TOURNÉE D’ADIEU

Bruno Govers

Le gardien des Coalisés veut tirer sa révérence en fin de saison avec le sentiment du devoir bien accompli.

En raison de l’absence d’Alan Haydock, qui purgeait un match de suspension le week-end passé, Patrick Nys était, face à Genk, le Coalisé à avoir disputé l’intégralité de toutes les rencontres depuis le début de la compétition.

Ces statistiques flatteuses, le portier de la rue Malis était loin de pouvoir les présenter voici tout juste un an. Certes, il avait entamé le championnat mais suite à une sortie catastrophique au Lierse, où ses coéquipiers et lui-même furent battus 5-1, l’entraîneur Emilio Ferrera l’écarta du onze de base au profit d’Isa Izgi. Relégué dans le noyau B, le doyen des joueurs (36 ans) dut patienter jusqu’au deuxième tour, et la reprise en main de l’équipe par Robert Waseige, pour être repêché. Avec succès, car jusqu’au bout de la campagne 2004-2005, Patje livra des prestations sans tache, contribuant par là même grandement au sauvetage de son club. A présent, le longiligne Campinois ne fait, somme toute, que poursuivre sur cette lancée, lui qui a déjà remporté plusieurs points précieux pour les siens. Comme récemment au Germinal Beerschot.

Patrick Nys : D’un exercice à l’autre, la différence réside en un seul mot : la confiance. L’année passée, à l’image de mes partenaires, j’ai rarement joué de manière libérée au cours du premier tour. J’avais chaque fois l’esprit embué à cause d’un tas de consignes à respecter. Et encore, pour moi, en ma qualité de gardien, elles ne représentaient pas grand-chose en regard de toutes celles dont mes défenseurs devaient tenir compte. Au risque de me répéter, je tiens à souligner, une fois encore, combien Emilio Ferrera cerne parfaitement sa matière. Le hic, c’est qu’il n’est manifestement pas fait pour diriger un candidat à la relégation, comme l’était le FC Brussels. Avec son bagage et ses idées, il aurait à coup sûr du succès dans un club du top-3 en Belgique, voire ailleurs. Mais dès l’instant où il lui faut composer avec un noyau modeste, je crains que son message ne passe pas. La preuve, sans nul doute, par sa mise à l’écart à La Louvière, où il a vraisemblablement dû travailler dans des conditions similaires aux nôtres. Dans un même ordre d’idées, je comprends mieux aussi pourquoi un homme de la trempe d’Albert Cartier, qui avait précisément les Loups à sa charge en 2004-2005, ait réalisé du bon travail au Tivoli. Avec lui, il y a également des injonctions à respecter de semaine en semaine. Mais au lieu d’enfermer les joueurs dans un carcan rigide, il leur permet de s’exprimer au moment opportun. Ibrahim Kargbo m’a dit, voici peu, que lorsqu’il jouait sous les ordres d’Emilio Ferrera au RWDM, il lui était absolument interdit de quitter l’arrière pour s’infiltrer dans le camp adverse. Aujourd’hui, dès que l’opportunité se présente, il crée le surnombre dans la ligne médiane. C’est toute la différence. Et nous ne sommes pas devenus plus friables pour autant. Au contraire, par rapport au même moment, en 2004, nous présentons de meilleurs chiffres, à tous niveaux.

Revanche

En 2004-2005, vous aviez dû patienter jusqu’au deuxième tour, et un déplacement à Beveren, pour préserver pour la première fois vos filets. Cette fois, ce fut bingo dès votre premier match au Freethiel.

