Toujours traumatisée

Elle n’ira pas au Masters à Munich: elle a rayé l’Allemagne de sa carte!

Monica Seles, 27 ans, a terminé sa saison 2001 de la plus belle manière qui soit. Le dimanche 13 octobre dernier, la gauchère américaine d’origine yougoslave s’est imposée au tournoi de Shanghaï pour remporter le 51e titre de sa prestigieuse carrière.

Celle qui fut la reine du tennis mondial au début des années 90 avant d’être victime d’une terrible agression le 30 avril 1993 lors du tournoi d’Hambourg vit une deuxième jeunesse. Depuis son retour sur le circuit, début août, après cinq mois passés à soigner une blessure au pied droit, elle n’a perdu que quatre matches. Finaliste à San Diego contre Venus Williams, et à Los Angeles face à Lindsay Davenport, la native de Novi Sad, dans l’actuelle Serbie, reste surtout sur trois victoires en tournois. Le 15 septembre, elle s’imposait au Brésil à Salvador de Bahia, le 2 octobre, elle décrochait son 50e titre à Tokyo et puis il y eut Shanghaï.

Monica Seles: J’ai longtemps été frustrée cette année en raison d’une blessure au pied droit, une fracture de stress. J’ai même voulu forcer les choses tant je me sentais bien dans mon jeu et je voyais des opportunités de remporter des tournois. Mais je suis heureuse d’avoir laissé le temps à mon corps de récupérer. J’ai rétrogradé quelque peu au classement en raison notamment de mon absence à Roland-Garros et à Wimbledon, mais ma fin de saison a été excellente.

A Tokyo, vous êtes même entrée dans le club très fermé des huit joueuses ayant remporté 50 titres ou plus tout au long de leur carrière. Cela a dû être un grand moment…

En fait, ce fut assez amusant. Je ne savais ainsi pas du tout, avant de monter sur le court pour disputer cette finale contre Tamarine Tanasugarn, que j’étais susceptible de décrocher ma 50e victoire en tournoi. J’ai toujours joué au tennis par amour du jeu et non pas pour compter le nombre de titres que je remportaisr. Mais le chiffre 50 représente une barrière importante à franchir.

« J’aurais tellement souhaité que le Masters ne se déroule pas à Munich »

Vous avez été une des premières joueuses américaines à décider de voyager suite aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Vous n’avez pas eu peur?

Non, pas spécialement. Je me suis sentie totalement en sécurité en Asie. L’idée ne m’a même pas traversé l’esprit que je risquais quelque chose. Vous savez, chacun doit agir en fonction de la manière dont il ou elle ressent les choses, et je peux comprendre les soeurs Williams lorsqu’elles ont déclaré préférer rester auprès de leur famille.

En revanche, vous avez décidé de ne pas participez au Masters de Munich pour ne pas revenir en Allemagne où vous aviez reçu un coup de couteau dans le dos, en bord de court en 93. N’est-ce pas dommage vu votre forme?

Si, bien entendu, mais je déteste revenir sur une décision et susciter la controverse.

Finaliste l’an dernier contre Martina Hingis au Madison Square Garden de New York, vous allez en outre perdre beaucoup de points…

Je le sais, mais c’est ainsi. Il faudra que je les rattrape à d’autres occasions. Au plus profond de mon coeur, j’aurais souhaité que le Masters ne se déroule pas à Munich. Ce n’est pas que je me sente particulièrement mal à l’aise à l’idée de retourner en Allemagne, mais il y a trop de choses qui se sont produites au point d’avoir rendu la situation très compliquée. Je ne dis pas que ma position ne changera pas un jour, mais pour l’instant, elle est celle-là.

Vous avez connu de nombreux et somptueux succès dans votre carrière, mais vous avez également traversé des moments très difficiles, comme cette agression et le décès de votre père Karolj. Quel est le regard que vous jetez sur votre vie tennistique?

S’il n’y avait pas eu le tennis, j’aurais pu connaître une existence très malheureuse. Je sais très bien d’où je viens. Mes copines de classe qui sont restées dans l’ex-Yougoslavie ont vécu de véritables tragédies. Moi, quelque part, je me sens bénie d’être là où je suis aujourd’hui.

