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Son transfert de Beveren au Bayern Munich et le retour de Mexico en 1986 constituent ses meilleurs souvenirs.

On l’aime ou on ne l’aime pas, mais il faut lui reconnaître ce mérite : JeanMariePfaff (51 ans) a réussi à se faire un nom dans le football international et demeure encore aujourd’hui l’un des rares footballeurs belges qui jouit d’une certaine notoriété à l’étranger. Une notoriété qui trouva sa concrétisation dans le titre de meilleur gardien du monde obtenu en 1987.

 » Ce fut l’apothéose de ma carrière « , se souvient-il.  » La récompense pour tout le travail accompli. Dans le jury, un seul journaliste belge m’a accordé une voix. Un Wallon, encore bien : MichelDubois, de LaDernièreHeure/ LesSports. Ses confrères ont préféré voter pour d’autres gardiens. Mais les voix des journalistes étrangers m’ont suffi pour remporter le trophée « .

La carrière de Pfaff a débuté à Beveren, modeste club du Pays de Waes avec lequel il est devenu champion de Belgique en 1979.  » A quoi Beveren devait-il son succès ? Au travail, à l’engagement, à la solidarité. On était tous des amateurs. Jean Janssens était docker, Paul Van Genechten était pompier, je travaillais à la Poste. Mon premier contrat prévoyait un salaire de 2.500 francs par mois, mais une prime de 3.000 francs par point. On connaissait la différence entre gagner et perdre, et on se battait en conséquence. Les joueurs, dans leur grande majorité, provenaient d’un rayon de 20 kilomètres. Il n’y avait que deux étrangers. Mais, avec cette équipe-là, on a éliminé l’Inter Milan en quarts de finale de la Coupe des Coupes et on a tenu la dragée haute au FC Barcelone. Beveren a, aussi, toujours possédé de très bons gardiens. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il y avait de bons exemples à suivre. Je ne peux pas parler de bons préparateurs de gardiens car, à l’époque, l’entraîneur principal devait tout faire : dispenser les entraînements aux joueurs de champ et aux gardiens, parfaire la condition physique, laver les ballons… Mais il connaissait la valeur du travail. Il n’hésitait pas à rester longtemps après l’entraînement, pour travailler les points faibles avec les joueurs. Actuellement, que voit-on ? Plus tôt l’entraînement est terminé, plus vite on peut rentrer chez soi… ou partir faire des commentaires à la télévision (sic) ! Jadis, l’entraîneur recevait une équipe de la direction et il devait s’efforcer d’en faire le meilleur usage. Aujourd’hui, c’est la qualité de l’équipe qui détermine la valeur d’un entraîneur. S’il perd trois matches, il commence à geindre : – Jedoisavoirdurenfort, jedoisavoircecioucela ! S’il obtient ces renforts et que les résultats s’améliorent, il devient un bon entraîneur. Si la direction n’a pas les moyens de lui offrir les renforts demandés, il demeure un mauvais entraîneur. Le mercato, qui autorise les transferts en pleine saison, fausse la compétition. C’est la prime au capital. Autrefois, il fallait terminer la saison avec les joueurs qui l’avaient commencée. Actuellement, c’est la puissance financière qui permet de devenir champion ou de rester en D1 « .

De Beveren au Bayern

Lorsqu’on lui demande le meilleur souvenir de sa carrière, Pfaff en cite deux : son transfert de Beveren au Bayern Munich en 1982 et le retour de Mexico en 1986.

 » Passer de Beveren au Bayern Munich, c’était un bond phénoménal. Je quittais un petit club provincial pour débarquer dans un grand cercle européen, je passais de l’humilité de la demeure familiale au luxe des hôtels 5 étoiles. Je sortais tout juste de la Coupe des Flandres, où j’avais affronté des équipes comme Gand, Lokeren, Saint-Nicolas et Audenaerde, et je me suis envolé pour La Corogne, où j’ai disputé un tournoi contre le FC Barcelone, une équipe brésilienne et le Dynamo Kiev d’ Oleg Blokhin, par une température de 35° à l’ombre. De là, j’ai enchaîné sur le camp d’entraînement du club bavarois. Je ne parlais pas un mot d’allemand au départ, je ne trouvais pas mon chemin dans Munich, mais je suis parvenu à gagner le respect. J’avais déjà 29 ans lorsque je suis parti en Bavière. Aujourd’hui, les jeunes filent de plus en plus tôt à l’étranger… pour se retrouver sur le banc. Tenir six ans à ce niveau-là, ce n’était pas une mince affaire. Un étranger devait se montrer meilleur que les Allemands. Je devais donc être meilleur que Raimund Aumann et Mani Müller, et aussi bon que Sepp Maier autrefois. J’ai remporté trois titres de champion et deux Coupes d’Allemagne, et j’ai atteint la finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, perdue 1-2 contre Porto en 1987. La proposition du plus grand club allemand a flatté mon orgueil. Un club aussi prestigieux que le Bayern Munich a bien voulu de moi, alors qu’en Belgique, les grands clubs me trouvaient toujours des défauts. Pour l’un mon dégagement n’était pas parfait, pour l’autre ma prise de balle laissait à désirer. Ils préféraient faire confiance à des Néerlandais, comme NicodeBree ou JanRuiter. A Munich, j’ai eu des entraîneurs comme PalCsernai, UdoLattek et JuppHeynckes. J’ai eu le privilège de côtoyer pendant six ans des gens comme Uli Hoeness, duquel j’ai reçu des leçons de management que je n’aurais pas pu apprendre à l’école. J’ai découvert le professionnalisme « .

