Tour de passe-passe

Ancien buteur, l’ancien joueur de Zulte Waregem et de Gand est devenu, à Mons, le pourvoyeur des attaquants. Histoire d’une reconversion.

On ne mentionnera jamais assez l’utilité d’un joueur comme Tim Matthys pour un club comme Mons. A l’Albert, lorsqu’on parlera de cette troisième expérience en D1, on retiendra surtout les buts de Jérémy Perbet. Pourtant avec ses 12 passes décisives, un an après en avoir déjà distillé 20 en deuxième division, Matthys apporte son expérience et son toucher de balle. Etonnant pour un joueur qui avait surtout décollé grâce à son sens du but. De petit prince du Gaverbeek, Matthys s’est donc transformé en roi des assists au stade Tondreau.

Le buteur devenu passeur

 » Au début de ma carrière, je jouais toujours dans un système avec deux attaquants, que ce soit à Zottegem ou à Gand. J’étais le buteur de l’équipe. Le changement est survenu à Zulte Waregem. Francky Dury a opté pour le 4-3-3 et il m’a placé à l’extérieur droit où j’ai commencé à devenir davantage passeur que buteur. Aujourd’hui, je trouve que j’ai davantage de qualités dans ce rôle. On ne peut pas dire que je ne marquais pas assez puisqu’une année, j’ai inscrit 10 buts mais le foot a évolué. On est passé à un sport plus physique et moi, je ne suis pas un joueur costaud, comme on peut en voir aujourd’hui en attaque. Au poste d’extérieur droit, je ne dois pas compter sur la force, je me sens donc plus à l’aise. Mon jeu consiste surtout à courir beaucoup et offensivement, j’aime l’espace devant moi. Je sais éliminer un joueur et donner un bon centre. Ce dernier point m’a d’ailleurs surpris. Lorsque j’étais un pur buteur, je n’imaginais pas pouvoir donner de si bons centres. Parfois, ça me surprend encore quand je regarde les images des matches. Je me dis – wouaw, ça c’était un bon centre. D’ailleurs, quand j’évoluais comme avant-centre, on ne m’a jamais dit que j’avais de la technique. Aujourd’hui, dans mon nouveau registre, je peux perfectionner ce domaine et l’utiliser  »

Si Matthys est devenu un roi de la passe, il le doit à son repositionnement dans le jeu mais également à sa maturité, affinée au cours d’une carrière qui l’a vu passer de petit idole de Zulte Waregem à l’anonymat de la D2 au Lierse et à Mons.  » Avant, tout coulait de source. Connaître le revers de la médaille m’a fait mûrir. Et cela se répercute sur le terrain. Je suis donc un joueur totalement différent par rapport à mes débuts en D1. Grandir m’a permis également d’accepter et de comprendre ce nouveau rôle sur le terrain. A Gand et à Zulte, on me considérait comme un joueur fou-fou. J’avais mes instants de grâce mais je n’étais pas aussi constant que maintenant. Je pouvais marquer trois buts contre l’Austria de Vienne ou un but en finale de Coupe de Belgique mais je ne savais pas garder ce niveau sur plusieurs rencontres. Désormais, je peux le faire. J’arrive à avoir la cote de 6-7 chaque semaine. Le plaisir de marquer ne me manque pas car j’en trouve autant à donner des passes décisives. Quand tu regardes le classement des assists et que tu vois que Matias Suarez ou Franck Berrier sont derrière toi, cela te donne satisfaction.  »

Une carrière faite de hauts et de bas

Matthys, 28 ans, a donc connu une carrière atypique. Il a percé tardivement (22 ans en D1), a éclaté à Gand et à Zulte Waregem avant de s’exiler en Grèce, à Panthrakikos, pendant six mois et de devoir ensuite rebondir en D2 durant deux saisons.  » On peut diviser ma carrière en deux : Gand et Zulte jusqu’à mon passage en Grèce. Puis le reste. Quand je suis revenu de Grèce, j’ai été surpris par le peu d’intérêt que je suscitais. Il n’a fallu que six mois pour oublier Tim Matthys ! Je ne comprenais pas. Peut-être que comme ma formation n’était pas super ( NDLR : Il est arrivé à Gand à 22 ans), certains ont cru que mes années à Gand et Zulte Waregem relevaient du hasard. Mais depuis lors, j’ai prouvé ma valeur. Mentalement, mes deux années en D2 m’ont fait du bien. J’ai eu peur de ne jamais retrouver la D1. Après une année en D2 avec le Lierse, qui avait débouché sur la montée, j’ai été déçu que le club n’arrive pas à se mettre d’accord avec Zulte Waregem auquel j’appartenais encore. Là, je me suis dit que je ne pouvais plus rester qu’un an en D2. Avec Mons, j’étais dans l’obligation de gagner le titre ou le tour final. Je raconte d’ailleurs dans chaque interview que j’ai perdu quatre kilos lors de ce tour final. Je savais qu’il s’agissait de ma dernière chance pour découvrir la D1.  »

