« Toujours mieux jouer ! »

Avant la rencontre face aux Diables, le sélectionneur allemand se confie sur les effets de la Coupe du Monde en Afsud.

L’Allemagne fut la bonne surprise de la Coupe du Monde. Pas seulement parce qu’elle a terminé troisième mais aussi parce qu’elle a pratiqué un football agréable. Le 11 août, la Mannschaft a entamé un nouvel exercice par un nul contre le Danemark (2-2). Et le 3 septembre, c’est face à nos Diables qu’elle débute ses qualifications pour l’Euro 2012, avant de recevoir l’Azerbaïdjan, quatre jours plus tard.

Etes-vous soulagé d’avoir pu faire match nul contre le Danemark avec une équipe composée de bric et de broc ?

Joachim Löw : Non, ce n’est pas le terme exact. D’ailleurs, je n’aurais pas été excessivement déçu en cas de défaite non plus car j’étais bien conscient du fait que nous devions jouer dans des circonstances défavorables. Et puis, ce match a donné l’occasion à quelques joueurs de se mettre en évidence. Il était donc utile.

On a beaucoup parlé de la date. Pensez-vous qu’à l’avenir, il faille encore disputer des matches amicaux d’avant-saison à n’importe quel prix ?

Je pense qu’il faut réfléchir sérieusement à l’élaboration du calendrier. Il y va de l’intérêt des joueurs. C’est leur santé et la longueur de leur carrière qui sont en jeu. Au rythme où les matches se sont succédé ces dernières années, il s’est avéré de plus en plus difficile de produire du jeu de qualité. Et cela ne semble pas devoir s’améliorer.

Que voulez-vous dire ?

Voyez le calendrier de fin de saison. Une semaine après la fin du championnat, il y aura la finale de la Coupe. Puis celle de la Ligue des Champions. Et ce n’est qu’après cela que nous disputerons les matches de qualification pour l’Euro face à l’Autriche et l’Azerbaïdjan. Nous pouvons partir du principe que la majorité des joueurs ne disputera pas les deux finales de coupes. Ce qui veut dire qu’ils vont rester inactifs pendant trois semaines. Que faudra-t-il faire avec eux au cours de cette période ? S’entraîner sans jouer ? Cela illustre bien le fait qu’il faut se pencher sur l’élaboration du calendrier…

Plusieurs joueurs de top niveau n’étaient pas du tout en forme lors de la Coupe du Monde (Messi, Rooney, Kaká…). Est-ce dû à une surcharge de travail ?

L’intensité ne cesse d’augmenter. Un type comme Bastian Schweinsteiger a disputé des grands tournois en 2004, 2005, 2006, 2008 et 2010. Et hormis 2004, il a joué jusqu’au dernier jour. Les internationaux jouent pratiquement tous les trois jours, ils ont à peine le temps de bien s’entraîner. On est en droit de se demander si cela ne porte pas préjudice à leur talent. Or, tous ceux qui s’occupent de football devraient avoir pour mission essentielle de veiller à ce que les joueurs puissent évoluer le plus longtemps possible à leur meilleur niveau.

Sexy football

Sur le plan sportif, quelles leçons avez-vous tirées de la Coupe du Monde ?

Nous présenterons une analyse hyper complète début septembre mais je l’ai déjà faite pour quelques joueurs en particulier.

Pouvez-vous lever un coin du voile ?

L’Allemagne a présenté un football particulièrement beau, à un rythme élevé. Sur le plan technique aussi, c’était bon. C’était attractif, le ballon circulait vite et les reconversions étaient excellentes, tout comme les lignes de course sans ballon de certains joueurs.

A qui pensez-vous ?

Quand nous n’étions pas en possession du ballon, Mesut Özil a accompli un travail remarquable. Ses appels de balle nous ont permis de créer des espaces. Thomas Müller a également été formidable sur ce plan. Cela nous a permis de mettre la pression et d’imposer notre rythme, ce qui était très difficile pour l’adversaire.

Quelle influence auront les prestations de l’équipe allemande sur la Bundesliga ?

C’est difficile à dire, car chaque entraîneur veut conférer sa vision des choses à son équipe. Même s’il est vrai que, ces dernières années, les coaches ont tenté de jouer plus offensivement, de dominer. De plus, et c’est heureux, plusieurs équipes jouent la carte des jeunes joueurs allemands. Evidemment, la bonne prestation de la Mannschaft en Afsud peut être bénéfique aux clubs. Ils ont vendu plus d’abonnements que la saison dernière et les supporters sont enthousiastes. Il n’en va pas de même en France ou en Italie, des pays qui ont raté leur tournoi.

Et vous, quelle est la perspective qui vous réjouit le plus ?

Ce qui rend la Bundesliga plus attractive que les autres championnats, c’est que le rapport de forces entre pratiquement toutes les équipes est très étroit. Cela garantit toujours des matches serrés.

15 des 18 entraîneurs de Bundesliga pensent que le Bayern va reconduire son titre. Est-ce également votre avis ?

Il est le grand favori, d’autant que l’équipe est déjà très homogène. Mais pour jouer sur trois fronts, il faut beaucoup d’endurance et aussi un peu de chance, notamment au niveau des blessures.

Quelles autres équipes vous semblent en mesure de rivaliser ?

