Tous derrière !

Avec les nouvelles plantes du Standard (un Portugais et deux Brésiliens), Bolat devra vraiment apprendre le portugais…

Depuis le début de saison, Laszlo Bölöni a souvent expliqué les résultats moyens du Standard (une seule victoire en championnat jusqu’ici) par un manque de réalisme dans le rectangle adverse. Pourtant, si les Liégeois ont toujours marqué au moins un but, ils en ont toujours encaissé au moins un également. Il n’est donc pas si sûr que le problème liégeois se situe au niveau offensif…

Si Bölöni n’a rien dit à ce sujet, c’est sans doute parce qu’il savait que la direction du club mettait tout en £uvre pour renforcer le secteur défensif. Et de fait, les trois principaux transferts effectués en clôture de mercato (on ne va pas évoquer ici le cas de l’Israélien Rami Gershon, qui passera par le noyau B) sont des défenseurs. Ricardo Rocha, Victor Ramos et Felipe TrevizanMartins sont même tous des arrières centraux.

Il faut dire que le départ d’ Oguchi Onyewu avait laissé un vide dans le secteur. Mohammed Sarr, très fort il y a deux ans, n’avait pas confirmé la saison dernière, perdant même sa place au profit de Tomislav Mikulic, pourtant guère convaincant lui non plus et désormais parti tenter sa chance au Germinal Beerschot. Quant au jeune Eliaquim Mangala, il manque encore de planches pour affronter les meilleurs attaquants d’Europe en Ligue des Champions.

Reste à voir si les nouveaux seront à la hauteur. Car deux d’entre eux sont également très jeunes, tandis que le troisième n’a livré que 17 matches en deux ans et demi avec Tottenham. Et si tous devaient être alignés de conserve, avec Marcos Camozzato, il ne resterait plus à Sinan Bolat qu’à apprendre le portugais.

Rocha : un vrai défenseur international…

Ricardo Rocha est le plus expérimenté des trois renforts. Comme plusieurs de ses compatriotes avant lui, il débarque à Sclessin pour relancer sa carrière.  » C’est pour cela que je n’ai voulu signer qu’un contrat d’un an, même si ce club me semble idéal pour le défi que je me suis fixé puisqu’il a été champion de Belgique à deux reprises et qu’il dispute la Ligue des Champions « , a-t-il déclaré à la radio portugaise.  » J’aurais pu attendre encore un peu car j’étais libre mais je sais que, plus le temps passe, plus il est difficile de trouver. « 

Né le 3 octobre 1978 à Santo Tirso, au nord du Portugal, Ricardo Sergio Rocha Azevedo (1,83 m pour 80 kg) effectue ses débuts à Famalicão, en D3 portugaise. Un an plus tard, il est transféré à Braga où, après un passage par le noyau B, il s’impose en équipe première. Bölöni s’en souvient très bien puisque, au cours de la même saison, Rocha inscrit notamment deux buts face au Sporting Lisbonne.

 » Il me l’a d’ailleurs rappelé lors de notre première conversation à Liège « , dit Rocha.  » Car c’est d’abord son adjoint, Joaquim Rolão Preto, qui m’a appelé pour voir si je serais d’accord de signer au Standard.  » Rocha, un élément dont il faudra sans doute tenir compte sur les phases arrêtées, domaine dans lequel le Standard est nettement moins performant depuis les départs de MarouaneFellaini et Onyewu.

En mai 2002, Benfica, qui entretient de bonnes relations avec Braga, réalise une  » opération jeunesse  » en achetant pour 300.000 euros trois jeunes de Braga : l’arrière droit Armando, le médian défensif Tiago (qui passa ensuite par Chelsea, Lyon et est aujourd’hui à la Juventus) et le défenseur central Ricardo Rocha, qui n’a encore joué que 44 matches. Il est convenu qu’en cas de revente d’un de ces éléments, Braga touchera 15 % du montant.

En quelques semaines à peine, Rocha s’impose chez les Aigles. D’abord comme arrière gauche, un poste auquel le Standard pourrait bien avoir besoin de lui, même s’il est un peu lent et ne dédouble guère.  » Ricardo est un guerrier « , dit le Brésilien Cristiano Roland, qui perdit sa place au profit du nouveau joueur du Standard et évolue aujourd’hui au… Vietnam.  » C’est quelqu’un qui ne lâche jamais rien. C’est vrai qu’il n’est pas très rapide mais il compense par une présence énorme au duel. Qui plus est, c’est un très chic type.  » Des propos illustrés par une phase d’un derby entre Benfica et le Sporting. Après avoir gagné un duel avec Liedson, pourtant réputé pour son agilité, Ricardo Rocha se tourne vers le Brésilien naturalisé portugais et lui fait signe qu’il manque de biceps.  » C’était ma façon à moi de le démoraliser « , sourit-il.  » Liedson est certainement un des attaquants les plus difficiles à tenir qu’il m’ait été donné de rencontrer jusqu’ici.  »

Autre exemple : en décembre 2003, il se fracture le nez dans un duel. Quelques jours plus tard, au sortir de la clinique où il vient de subir une opération, il n’hésite pas à déclarer :  » Je suis dur comme l’acier. S’il le faut, je me casserai le nez une nouvelle fois. Or de question de retirer la tête du duel. « 

Droitier, Ricardo Rocha jouera également un match ou l’autre sur le flanc droit mais c’est finalement au poste de stopper qu’il finira par s’imposer sous des entraîneurs tels Jesualdo Ferreira (aujourd’hui à Porto), Toni, GiovanniTrapattoni, Camacho ou encore Ronald Koeman.

L’intérêt autour de Ricardo Rocha ne cesse de grimper. D’autant qu’en 2003, Luiz Felipe Scolari le titularise pour la première fois en équipe nationale. Il devra attendre trois ans pour connaître la même joie. En mai de la même année, il quitte l’écurie de l’agent de joueurs José Veiga pour signer avec Gestifute, l’entreprise de Jorge Mendes, l’agent de José Mourinho, Cristiano Ronaldo, etc. En avril 2004, la Real Sociedad est l’une des premières à manifester son intérêt pour le joueur mais Benfica réclame 1,5 million d’euros. Démoralisé, Ricardo Rocha, encore sous contrat jusqu’en 2007, entre en conflit avec la direction. En guise de représailles, celle-ci l’écarte du match à Anderlecht, donnant accès aux poules de la Ligue des Champions. Mal lui en prend : Benfica, qui l’a emporté 1-0 à l’aller, s’incline 3-0 : sa défense prend complètement l’eau et Ricardo Rocha est vite appelé à la rescousse.

Pourquoi Rocha était trop bon pour Benfica

Un an plus tard, Ricardo Rocha et Benfica sont sacrés champions, ce qui n’est plus arrivé depuis 1994. Les Espagnols de la Real Sociedad reviennent à la charge.  » Ricardo Rocha est l’un des meilleurs défenseurs centraux d’Europe « , déclare alors le Brésilien Argel (ex-FC Porto et Benfica).  » Il peut jouer sur une jambe à Barcelone, au Real ou à Valence.  » Cette fois, Benfica comprend qu’il doit faire un geste, sous peine de perdre son joueur. Celui-ci est donc invité à resigner jusqu’en 2010.

Ce qui n’empêche pas plusieurs clubs de manifester leur intérêt : Villarreal (avril 2005), Lyon et l’Espanyol (mai 2006) se renseignent à son sujet. Au point que Ricardo Rocha se sent obligé de préciser :  » Cela fait deux ans qu’il ne se passe pas un mois sans que l’on m’annonce ici ou là. Cela porte préjudice à ma carrière. « 

Après la blessure de Jorge Andrade, 33 % des lecteurs du journal Record estiment qu’il est le plus indiqué pour remplacer le défenseur central de La Corogne en équipe nationale. Quelques jours plus tôt, face à Barcelone (0-0), Ricardo Rocha a livré un des meilleurs matches de sa carrière, mettant Ronaldinho sous l’éteignoir. Mais Scolari ne le reprendra pas dans sa sélection pour le Mondial allemand, lui préférant Ricardo Costa.

