Tous les péchés du peloton

Visé sans pitié, le patron de Quick-Step et des directeurs d’équipes essaie de survivre dans le chaos.

En Janvier, Het Laatste Nieuws consacrait un article à l’homme politique flamand Jean-Marie Dedecker qui dressa un portrait impitoyable de Patrick Lefevere et du médecin d’équipe Yvan Vanmol : deux personnes qui, une décennie durant, ont créé un véritable système mafieux consacré au dopage. Evidemment, des affaires judiciaires ont été lancées contre Dedecker et Het Laatste Nieuws.

Patrick Lefevere : Je ne m’inquiète plus. J’essaie d’écouter mon avocat. Ce n’est pas facile car mon tempérament me pousse à me battre. Mais pour le moment, je ne le fais pas. Mon avocat m’a dit qu’aucun juge n’a envie de conduire un procès dans la rue…  »

Le Tour de France approche et Patrick Lefevre a un plan :  » Notre premier objectif est que Tom Boonen soit prêt à cent pourcent mentalement et physiquement pour le départ à Londres. J’espère qu’on pourra s’offrir une victoire dans une des trois premières étapes et le reste suivra. Si Tom est en forme, toute l’équipe le sera. Mais pour viser le maillot vert, il faut être fort mentalement tout au long du Tour. Aucun jeune coureur n’est parvenu à rallier Paris en vert ces dernières années. Les cyclistes qui y parviennent sont aptes à résister à la douleur durant trois semaines et cela s’acquiert progressivement. Le jeune McEwen n’y parvenait pas ; mais bien quand il a atteint les 30 ans et en ayant encaissé quelques coups durs.

Ce qu’il y a aussi de nouveau cette année est que Garate va pouvoir occuper une bonne place au classement. Après quelques fiascos tels que Rujano, Mercado, Pecharroman, on avait peu d’expérience ces dernières années. Garate avait fini septième au Giro mais au Tour, il n’avait pas un rôle qui lui permettait de bien se positionner au classement. Notre équipe pour le Tour n’a maintenant plus rien à voir. Nous avons encore Barredo, qui est un bon grimpeur, et Vasseur, qui à 37 ans ne peut plus que s’améliorer mais il est français et au Tour, cela peut jouer en notre faveur.

Et puis, Tom Boonen sera prêt mentalement dès le départ… ce qui n’était pas le cas l’année passée, non ?

Je ne pense pas. Il était zélé, mais vous oubliez l’énergie que l’on peut dépenser en étant maillot jaune durant quatre jours. L’équipe doit plus que jamais prendre ses responsabilités et s’épuise en conséquence. Si un sprinter ne réussit pas, ça ronge naturellement le moral.

C’était la première fois que Boonen baissait les bras.

On lui a demandé énormément ces trois dernières années. Il faut évidemment le protéger, mais un champion du monde devient aussi exigeant. Durant ces trois ans, le stress était très présent et on en a payé le coût. Porter le maillot arc-en-ciel cause beaucoup de pression. Il était donc difficile pour Tom de trouver son second souffle.

Il était même question de décompression mentale.

Tom dira peut-être autre chose mais c’est mon analyse. Je savais aussi que le jour où l’on ne gagnerait plus devait arriver. Et il faut aussi préciser que l’attaque dont on a fait l’objet en janvier a laissé plus de traces chez certaines personnes que l’on ne pense.

Dommages collatéraux

Aussi chez les coureurs ?

Absolument, ils sont en première ligne ! L’attaque étant principalement dirigée contre Vanmol et moi, je n’avais jamais pensé que l’équipe en souffrirait autant. Mais ils ont vraiment touché le fond. Les gens sont étranges, parfois. Un exemple : un camarade de classe a demandé à mon gamin si nous étions déclarés en faillite ! Ce n’est pas facile pour un enfant. Il faut donc lui expliquer que son père était en première page des journaux, mais qu’en réalité, il ne s’est rien passé. La plupart de nos coureurs sont encore jeunes. 25 parmi nos 30 éléments n’ont encore jamais connu d’opposition. Ils sont des vedettes depuis qu’ils ont 15 ans. Quand ils vont être lancés dans la bataille qu’est la Grande Boucle, ils ne sauront pas encore comment ils doivent réagir.

Pouvez-vous évaluer le dommage financier que vous a causé cette affaire d’accusations ?

Ce n’est pas à calculer. Un avocat a dit lors d’une émission télévisée avec Dedecker que j’avais encouru un dommage mondial irréparable. Et que Dedecker était un parlementaire indigne. Je ne peux pas mieux le formuler.

Le constructeur de cuisine Franke a annoncé que malgré un préaccord pour devenir votre sponsor principal pour les quatre prochaines années, il a provisoirement décidé de renoncer à l’aventure cycliste après le battage du Laatste Nieuws. De combien d’argent parlons-nous ?

Le sponsoring prévu était de 8,5 millions d’euros par an et ce, de 2008 à 2011 avec une option pour deux années supplémentaires. J’étais donc sûr d’avoir un budget de 13 millions quand je prenais en compte aussi les autres sponsors.

Mais le Tour est aussi le lieu où se concluent les contrats pour la prochaine saison…

Si j’ai encore une équipe l’année prochaine !

Quick-Step vous sponsorise jusque fin 2008, non ?

Oui, j’ai la chance que ce soient de braves personnes. Ils voulaient laisser leur place à Franke mais maintenant ils semblent se raviser pour ne pas devoir mettre 60 personnes au chômage.

Avez-vous des discussions avec d’éventuels nouveaux sponsors principaux pour 2009 ?

Non. Pour l’instant, personne n’est intéressé. Et 2009 est encore loin. Nous devons encore participer à deux Tours. Le problème est que la préférence est donnée aux contrats de deux ans ou plus. Et donc les managers m’appellent et me disent que je ne peux offrir qu’un contrat d’un an à des coureurs qui ont toujours évolué chez moi. Ils reçoivent donc un contrat plus long dans une autre équipe. Je suis actuellement en mauvaise posture pour négocier mais je ne vais sûrement pas conclure de contrat de plus de deux ans pour ensuite prendre des risques financiers.

Y a-t-il beaucoup de coureurs qui ont l’intention de vous quitter ?

A la fin de cette année, 18 sur 30 arriveront à la fin de leur contrat.

par loes geuens

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