Brême pratique un football attractif. Hambourg dispose d’un noyau solide et je pense que Stuttgart, sous la houlette de Christian Gross, peut aller loin. Mais Dortmund et Schalke vont également faire parler d’eux. Leverkusen et Dortmund ont beaucoup d’ambition, tandis que Hoffenheim sera plus fort que la saison dernière. Et puis, comme toujours, il y aura une ou deux surprises.

Qui luttera pour le maintien ?

Tout le monde s’accorde à dire que des clubs comme Fribourg, Sankt-Pauli et Mayence seraient déjà très contents de terminer dans le ventre mou.

L’attrait nouveau de la Bundesliga

Après Van Nistelrooy à Hambourg, c’est Raúl qui a signé à Schalke. Les grands joueurs ont-ils plus d’estime pour la Bundesliga que par le passé, ou attendent-ils simplement d’être trentenaires pour venir y jouer ?

J’opte pour la première hypothèse. C’est une question de qualité. Le football allemand est financièrement solide, les infrastructures sont excellentes et le public suit en masse. Comparée à des pays comme la France ou l’Italie, l’ambiance dans les stades est exceptionnellement bonne. C’est cela qui incite les grands à venir jouer en Allemagne.

Peut-il retrouver un niveau qui lui permette d’espérer jouer à nouveau en équipe nationale ?

Je pense que oui et je le lui souhaite. Pour lui, l’essentiel est d’éviter les blessures pendant une période suffisamment longue. Si c’est le cas, il s’avérera vite indispensable à Schalke.

Michael Ballack est de retour au bercail également. Pensez-vous qu’après sa blessure, il retrouvera facilement le niveau qui était le sien ?

Oui car il s’est quand même imposé dans un grand club comme Chelsea. S’il n’avait pas été blessé, il y serait encore. Sur le plan physique, il est désormais plus costaud. Je suis convaincu qu’il jouera un rôle très important à Leverkusen.

Son style de jeu convient-il encore à l’équipe nationale ?

Mais bien sûr. Cela ne fait pas le moindre doute. Avant sa blessure, il était l’un des piliers de l’équipe. Il n’a jamais freiné notre jeu, au contraire : il a toujours livré de grands matches. Si je ne l’ai pas sélectionné cette fois-ci, c’est parce qu’il est à court de compétition.

Histoire de mettre un terme à toutes les suppositions, vous devriez pouvoir dire clairement qu’il reste votre capitaine. Pourquoi hésitez-vous à le faire ?

Parce que ce n’est pas moi qui ai commencé à parler de cela et parce que je ne me laisse pas influencer ou mettre sous pression. Je n’hésite d’ailleurs pas, je sais ce que j’ai à faire. Philipp Lahm et Michael Ballack ont donné leur avis sur la question et il est bon qu’ils l’aient fait ouvertement. Lorsque l’heure viendra, je pourrai en discuter avec eux et donner ma façon de penser. C’est tout.

La discussion est quand même née du fait que les règles que vous aviez édictées en Afrique du Sud, avec Lahm pour capitaine, ne peuvent plus être d’application maintenant.

C’est de la spéculation médiatique. Je n’ai jamais parlé de cela. Ce n’est pas parce que les médias font tout un foin d’un sujet que je dois les suivre. L’expérience m’a appris que je ne devais pas me faire trop de souci à cet égard. J’ai déjà pris des décisions claires à divers sujets et je sais lorsque je dois les rendre publiques. Qu’il s’agisse de la question du capitaine ou de celle du gardien, je le dirai lorsque j’estimerai que l’heure est venue.

Parlons donc d’autre chose. Au cours des deux dernières saisons, vous avez construit une nouvelle équipe, abaissé la moyenne d’âge et opté pour un nouveau style de jeu. Quelles missions importantes vous fixez-vous pour les deux prochaines années ?

Nous voulons continuer à essayer d’intégrer des jeunes en vue du prochain grand tournoi. Tout en sachant que ceux qui se sont illustrés en Afrique du Sud ne sont pas encore tout à fait mûrs. Nous voulons également pratiquer un meilleur football encore mais ce n’est jamais facile en phase de qualification car on ne s’entraîne pas suffisamment ensemble.

Entre-temps, l’équipe nationale des U21 a galvaudé ses chances de participation au prochain Championnat d’Europe et aux Jeux Olympiques. Comment expliquez-vous cela ?

C’est une grosse déception mais il ne faut pas oublier qu’au cours des derniers mois, l’équipe des U21 a perdu pas mal de joueurs qui ont été intégrés chez les A. Les autres ont placé la barre plus haut mais on a bien vu lors du match en Islande qu’ils n’étaient pas encore aussi bons qu’ils le pensaient. Tout le monde ne peut pas progresser aussi vite qu’Özil, Toni Kroos ou Jerome Boateng. Certains ont besoin de plus de stabilité pour atteindre le niveau international.

Est-ce un problème de joueurs ou d’entraîneur ?

Gagner avec des équipes d’âge, c’est bien mais il ne faut pas oublier que la tâche principale d’un entraîneur de jeunes, c’est d’en faire des joueurs capables d’arriver en équipe A, de les préparer aux grandes tâches.

par olivier hartmann, esm photos: reporters

Nous continuerons à essayer d’intégrer des jeunes bien que ceux qui se sont illustrés en Afsud ne sont pas encore mûrs.

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