Cela ne freine pourtant pas l’ardeur des clubs étrangers : c’est au tour du Celta Vigo (juillet 2006) et Marseille (novembre 2006) de frapper à la porte de Benfica. On sent qu’un départ est proche. Celui-ci intervient finalement en janvier 2007, lorsqu’il signe à Tottenham, pour 5 millions d’euros et un salaire de 150.000 euros par mois. Il quitte ainsi Benfica sur un bilan de 164 matches, un titre de champion, une Coupe et une Supercoupe du Portugal, 3 buts inscrits (tous au cours du premier tour du championnat 2006-2007), 22 cartons jaunes et 2 rouges.

A White Hart Lane aussi, Martin Jol le fait jouer sur le flanc gauche de la défense. La fin du championnat se passe plutôt bien pour lui puisqu’il dispute 9 matches, plus trois de Coupe. Mais les choses se gâtent en octobre, lorsqu’une blessure à la cheville l’écarte des terrains pour deux mois. A son retour, le nouvel entraîneur, Juande Ramos, l’ignore complètement. Cette saison-là, il ne dispute que cinq matches et il est question de le prêter à Hull City. Les dirigeants ne trouvent pas d’accord entre eux et Ricardo Rocha est envoyé dans le noyau B. Sa chance revient lorsque Juande est viré et remplacé par Harry Redknapp, qui va le rechercher mais ne le fait pas jouer davantage. En hiver, Guimarães s’intéresse à lui mais Ricardo Rocha affirme qu’il souhaite continuer à jouer à l’étranger.  » Ma famille et moi aimons cette expérience. J’espère trouver un club où je me sens utile, ce qui n’est plus le cas à Tottenham.  »

Il ne cache pas que la question du salaire joue également un rôle dans son raisonnement. Et depuis juin, son contrat avec le club anglais est terminé.  » Je ne regrette pas l’aventure. Les sept-huit premiers mois furent fantastiques puis, après la blessure, les choses se sont compliquées. J’étais parti me soigner au Portugal mais, après 3 semaines, les dirigeants ont voulu que je revienne et cette précipitation m’a causé des problèmes d’ordre physique par la suite. « 

Les supporters du Standard se demandent évidemment si un joueur qui a aussi peu joué en deux ans et demi pourra être utile.  » Je sais que beaucoup de gens pensent que je ne suis pas en bonne condition mais je veux prouver à tout le monde et à moi-même que je peux encore jouer au plus haut niveau « , assure-t-il.

Paul-José Mpoku, un jeune du Standard qui évolue depuis un peu plus d’un an à Tottenham, en est persuadé.  » Il va s’imposer facile. J’ai joué un match et je me suis entraîné trois ou quatre fois avec lui : c’est un très bon défenseur, expérimenté, doté d’un bon placement et qui parle beaucoup. Il est dur sur l’homme et très difficile à éliminer. C’est aussi un type très gentil, toujours discret.  »

Manuel Dimas, l’ex-défenseur du Standard, pense également que Ricardo Rocha n’a pas encore son avenir derrière lui.  » C’est vrai que plus d’un an sans jouer, c’est énorme mais il faut connaître les conditions : en Angleterre, il y a de nombreux matches de réserves qui sont tout de même très disputés. Et Rocha s’est entraîné chaque jour avec de grands joueurs, ce n’est pas comme s’il revenait de Chypre. Dès qu’il aura récupéré le rythme, il pourra être utile au Standard. C’est un joueur un peu lent, comme la plupart des garçons de son gabarit, mais il est agressif.  »

Avec six sélections internationales, Ricardo Rocha n’a pas non plus le CV d’un Dimas, d’un Jorge Costa ou d’un Sergio Conceição.  » Je connais beaucoup de joueurs qui seraient déjà très heureux de se prévaloir d’une carrière comme la sienne « , affirme Dimas.

Lorsqu’il avait débarqué à Sclessin, Costa avait eu pour mission d’aider l’équipe et d’apporter tout son savoir à Onyewu, qui tardait à exploiter son potentiel. Ce sera peut-être aussi une des tâches de Ricardo Rocha à l’égard des deux jeunes Brésiliens. Là, après des hésitations (voir cadre), le choix du Standard s’est porté sur deux jeunes plantes de plus d’un mètre nonante.