La Grand-Place noire/jaune/rouge

Le deuxième grand souvenir de Pfaff, c’est le retour de Mexico en 1986.  » Parce que les manifestations de joie émanaient du peuple. C’est le plus bel accueil que j’aie reçu. Tous ces gens massés sur le parcours menant de l’aéroport au centre-ville, jusqu’à la Grand-Place bondée de monde : c’était émouvant. J’avais du mal à imaginer que tous ces gens étaient belges. Ensuite a suivi la réception au Palais Royal, en présence du Roi Baudouin. Magnifique également « .

La Coupe du Monde 1986 avait pourtant mal démarré pour les Diables Rouges, qui s’étaient extraits péniblement de leur poule en qualité de meilleur troisième, mais elle se termina en apothéose avec une quatrième place.  » Le déclic fut-il ce fameux match contre l’URSS ? Non, le déclic s’est produit lorsqu’on a fait le ménage. Il ne faut pas oublier qu’on a renvoyé un joueur qui pourrissait l’ambiance. Le ver était dans le fruit depuis l’EURO 84 en France. Des valeurs affirmées n’ont pas apprécié qu’un jeunot comme EnzoScifo soit ainsi projeté sous les projecteurs dès l’âge de 18 ans. Ils le jalousaient, parce qu’il s’était imposé à Anderlecht et qu’il avait livré un excellent match pour ses débuts en équipe nationale contre la Yougoslavie, et ils s’étaient mis en tête de le saboter. Deux ou trois joueurs s’étaient donné le mot : – S’ilva, nelecouvrepas ! Autant de venin et de jalousie m’écoeurent. Enzo Scifo était pourtant un excellent footballeur et un chouette gars. Cet EURO 84 fut un point noir dans ma carrière. A cause de cela, et à cause de l’affaire de corruption qui avait touché les joueurs du Standard et décimé l’équipe nationale « .

Dix étrangers dans les équipes

Pfaff avait, préalablement, été vice-champion d’Europe en 1980 ( » Fantastique aussi « ) et disputé la Coupe du Monde 1982 en Espagne. Sa carrière internationale fut accomplie sous la houlette de Guy Thys.  » Il traitait ses joueurs en adultes et recevait également de bons conseils de Rik De Saedeleer, le journaliste de la BRT. A l’époque, on constituait l’équipe nationale en prenant les meilleurs joueurs d’Anderlecht, du Standard et de Bruges, et on complétait l’effectif avec un joueur de Waregem, un joueur du Beerschot, un joueur du Lierse et un joueur de Beveren. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Récemment, j’ai assisté au match entre Beveren et Lokeren. Il y avait dix étrangers dans chaque camp. Je ne reconnaissais plus mon Beveren. On achète des joueurs ivoiriens et on les revend à Arsenal ou en Ukraine. Et la jeunesse belge, dans tout cela ? Je regrette cette évolution. Pour les supporters, pour les parents qui font énormément d’efforts pour leurs enfants et qui ne trouvent pas de débouchés pour eux. Les dirigeants se plaignent du programme scolaire trop chargé ou du manque de subsides. Ce sont des excuses faciles. Jadis, on ne recevait pas plus de subsides qu’actuellement. Comment peut-on encore travailler le collectif et l’esprit d’équipe, dans les conditions actuelles ? Aujourd’hui on joue ici, demain on joue ailleurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles je ne me rends plus que très rarement au stade. L’autre raison, c’est qu’on n’a aucun respect pour ma carrière en Belgique. En Allemagne, lorsque j’annonce ma venue, on me répond : – Herr Pfaff, c’est un honneur de vous compter parmi nous ! Avez-vous besoin d’un parking ? Viendrez-vous accompagné ? Restez-vous dîner après le match ? Ici, lorsque je me présente, on me répond : -Désolé, je ne veux pas vous laisser entrer à la réception car vous n’avez pas le carton d’invitation adéquat !  »

