» Toujours le risque qu’il explose, de joie ou de colère « 

Comment faut-il interpréter la nervosité et les dérapages du coach mauve ? Témoignages.

« Cet arbitre est un scandale, il baise le championnat  » : cette phrase culte lâchée après la défaite d’Anderlecht à Zulte Waregem va poursuivre encore longtemps John van den Brom, malgré les excuses exprimées entre-temps. Où est le coach sympa et relax découvert par le public belge entre août et décembre ? Où se terre l’entraîneur qui avait transformé le Sporting en une machine à gagner ? Disparu. Passé dans le camp des aigris, des agressifs, des gars bouffés par le stress et la peur d’être champion. Les Hollandais qui le connaissent (voir encadré) sont-ils surpris par sa métamorphose ?

Dérapages verbaux

JohanDerksen, grande gueule du journalisme néerlandais (c’est lui qui avait traité MichelPreud’homme d’idiot du village), condamne le comportement du coach mauve à Waregem :  » Il n’a pas été capable de ravaler sa déception, ça prouve qu’il n’est pas adulte. Quand on est dans le foot, on doit accepter de perdre certains jours. Parfois, ce sport est injuste mais il faut faire avec, ça fait partie du métier. Pour être un grand coach, tu dois avoir une forte personnalité, dans les bons et dans les mauvais moments. A Anderlecht, je vois un Van den Brom qui se comporte plutôt comme un enfant gâté.  » Jan-Hermen de Bruijn ironise :  » Une amende de 300 euros suite à ses déclarations ? N’importe quoi ! Vu le salaire royal qu’il touche à Anderlecht, ça ne doit représenter que trois quarts d’heure de boulot. Des dérapages pareils chez lui, ça fait longtemps que ça ne nous étonne plus.  » Il rappelle une scène qui avait provoqué un tollé aux Pays-Bas : après une victoire d’ADO La Haye contre l’Ajax, Van den Brom était monté sur le bar de la salle des joueurs et avait entonné une chanson orientée contre les juifs.  » Van den Brom qui attaque les arbitres… ça n’a rien de nouveau « , lance JanLeerkes.  » C’est d’abord dû à son caractère ouvert. Il dit tout ce qu’il pense, que ce soit positif ou négatif, il ne fait pas de politique. Il n’a pas peur de choquer.  »

 » C’est un handicap pour les gens natures « , pense DanielEvrard.  » Il ne fait pas semblant. Quand il dit qu’un arbitre a baisé le championnat, au moment même, il le pense. Aux Pays-Bas, la même phrase serait passée sans problème. Dans d’autres pays aussi. Prenez José Mourinho… Quand il était au Bayern, GiovanniTrapattoni a aussi fait quelques dérapages. Mais ça a toujours été accepté. Ces entraîneurs sont des pharaons, notamment grâce à leur personnalité énorme. Et quelqu’un qui a une forte personnalité se laisse en général facilement aller, sans calculer. Le politiquement correct, ce n’est pas pour eux. Et sur le fond… Pendant des années, on a quand même entendu au Standard que beaucoup de défaites étaient dues aux arbitres !  »  » Il ne supporte pas l’injustice « , témoigne Ted van Leeuwen.  » Quand il a l’impression qu’il y a eu des décisions injustes, il a besoin d’une demi-heure ou trois quarts d’heure, après un match, pour retrouver le contrôle de ses émotions.  »

Résistance au stress

Le T1 mauve a réussi son premier test vraiment stressant : les matches éliminatoires contre Limassol. Une fois la qualification acquise, il a complètement explosé sur la pelouse. Manque de self-control dans les moments chauds ? Daniel Evrard :  » Aux Pays-Bas, ce n’est pas rare de voir des scènes pareilles mais on n’en fait pas un plat. Il vit toutes les situations délicates à 100 % et il y a toujours le risque qu’il explose, de joie ou de colère.  »

DmitryBulykin n’est pas surpris par la nervosité de son ancien entraîneur.  » Il vise toujours le haut niveau, il veut tout, alors quand ça ne tourne pas comme il le souhaite, il s’énerve. Je connais Anderlecht et je comprends ce qu’il ressent. Là-bas, la pression est infernale. Elle vient de la direction, des supporters, des médias. On la ressent chaque jour, on vit avec l’obsession d’être le numéro 1. Si tu as gagné difficilement, on te fait remarquer que tu aurais dû mettre trois ou quatre buts. C’est parfois compliqué à gérer. Comme Van den Brom, je suis passé par l’Ajax : on y observe le même phénomène. La différence, c’est qu’à Amsterdam, il a été d’abord joueur, ensuite entraîneur de jeunes. Ce ne sont pas ces métiers-là qui prennent le maximum de stress : c’est le coach de l’équipe Première qui encaisse. A La Haye, la pression n’était pas insupportable. Malgré cela, je l’ai vu s’énerver plus d’une fois.  »