Ramos, international brésilien -20 : sheriff et play-boy

Victor Ramos (5/5/89, 1,92 m pour 78 kg) est, apparemment, celui sur qui le plus d’espoirs sont fondés puisqu’il est international des -20 ans. Il est d’ailleurs le seul sélectionné pour les championnats du monde à évoluer dans un club européen, ce qui ne va pas sans poser problème puisque la compétition a lieu en Egypte du 24 septembre au 16 octobre. Mais d’un autre côté, on voit mal le Standard le priver d’une telle compétition alors qu’elle peut faire monter la valeur du joueur.

Victor Ramos n’avait que 10 ans lorsqu’il est arrivé à Vitória, double champion de l’Etat de Bahia et club qui a formé David Luiz, défenseur central prometteur de Benfica. A la fin de l’année dernière, Vitória ne renouvela pas le contrat de son défenseur-vedette, Marcelo Batatais car Vagner Mancini, l’entraîneur de l’époque, croyait beaucoup en Ramos, capitaine et leader de l’équipe espoirs du club. Mancini fut rapidement limogé mais son remplaçant, Paulo Cesar Carpeggiani continua à lui faire confiance, même s’il l’écarta à l’une ou l’autre reprise parce qu’il estimait qu’il était trop fougueux. Au total, Ramos, droitier, disputa ainsi 16 matches de championnat du Brésil, sept en championnat de Bahia et cinq en Coupe, avec un but à la clef.

 » Ramos est un défenseur-sheriff « , comme on dit ici, explique Moises Suzarp, journaliste au journal A Tarde.  » Il est fort sur l’homme, ne laisse passer personne mais manque encore de maturité et ses interventions sont parfois démesurées. C’était d’autant plus difficile pour lui qu’il évoluait avec deux autres défenseurs centraux du même type et du même âge. Au niveau technique, je ne vous cache pas qu’on a un peu peur quand il conserve le ballon trop longtemps mais il donne bien l’impulsion de derrière.  »

S’il confirme, Ramos pourrait vite devenir un des chouchous du public de Sclessin car il aime manifestement les mondanités.  » Il a une réputation de play-boy « , raconte Suzarp.  » Malgré son jeune âge, il avait déjà une voiture de marque étrangère et il aimait être vu dans les discothèques. « 

Felipe : rapide et intelligent

Felipe Trevisan Martins (15/5/87, 1, 93 m pour 85 kg) vient de Coritiba, avec qui il a été champion du Parana en 2008. Physiquement, il fait un peu penser à Dante et il est aussi gaucher.  » C’est un joueur qui commet peu de fautes mais a le sang chaud et perd parfois la tête « , dit Monique Vilela, journaliste à Hora H. Si Victor Ramos était convoité par Palmeiras, Felipe était également dans le collimateur de plusieurs clubs, comme le FC São Paulo mais aussi le FC Porto.

Evidemment, avec l’arrivée de jeunes Brésiliens, la question de l’adaptation est souvent bien plus cruciale que celle du talent. D’autant que, cette fois, le Standard n’a pas le temps d’attendre. André Cruz, référence incontournable en matière de joueurs brésiliens au Standard, en sait quelque chose :  » On travaille de façon très différente en Europe, particulièrement au nord. De plus, des facteurs comme la langue et le climat jouent un rôle non négligeable. Pour réussir en Belgique, un joueur doit être rapide et intelligent. Je pense que c’est le cas de Felipe. Je le connais car il est originaire de ma région. Il a une certaine technique et il est rapide malgré sa taille. Il est également déjà habitué à la pression car les supporters de Coritiba sont très exigeants, très chauds. Et il joue tout de même le championnat du Brésil, dont le niveau est supérieur à celui de Belgique. Victor Ramos, je le connais moins mais pour qu’un joueur d’un état autre que ceux de Rio ou de Sao Paulo soient repris en équipe nationale, il faut qu’il soit bien plus fort que les autres.  »

André Cruz dit des choses positives sur les deux jeunes défenseurs du Brésil.

Rocha est un joueur un peu lent, mais il est agressif. (Manuel Dimas)

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