Exact, et depuis lors nous avons réussi la même performance en déplacement, à La Louvière d’abord puis au Germinal Beerschot. Ce qui ne gâte rien, c’est qu’il s’agissait là de trois formations appelées, en principe, à devoir figurer comme nous dans la deuxième moitié du classement. De plus, nous nous sommes chaque fois imposés en déplacement, c’est important aussi. Tous ces matches avaient, pour moi, une saveur particulière. Celui à Beveren en premier lieu, car il était synonyme de bons souvenirs. Car j’avais à peine un entraînement dans les jambes, au printemps passé, lorsque Robert Waseige décida de me relancer dans le grand bain. Et, d’emblée, ce fut un coup dans le mille. Notre victoire au Tivoli, c’était ma revanche personnelle sur Emilio Ferrera. Aujourd’hui encore, je me demande toujours les raisons qui l’ont poussé à m’écarter de l’équipe fanion. La seule explication plausible, c’est qu’il n’appréciait sans doute pas trop que je combine mes activités de footballeur à celles de pompier à Grobbendonk. Même s’il ne me l’a jamais dit, je pense que cette combinaison ne recueillait pas ses faveurs. Il voulait des joueurs s’investissant totalement dans leur métier et je n’étais pas de ceux-là même si, à mes yeux, je vivais et je vis toujours le foot de manière plus intense que les trois quarts des joueurs de l’élite. L’important, c’est la discipline et la connaissance de soi. Une chose est sûre : Albert Cartier, tout comme la plupart des meneurs d’hommes que j’ai connus, ne voit aucune objection à mon emploi du temps chargé. Au contraire, il m’incite à persévérer. Cette dimension humaine, c’est ce qui fait la différence, à mon sens, d’un coach à l’autre. J’ai 36 ans et j’ai transité par une douzaine de clubs. C’est assez dire si j’en connais un bout sur ceux qui m’ont dirigé. Je suis désolé de le dire, mais sans préparation spécifique, je serais capable, aujourd’hui déjà, de faire aussi bien que la plupart de ceux qui m’ont dirigé. En surfant sur Internet, n’importe qui peut trouver la matière indispensable pour mettre un groupe en condition ou pour diriger une équipe. En revanche, gérer un ensemble de personnalités et trouver les mots justes pour chacun, c’est un aspect qui n’est pas réservé au premier venu. Et sur ce plan-là, justement, le coach actuel est très fort.

Après un tiers de compétition, il n’avait toutefois pas encore trouvé les mots pour vous faire gagner à domicile.

Dans son domaine, il est absolument irréprochable. D’ailleurs, il s’en était fallu de peu qu’on engrange notre premier succès face à Zulte Waregem. Pour le reste, il ne s’agit pas de perdre de vue non plus que nos missions au stade Edmond Machtens n’ont pas été de tout repos jusqu’ici, puisque nous avons quand même donné la réplique au Club Bruges, à Anderlecht et, à présent, au Racing Genk. Contre des formations de ce calibre, il n’est évidemment pas anormal de perdre des points. En réalité, ce qui nous a joué un tour face à un adversaire plus modeste, comme le Cercle par exemple, c’est la pression du président, Johan Vermeersch. Il est tellement obnubilé par le désir de voir les joueurs montrer quelque chose sur le terrain, afin d’appâter le public et les candidats sponsors, qu’il place la barre des exigences trop haut. Son attitude, couplée à celle d’Emilio Ferrera la saison passée, aurait pu nous coûter cher à l’heure des bilans si rien n’avait changé à un moment donné. Ce qui nous a finalement sauvés, c’est le bon sens de Robert Waseige. Son grand mérite, indépendamment de son immense expérience footballistique, c’est d’avoir su toujours évacuer le trop-plein que la direction du club mettait dans nos têtes. Moi-même, vu mon âge canonique, je ne me suis jamais trop formalisé des remarques, parfois acerbes, de Johan Vermeersch. Mais je peux aisément comprendre que certains étaient paralysés par la peur de mal faire après l’un ou l’autre de ces dérapages verbaux dont il a le secret.

Au terme d’un non-match à Ostende, il avait voulu jeter toute l’équipe à la mer. Ce coup-ci, il l’a comparée à des vaches dans un pré contre le Cercle. Il n’empêche, dans les deux cas, il y a eu un sursaut de la part des joueurs : après le déplacement chez les Côtiers, vous aviez gagné 3-2 contre le Lierse et vous avez engrangé un succès inespéré au Germinal Beerschot.