David Endt :  » De l’extérieur, quand on voit la situation actuelle à Anderlecht, on peut se demander si John van den Brom gère bien le stress.  »  » Aux Pays-Bas, il n’a jamais été vraiment confronté à la pression « , signale Jan-Hermen de Bruijn.  » Aujourd’hui, il est à bonne école, il découvre que le quotidien chez un candidat au titre est différent. Et il a du mal.  » Daniel Evrard tempère :  » Pas de pression en Hollande ? Ça reste à prouver. Les Géorgiens qui contrôlent Vitesse et en ont fait un sous-club de Chelsea, ils savent aussi la mettre ! Ce n’est pas la pression d’un titre mais c’est compliqué quand même. Et Van den Brom n’a eu aucun problème avec ça.  » Ted van Leeuwen :  » Devoir gagner, il a appris ça quand il était à l’Ajax. Ces gens-là se mettent eux-mêmes du stress, de la pression.  »

Surprotection du groupe

Lucas Biglia, Dieumerci Mbokani, Milan Jovanovic : ils pourraient témoigner que Van den Brom tolère l’un ou l’autre écart de conduite ! Il est habitué à protéger (surprotéger ?) ses joueurs en public. Migraines, retours tardifs, exclusions ridicules… tout passe ?  » On peut se tromper si on le juge là-dessus « , dit NacerChadli.  » En Hollande aussi, il couvrait les joueurs qui avaient commis une erreur. Mais dans le vestiaire, il ne se prive pas de les remettre à leur place. Il peut être très dur. Mais il insiste pour que ça reste de la cuisine interne. Vers l’extérieur, il minimise tout. Il faut croire que c’est la bonne méthode, quand on voit à quel point le vestiaire d’Anderlecht reste calme après tous les incidents qu’on a vus cette saison !  »

Jan-Hermen de Bruijn :  » Il est super pour mettre de l’ambiance, mais à La Haye, on a aussi vu qu’il était nonchalant au niveau de la discipline. Dans sa tête, il est peut-être encore un peu trop joueur. On ne devient vraiment entraîneur que quand on a pris des coups, quand on a attrapé des cheveux gris à causes des contretemps. Il n’avait pas encore été vraiment testé avant d’aller à Anderlecht.  »

 » J’en reviens aux pharaons… « , poursuit Daniel Evrard.  » Que font Wenger et Mourinho avec les joueurs qui dérapent ? Ils ne les pendent pas en public. Il fallait aussi voir OttmarHitzfeld au Bayern quand il y avait plein de problèmes : il restait zen. Ces entraîneurs comprennent que ça ne sert à rien de jeter des footballeurs en pâture. Quand il y a un problème, Van den Brom fait contrepoids, lui aussi. Il sait que de nombreux footballeurs ne sont pas armés face à une médiatisation soudaine, qu’ils ont plus besoin d’aide que de critiques quand ils ont commis une erreur. Au bout du compte, tout le monde y gagne.  »

Arrogance

Arrogant, le T1 mauve ? Tous nos témoins ne le pensent pas.  » Sa réaction après le match à Waregem était arrogante, mais lui-même ne l’est pas « , tranche David Endt.  » Si Van den Brom est arrogant, il y a beaucoup d’arrogants dans le foot… « , confirme Bulykin.  » Il suffit de voir l’excellente relation qu’il entretient avec ses joueurs. Il ne les prend jamais de haut.  » Leerkes :  » Il est sûr de lui, pas arrogant. La différence n’est pas énorme, mais il n’est pas dans l’excès. Trancher certains problèmes de façon spectaculaire, est-ce de l’arrogance ? Il est quand même là pour prendre les décisions sportives les plus importantes, c’est lui qui payera s’il se trompe. Alors, parfois, il refuse les demi-portions, les mesurettes.  » Evrard :  » Il n’est pas dans le moule hollandais. Se croire plus fort et plus malin que tout le monde, ce n’est pas son truc. Ce n’est pas un fanfaron.  »