Autre caractéristique : Matthys fait partie des rares joueurs néerlandophones à tenter l’aventure dans un club francophone.  » On ne voit pas souvent de joueurs néerlandophones dans les clubs francophones mais moi, je n’ai eu aucune difficulté à opter pour Mons. Avant de signer au Lierse, Dimitri M’Buyu avait déjà tenté de m’attirer. J’ai visité les installations et j’avais déjà été surpris. En Flandre, on garde l’image de clubs francophones moins professionnels que les clubs flamands. Je me suis rendu compte que cette image ne correspondait pas à la réalité. Lorsqu’une saison plus tard, M’Buyu m’a recontacté, j’ai foncé. D’autant plus que Tom Van Imschoot m’avait également dit qu’il ne fallait pas hésiter. Aujourd’hui, je suis amoureux de Mons ! L’image du club a fortement changé en quelques années. Cette semaine, il y avait la kermesse à Zottegem où j’ai rencontré beaucoup de supporters du Club de Bruges. Or, comme on recevait Bruges quelques jours plus tard, beaucoup m’ont abordé en disant – Cela ne va pas être facile. On sent qu’il y a plus de respect envers Mons. La saison dernière, une équipe de télévision de VTM, en venant faire un reportage au club, avait été surprise par les structures du club.  »

Pourtant, en début de saison passée, on a bien cru que la D1 ne se limiterait qu’à peau de chagrin pour Matthys lorsqu’il fut placé sur le banc après trois journées.  » Quand Dennis van Wijk m’a placé sur le banc, je n’ai pas douté. J’étais un peu déçu, surtout parce que j’avais le sentiment qu’un jeune inconnu recevait plus de crédit que moi, mais je savais qu’après deux ou trois matches, van Wijk reviendrait aux mêmes joueurs. Il m’a suffi d’attendre calmement. Si j’avais connu la même mésaventure en début de carrière, j’aurais peut-être pété un câble. Finalement, ma chance est arrivée contre Malines et j’ai donné trois passes décisives. La roue avait tourné.  »

La différence entre Van Wijk et Scifo

 » Lors de la première année avec Van Wijk, tout marchait bien. Cela a continué en D1 mais à partir d’un moment, il y a eu quelques problèmes entre lui et certains joueurs. Il demande énormément à son groupe. Il le presse comme un citron jusqu’au moment où il n’y a plus de jus. Il joue beaucoup sur les émotions et à un moment, cela déborde. Je n’ai jamais eu de problème avec lui mais il fallait changer quelque chose pour le groupe. Tout le monde était énervé. L’arrivée d’ EnzoScifo a libéré et redonné de la confiance à certains éléments. Il met tout le monde sur un pied d’égalité. Et puis, il a cette expérience inégalable. On sait que quand il dit quelque chose dans le vestiaire, cela ne vient pas de nulle part. Il a un charisme naturel mais il n’en use parfois pas assez. Il reste fort humble. Moi, quand il me dit – Tim, tu devrais corriger ceci ou cela, je l’écoute et je l’applique car je suis tout simplement un moins bon joueur que lui. A l’entraînement, on voit qu’il a encore du football dans les pieds. Pour le moment, il se remet d’une petite déchirure mais quand il est en forme, c’est un récital.  »

La saison de la confirmation

Alors que l’histoire du RAEC en D1 nous apprend que les deuxièmes saisons ne sont jamais aussi bonnes que les premières, Matthys relativise, en partie parce que le groupe n’a pas connu de gros bouleversements.  » Je ne crois pas que cela sera compliqué pour Mons cette saison. Certes, il va falloir confirmer mais comme le groupe comprend pas mal de joueurs expérimentés, il n’y a pas de risques de se reposer sur nos lauriers. Le président a peut-être fait des erreurs dans le passé mais il en est conscient. On sent que le club veut devenir stable en D1 et viser chaque saison le top 10.  » Mons a réussi son entrée dans ce championnat, notamment parce que l’Albert a conservé ses forces vives.  » Je m’attendais à ce que Perbet soit courtisé. Il vient quand même de finir le dernier championnat avec le titre de meilleur buteur. Par contre, je ne suis pas étonné par le manque d’intérêts pour les autres joueurs. Aujourd’hui, les clubs réfléchissent beaucoup plus avant d’acheter un joueur. Ils étudient tous les paramètres et regardent s’ils pourront encore faire une plus-value plus tard. Cependant, cela joue en faveur de Mons. Comme Scifo est arrivé en mars, il a déjà une bonne vision de tout le groupe. On n’a pas perdu beaucoup de joueurs, on ne compte pas de blessés, on est donc dans une progression normale. On peut déjà miser sur des automatismes en place.  »

Le manque d’intérêt des clubs vaut aussi pour lui-même.  » Moi, j’ai reçu des propositions des Pays-Bas mais pas de Belgique. Je suis content de ma carrière mais j’ai encore un léger regret. Je trouve que j’ai quand même des qualités pour un club du top 6. Parfois, quand je regarde les matches de Genk ou du Standard, je me dis que je n’ai jamais reçu une chance dans un plus grand club. Avoir 28 ans ne joue pas en ma faveur. On ne sait plus me revendre après ! Cependant, cela reste mon ambition. Je veux donc prouver cette saison que les 12 assists de la saison passée ne constituent pas une surprise. Je suis sur la bonne route. J’en ai déjà 3. « 

Mons peut donc, selon lui, réussir une bonne saison. Que ce soit avec ou sans Perbet.  » C’est vrai que Perbet avait de l’importance dans nos résultats mais on a commencé le championnat avec Aloys Nong et Mustapha Jarju qui a déjà repris le rôle de Perbet. De plus, le groupe est conscient qu’on ne peut plus se reposer sur le Français et pour le moment, le danger vient de partout. Comme si chacun voulait reprendre une partie du rôle de Perbet.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Je suis tout simplement un moins bon joueur que mon entraîneur. Alors, je l’écoute. « 

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