Certaines ont perdu la vie dans les bombardements, non?

Oui. Il y a eu des histoires très tristes.

« Le jour de ma retraite constituera une surprise pour tout le monde »

Vous avez aujourd’hui 27 ans. Vous fêterez même vos 28 ans début décembre. Cela fait 13 ans que vous arpentez le circuit. La retraite, vous y pensez?

Vous savez, cela fait bien cinq ans que je suis confrontée à des questions du genre. J’y réponds toujours poliment, mais je ne m’épanche pas sur le sujet. A l’heure actuelle, j’essaye surtout de vivre au présent. Je pense donc à rester en forme pour demeurer compétitive et non pas à quoi ma vie ressemblera dans cinq ou dix ans. Le jour où je déciderai de mettre un terme à ma carrière, il s’agira d’une surprise pour tout monde, excepté mes proches et ma famille. Je n’effectuerai pas une tournée d’adieu comme par exemple Nathalie Tauziat ou Anke Huber. Lorsque j’aurai choisi de prendre ma retraite, je m’en irai du jour au lendemain.

Andre Agassi explique qu’après toutes ces années, il n’a toujours pas perdu le plaisir de s’entraîner. Qu’en est-il pour vous?

Disons que je ne suis pas quelqu’un qui aime s’entraîner, mais une fois que je suis sur le court occupée à frapper des balles, il n’y a plus de problème. En fait, plus je m’entraîne, plus je suis ouverte à l’idée que l’entraînement fait partie de mon quotidien.

Travaillez-vous plus durement que lorsque vous étiez plus jeune?

Non, je ne le crois pas. Je me suis entraînée très durement avec mon père par le passé. Il était un ancien triple sauteur. Avec lui, j’en ai avalé des kilomètres sur les pistes d’athlétisme.

Vous avez un nouveau coach désormais, Mike Sell. Pouvez-vous expliquer ce qu’il vous apporte?

Avec lui, je dispute surtout beaucoup de points lors des entraînements. Il possède un tel niveau de jeu qu’il me force à hausser le mien. Il ne cherche pas spécialement à me faire changer un aspect particulier de mon tennis. Simplement, la manière dont il joue m’oblige à demeurer concentrée pour tenir la cadence. En outre, il est également capable d’imiter le style de jeu de nombre de mes adversaires, ce qui ne gâte rien.

« Je possède encore les moyens de remporter un Grand Chelem »

Qu’estimez-vous encore être en mesure de réaliser dans votre carrière? Huitième mondiale, vous êtes malgré tout assez loin de la première place et votre dernière belle performance en Grand Chelem remonte à plus de deux ans à Roland-Garros…

Ces deux dernières saisons, en réalité, ont été très intéressantes. L’an dernier, je n’ai ainsi pas perdu le moindre match contre une joueuse autre que Martina Hingis, Venus Williams, Lindsay Davenport et Mary Pierce, soit les quatre meilleures mondiales. C’était quelque part frustrant, mais également encourageant. Cette saison, j’ai longtemps été blessée, mais le fait de battre des filles comme Martina Hingis, Jennifer Capriati ou Serena Williams à mon retour constitua un terrible adjuvant moral. La suite m’a conforté dans l’idée que j’étais revenue à un excellent niveau.

Pensez-vous que quelque chose a changé chez Monica Seles aujourd’hui?

La seule explication que je sois à même de donner est celle d’une combinaison entre une réduction de mon nombre de fautes directes et un meilleur déplacement sur le court. Mais bon, il y a des matches où tout se met en place et d’autres pas.

Votre dernier triomphe en Grand Chelem remonte à l’Australian Open en 1996 contre Anke Huber. Vous considérez que vous êtes encore capable de remporter un tournoi majeur?

Oui. Je vais tâcher de bien me préparer pour la nouvelle saison et j’espère être épargnée par les blessures.

Une dernière question. Alors que vous remportiez le tournoi de Shanghaï, Jennifer Capriati accédait à la place de numéro un mondiale à Filderstadt au détriment de Martina Hingis. Qu’en pensez-vous?

Je tiens sincèrement à la féliciter. J’estime qu’elle le mérite réellement. C’est incroyable ce qu’elle est parvenue à réaliser cette année.

Serge Fayat

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire