment la Scuderia en est-elle arrivée là ?

En un an, beaucoup de choses peuvent se passer. Ce n’est pas Charles Leclerc qui dira le contraire. Lui qui avait remporté ses deux premières victoires en Formule 1 à Spa et à Monza en 2019 vient de vivre deux week-ends catastrophiques sur les mêmes circuits un an plus tard. Treizième et quatorzième à Spa, les Ferrari ne verront même pas la ligne d’arrivée à Monza. Une Bérézina historique, qui avait débuté la veille en qualifications. Pour la première fois depuis 1984, aucune monoplace au cheval cabré ne se qualifiait dans le top 10 du Grand Prix d’Italie.

Si en 2019 les Rouges avaient pu chatouiller les Mercedes sur certaines courses, remportant trois Grands Prix et finissant deuxièmes au classement des constructeurs, Charles Leclerc a très vite compris que la saison 2020 allait être compliquée.  » Après les essais hivernaux, nous savions plus ou moins que nous n’étions pas où nous voulions, surtout avec le rythme de qualification « , retraçait-il avant le premier Grand Prix, en Autriche.

La crise du coronavirus semble avoir joué un rôle important dans les mauvaises performances de l’écurie italienne. Maranello, où se trouve le siège de Ferrari, se situe dans une région d’Émilie-Romagne très touchée par l’épidémie.  » Nous avons fermé l’usine pendant longtemps et avons donc eu très peu de temps pour le développement. Désormais, l’unité de puissance est gelée pour la saison « , regrettait Mattia Binotto. Le directeur sportif a cependant mis le doigt sur la pièce qui pose le plus problème aux Italiens : le moteur.

Un moteur qui tousse

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce dernier fait parler de lui. Grand atout de la Scuderia la saison dernière, il avait fait l’objet d’un accord secret entre Ferrari et la FIA au sujet de sa légalité. S’en est suivi un grand tollé au sein du paddock, notamment du côté de chez Red Bull et Mercedes. Des écuries prêtes à aller en justice avant de se rétracter suite au Covid, mais qui se posent à nouveau des questions étant donnée la grande perte de performance qui a suivi cet accord.

En effet, dès le premier GP, le moteur a montré ses limites. En qualification, toutes les écuries motorisées par Ferrari tournent une seconde plus lentement que la saison précédente, là où les autres écuries sont en amélioration. Le résultat de la course sera trompeur par rapport aux réelles capacités de la SF1000. Charles Leclerc termine à une deuxième place qu’il considère  » comme une victoire aujourd’hui « , grâce à des circonstances de course favorables. Un des deux seuls podiums obtenus en huit courses par Ferrari. Le moteur n’est cependant pas le seul échec du côté de la Scuderia.  » Il y a des erreurs de conception, au niveau du comportement de la voiture, en particulier sur le plan aérodynamique « , concédait Mattia Binotto.

L’erreur est humaine

Aux échecs techniques, il faut également ajouter les échecs humains. Annoncer la non-prolongation de Sebastian Vettel avant le début de la saison n’était pas fait pour motiver le quadruple champion du monde allemand, qui rejoindra Aston Martin dès 2021. Les stratégies décidées sur les murets des stands sont également à pointer du doigt tant elles ont rarement porté leurs fruits. Des échecs qui commencent à agacer les pilotes. Dernier exemple en date, le GP de Belgique, où la gestion de la course de Leclerc a été catastrophique. Entre indécision quant au plan à suivre et arrêt au stand manqué, le Monégasque a perdu patience et laissé voler quelques noms d’oiseaux à la radio.

Invité du podcast F1 Nation, Gerhard Berger, ancien pilote Ferrari, remettait en cause une organisation pas assez forte :  » Quand on se souvient de Ferrari avec Jean Todt… Il y avait Ross Brawn, un gars fantastique et connaisseur, puis Rory Byrne, l’un des meilleurs ingénieurs de l’histoire en Formule 1, et ensuite Michael Schumacher. C’est ce groupe qu’il faut constituer pour réellement évoluer et avoir une équipe pour jouer le titre « .

Par le passé, Ferrari a déjà connu des revers importants avant de rebondir.  » Quand Jean Todt a lancé ce cycle historique en 2000, nous sortions d’une période de vaches maigres qui avait duré plus de vingt ans, depuis 1979 « , retraçait d’ailleurs John Elkann, président du groupe Fiat-Chrysler, qui détient la marque au cheval cabré. Une période de disette pas encore égalée actuellement, mais l’attente commence tout de même à se faire longue pour les tifosi. Le dernier titre de champion du monde des constructeurs date de 2008, et le sacre de Kimi Räikkönen, dernier pilote champion du monde au volant d’une Ferrari, date de 2007.

Le début d’un nouveau cycle

Pour revivre la même résurrection qu’au début des années 2000, Louis Camilleri, directeur général de Ferrari, veut se baser sur la stabilité et maintient sa confiance en Binotto :  » Si je repense aux calibres de Jean Todt, Michael Schumacher, Ross Brawn et tous les autres, il leur a fallu six ans pour devenir cette équipe victorieuse et phénoménale « . Avec Michael Schumacher, Ferrari comptait un pilote d’exception, mais également un meneur d’hommes hors-pair, capable de transcender toute une équipe.

Un rôle que Charles Leclerc pourrait endosser malgré son jeune âge, comme ce fut le cas après la débâcle de Spa :  » C’est mon job de retourner voir l’équipe, d’essayer de les motiver, parce que très honnêtement, ce n’est pas facile, bien sûr pour nous les pilotes, les gens qui nous suivent, mais aussi pour tout le team qui travaille vraiment très dur pour revenir là où on voudrait être « .

Le processus est en cours, la motivation semble présente, mais le retour aux avant-postes ne sera pas immédiat. La saison 2021 ressemblera fortement à la saison actuelle. À partir du 30 septembre, il y aura un gel définitif des monoplaces de 2020 pour 2021 et seuls deux jetons de développement pourront être utilisés comme une sorte de joker.  » Aujourd’hui, nous posons les bases pour être compétitifs et retrouver la victoire quand la réglementation changera en 2022. J’en suis convaincu « , assurait cependant John Elkann après Silverstone. En attendant, le cheval cabré posé sur la SF1000 continuera de ressembler à un cheval de trait sur un tracteur.

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