Je ne dis pas que les propos du président n’ont eu aucune incidence. Mais, pour ma part, les paroles empreintes de sagesse d’Albert Cartier ont eu une portée plus importante encore. Dans le car qui nous a conduits au Kiel, il a trouvé les mots justes pour que nous réalisions un match 18 carats. Il en va toujours ainsi, la plupart du temps, lorsque nous jouons en déplacement. Par contre, dans nos installations, nous nous retrouvons très rarement entre nous. La tentation est toujours grande, à la mi-temps, de voir l’un ou l’autre dirigeants pousser la porte du vestiaire et s’immiscer dans les débats. Je reste persuadé que sans gueulante, à la pause, face au Cercle, nous aurions fini par émerger. Mais le discours musclé de Johan Vermeersch nous a coupé les jambes, c’est certain. La tension était palpable entre les murs et elle l’est restée sur la pelouse. Dans ces conditions, il est difficile de réaliser un résultat enviable. Tant qu’il n’y aura pas cette sérénité, j’ai bien peur que nous réaliserons toujours de meilleurs matches away qu’à domicile.

Plénitude

Que vous inspire votre propre saison jusqu’ici ?

Je n’ai pas à me plaindre. Au contraire, j’éprouve même un sentiment de plénitude pour l’instant. C’est ma dernière saison au plus haut niveau et j’effectue en quelque sorte ma tournée d’adieu. Je suis d’ores et déjà rassuré quant à mon avenir puisque, sitôt ma carrière active terminée, je rejoindrai les rangs du syndicat sportif flamand Sporta, où je travaillerai en étroite collaboration avec Thomas Caers. Dans un premier temps, du moins, car je ne désespère pas, tôt ou tard, pouvoir faire profiter les gardiens de mon expérience. Cette assurance quant à mon avenir explique sans doute pourquoi j’aborde la dernière ligne droite de ma trajectoire sportive en toute sérénité. Malgré l’importance de l’enjeu, je n’ai jamais été aussi relax qu’aujourd’hui. Je vis toujours les matches à fond mais sans véritable hantise du lendemain. Et c’est peut-être bien la raison pour laquelle je n’ai pas vraiment fauté jusqu’à présent. Au contraire, j’ai probablement contribué à prendre quelques unités précieuses. Comme au Germinal Beerschot, précisément. On aurait pu encore jouer dix heures ce soir-là, jamais je ne me serais retourné. J’avais une force indescriptible en moi qui repoussait tous les envois. Je me sentais pour ainsi dire invulnérable. Pour un keeper, il va sans dire qu’un état d’esprit pareil est très important. J’espère l’entretenir jusqu’en fin de saison. Je pourrai alors tirer ma révérence avec le sentiment du devoir bien accompli.

De l’ancien Beerschot au FC Brussels, vous avez transité par huit autres clubs. Certains de renom, comme Gençlerbirligi en Turquie, d’autres modestes comme Dessel Sport. Avez-vous tiré la quintessence de votre carrière ?

Compte tenu des circonstances, je serais enclin à dire oui. Il ne faut quand même pas oublier que deux blessures au genou m’ont contraint à repartir quasiment de zéro lors de mes plus belles années. Sans ces contretemps, je me demande parfois ce qu’il serait advenu de moi. Car si un garçon comme Erwin Lemmens a eu la chance d’être appelé en sélection, je me demande quand même pourquoi cet honneur m’a été toujours refusé. Pourtant, quand je défendais les couleurs du club d’Ankara, je n’aurais pas détonné parmi les Diables Rouges. La saison passée, j’ai d’ailleurs confronté Robert Waseige à cette question. Il m’a avoué que malgré des rapports positifs, il n’avait pas voulu incorporer un quatrième gardien à son trio traditionnel formé de Filip De Wilde, Geert De Vlieger et Frédéric Herpoel. C’était son droit, bien sûr. Mais pour moi, celui qui a ses mérites doit être inclus dans le noyau élargi, quels que soient son âge ou ses antécédents. Je n’ai pas eu cette chance et cela demeurera hélas à jamais une grande frustration.

BRUNO GOVERS

NYS EXPLIQUE POURQUOI Vermeersch stresse ses joueurs  » Je n’ai jamais ÉtÉ convoquÉ chez les Diables et C’est ma grande frustration  »

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