Un vrai Belge

Jean-Marie Pfaff garde pourtant la fibre patriotique.  » Je ne me considère ni comme flamand, ni comme wallon, ni comme bruxellois, mais comme belge à part entière. Je maîtrise les trois langues nationales : le néerlandais, bien sûr, mais aussi l’allemand et je me débrouille en français. Je me rends avec autant de plaisir à La Roche ou à Bastogne qu’à Dixmude. Je me réjouis des succès de Charleroi et de La Louvière. Le football constitue une merveilleuse publicité pour une ville. D’un point de vue touristique, la ville de Bruges ne doit certainement pas se plaindre des titres du Club. Et je trouve dommage que Namur ou Dinant n’aient pas un club en D1, pour promouvoir la vallée de la Meuse et le rocher Bayard « . Les mauvais résultats de l’équipe nationale le désolent.  » Si les Diables Rouges n’allaient pas en Allemagne, ce serait une catastrophe. Pour les joueurs, pour les sponsors, pour les supporters. Que faudrait-il changer ? J’ai ma petite idée, mais il faudrait des heures pour tout expliquer. D’abord, je trouve qu’il faudrait placer les gens adéquats aux places adéquates. En Allemagne, on place de véritables personnalités aux postes à haute responsabilité : FranzBeckenbauer est le président du Bayern Munich et la figure emblématique du comité d’organisation de la Coupe du Monde 2006. Il est aussi présent à la FIFA. Les Français ont Michel Platini à l’UEFA. Et les Belges, qui ont-ils ? Des dirigeants qui ne songent qu’à défendre leur prestige personnel ou les intérêts de leur club, pas ceux de leur pays. La Belgique possède pourtant des vedettes, mais elle ne les utilise pas car les dirigeants en place ont peur que ces vedettes leur fassent de l’ombre. Où sont les relations des dirigeants belges ? Ils n’osent même pas envoyer une lettre à la FIFA. Lorsque Bart Goor et Eric Deflandre ont été suspendus, il n’y avait aucun personnage assez influent pour essayer de diminuer leur peine. Les joueurs n’ont même pas eu l’occasion de se défendre. Je trouve cela grave. Dans les clubs, c’est pareil. En Allemagne, on trouve Uli Hoeness, Karl-HeinzRummenigge et GerdMüller à des postes à haute responsabilité au Bayern Munich. Ne pourrait-on pas imaginer un Beveren avec Jean-Marie Pfaff, Jean Janssens et HeinzSchönberger ? Ce sont aussi des noms qui parlent au public. Trop, sans doute, aux yeux des dirigeants actuels, car alors eux-mêmes n’auraient plus voix au chapitre. Il y a 13 ou 14 ans, lorsque j’ai arrêté ma carrière, j’ai eu la possibilité de devenir directeur général à Beveren. JohanBoskamp a refusé. Trois mois plus tard, il est parti à Courtrai. Je constate cependant que le vent est en train de tourner. On semble enfin commencer à comprendre : MarcWilmots est à St-Trond, MichelPreud’homme au Standard, MarcDegryse à Bruges et LucNilis à Heusden-Zolder. Des hommes de métier, qui savent de quoi ils parlent, associés à des hommes d’affaires, ne peuvent que rendre le sport meilleur « .

 » Si j’accepterais de devenir coach national ? On ne me l’a jamais demandé et je ne crois pas qu’on me le demandera un jour. Pourtant, je pense que cela ferait plaisir à beaucoup de gens. En Allemagne, RudiVöller est devenu sélectionneur national sans diplôme. Lorsqu’il est parti, JürgenKlinsmann lui a succédé. Lui non plus n’a pas de diplôme. On l’a pris uniquement par respect pour sa carrière. Mais en Belgique, on veut des papiers. C’est le règne de la bureaucratie. On prend des maîtres d’école. Ils savent bien parler, bien dessiner. Mais qu’ont-ils prouvé dans la pratique ? ».

Aimé par le peuple

Aujourd’hui, lorsqu’il n’est pas invité à l’étranger, Pfaff reste auprès des siens, dans sa villa de Brasschaat qui héberge trois générations : son épouse, ses enfants et ses petits-enfants.  » Ma famille, c’est toute ma vie aujourd’hui « . Il reste immensément populaire :  » Ma série télévisée DePfaffs est suivie par 1,2 million de téléspectateurs sur VTM, uniquement en Flandre. BeTV va la reprendre pour la partie francophone du pays. C’est la preuve que les gens ont encore envie de me voir, dans un cadre tout à fait naturel. Ce côté voyeuriste ne me dérange pas. Je ne fais rien de mal, je mène simplement une vie familiale heureuse. L’estime dont je jouis auprès du peuple me remplit d’aise, car je sais d’où je viens : je suis issu d’une famille modeste de 12 enfants, dont le père est décédé dès l’âge de 51 ans. J’allais à l’école sur un vélo en mauvais état. Et même si, aujourd’hui, je vis dans une belle villa et si je roule dans une belle voiture, je ne renie pas mes origines : c’est grâce au travail que j’ai pu m’offrir ce luxe « .

Daniel Devos

 » Des joueurs affirmés s’étaient mis en tête de SABOTER ENZO SCIFO « 

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