Pour Jan-Hermen de Bruijn, ça ne fait pas un pli, l’excès est bien là :  » Bien sûr qu’il est arrogant, très sûr de lui. Ce sont des restes de ses passages à l’Ajax, où ils ont inventé le football… Le grand bluff amstellodamois !  »

Président

Daniel Evrard a rencontré le coach d’Anderlecht juste après la sortie du Sport/Foot Magazine qui titrait Van den Brom président.  » Il n’était pas content « , avoue-t-il.  » Mais, surtout, il était gêné. Il trouve anormal d’être qualifié comme ça alors que c’est sa première année dans ce club. Pour lui, ce titre est irrespectueux vis-à-vis de personnes bien plus importantes au Sporting, et vis-à-vis de Roger Vanden Stock.  »

Ce reportage détaillait l’importance immense que le Hollandais avais prise en quelques mois, à tous les niveaux de décision. Chadli se souvient que  » Van den Brom réclamait sans arrêt plein de choses à AGOVV. Avec le staff et la direction, il était extrêmement exigeant. Il voulait toujours avoir le meilleur encadrement possible. Il savait que tout ce qu’il demandait n’était pas réalisable, vu que c’était un petit club, mais il essayait quand même. Et quand il repérait un bon joueur, il faisait tout pour l’obtenir.  »

 » Quand il veut quelque chose, il part du principe que tout le monde va le suivre « , dit Jan-Hermen de Bruijn.  » Le médecin et le préparateur physique d’Anderlecht ont sauté : ça illustre très bien le personnage. Aux Pays-Bas aussi, il avait cette réputation. Si on refuse de marcher sur ses traces, on dégage. Dans son organisation et son travail, il ne supporte pas les gens qui le contredisent.  »

Opportunisme

David Endt rappelle les départs chahutés de Van den Brom :  » Il s’était engagé à rester à La Haye. Mais son discours a changé quand il a reçu une offre de Vitesse Arnhem. Il a alors joué sur la corde sensible, parlé d’un amour de jeunesse en évoquant ce club où il avait joué. Il a dit qu’une partie de son coeur était toujours restée là-bas. Et il est parti. Les Hollandais y ont plus vu de l’opportunisme pur et dur qu’un amour de jeunesse. Il a refait le coup quand Anderlecht l’a contacté : il a plaqué Vitesse. Encore cet opportunisme.  » Jan-Hermen de Bruijn parle sur le même ton :  » Van den Brom est un type jovial mais il ne pense qu’à lui. Il avait affirmé qu’ADO La Haye était le club de sa vie, mais dès qu’il a trouvé mieux ailleurs, il a oublié ses beaux discours, oublié aussi que c’est ADO qui lui avait permis de se révéler comme coach. Il avait qualifié l’équipe pour l’Europe à la surprise générale, puis il s’est contenté d’envoyer un SMS à son staff et ses joueurs pour leur expliquer son départ. C’est un opportuniste. Un égoïste.  »

Prêt pour le top ?

 » Van den Brom est un grand entraîneur autoproclamé « , estime Johan Derksen.  » Tout allait bien pour lui à La Haye, mais quand il s’est retrouvé dans un contexte plus compliqué, à Vitesse, ça n’a plus aussi bien marché. Il s’est frité avec le président géorgien, qui voulait apparemment intervenir dans la composition de l’équipe. Mais bon, le personnage qui met tout l’argent dans le club a aussi le droit de s’exprimer, il faut l’accepter. En ayant à l’occasion des comportements très ordinaires, Van den Brom prouve qu’il n’est pas encore prêt pour travailler dans un grand club.  »

David Endt est  » persuadé qu’il peut entraîner au top. Maintenant, de là à dire qu’il est déjà prêt ? Quand il a signé à Anderlecht, la traditionnelle arrogance nationale a joué dans une partie de la population, des gens estimaient qu’il pouvait s’imposer directement là-bas, ils n’avaient pas l’impression que c’était une équipe du top. Pour eux, ce n’était jamais qu’une simple équipe belge… Mais ceux qui connaissent la spécificité de ce club étaient plutôt sceptiques sur ses chances. Anderlecht est quand même spécial et difficile. Beaucoup de Hollandais qui savent ça et connaissent Van den Brom pensaient qu’il n’était pas mûr. « 

PAR PIERRE DANVOYE ET FRÉDÉRIC VANHEULE

 » Son arrogance vient de ses passages à l’Ajax, où on a inventé le football.  »

 » Attaquer les arbitres, c’est pas nouveau chez lui.  »

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