Toujours a vendre

Comment font les agents du joueur pour le changer et le replacer dans des clubs tous les ans ?

Avec 12 buts depuis l’été 2004, Cédric Roussel (30 ans en janvier) présente des stats qui font mauvais genre pour un ex-meilleur buteur du championnat. Pendant ces trois ans et demi, il a pourtant multiplié les transferts et les bonnes opérations financières et/ou sportives. Derrière ces déménagements, deux agents FIFA : Nenad Petrovic et Daniel Striani. Leurs arguments pour vendre les services d’un goleador en panne ?  » Son profil est tellement rare et précieux qu’il est fort recherché « , lance Striani.  » C’est un vrai pivot et un gars capable de faire des dégâts si on l’alimente bien. S’il décide de quitter Mons, nous le recasons en quelques heures dans un bon club. Des équipes de D2 anglaise, des clubs écossais et scandinaves font déjà la file. Je passe un coup de téléphone et il repart. Quand il était dans le trou au Standard, les Norvégiens de Mölde lui ont proposé 20.000 euros nets par mois. Au même moment, Ipswich Town était aussi fortement intéressé « .

Mai 2003, de Mons à Genk

En 2002-2003, Roussel a explosé avec Mons. Il a terminé meilleur buteur de D1 (22 buts), à égalité avec Wesley Sonck (Genk). Mais il était prêté par Wolverhampton, où il ne veut pas retourner.

 » En fin de saison, Cédric m’a confié qu’il était malheureux à l’idée de repartir en Angleterre « , raconte Petrovic.  » Pour lui, c’était inacceptable. Il se plaignait que son agent, Roger Henrotay, ne faisait rien pour lui. Il ne voyait rien venir, à part un test à Strasbourg. Il m’a demandé de lui trouver une solution. Genk devait se dégoter un nouveau buteur après les départs de Sonck à l’Ajax et Moumouni Dagano à Guingamp. Mais il fallait trouver un arrangement avec les Anglais et le sketch a duré un mois. Wolverhampton a obligé Cédric à se présenter à la reprise des entraînements et l’a mis avec les jeunes. L’entraîneur du noyau pro, Dave Jones, n’allait jamais le reprendre : quelques mois plus tôt, Cédric l’avait pendu à un porte-manteau. Quand Cédric s’est retrouvé avec les gamins, Maître Jean-Louis Dupont s’est mis sur le coup avec nous. Notre raisonnement : -Vous privez d’équipe Première un international belge qui vient de finir meilleur buteur de son championnat, c’est intolérable et nous allons demander à la FIFA d’intervenir. Maître Dupont a fait jouer la juste cause sportive. Les Anglais ont alors accepté de discuter avec Genk, qui a déboursé environ un million. Cédric a signé pour quatre ans à des conditions plus qu’acceptables. Il touchait beaucoup moins qu’en Angleterre mais devenait un des joueurs les mieux payés de Genk. Il avait moins qu’une star d’Anderlecht mais plus qu’une vedette du Standard « .

Août 2004, de Genk à Kazan

Roussel a fait une bonne saison avec Genk et Sef Vergoossen : 31 matches, 14 buts. Il a terminé meilleur buteur du club, devant Kevin Vandenbergh (11). Mais sa donne change pendant l’été 2004.

 » Genk a engagé le fossoyeur du football belge, René Vandereycken « , affirme Petrovic.  » Cédric est devenu troisième ou quatrième attaquant. Paul Courant et Dirk Degraen, qui avaient des contacts en Russie, nous ont alors signalé qu’il y avait une opportunité pour Cédric à Kazan. Pour la direction de Genk, il y avait une bonne affaire en vue. Elle pouvait récupérer son investissement en se débarrassant d’un joueur qui n’allait de toute façon pas jouer. Kazan lui offrait le million qu’elle avait payé à Wolverhampton. Les Russes et les patrons de Genk ont vite fait le forcing : Cédric devait signer tout de suite. Mais nous voulions aller voir sur place « .

La course contre la montre commence.  » Via un gros industriel russe, nous avons obtenu des visas en quelques heures alors qu’il faut normalement une éternité « , se souvient Striani.  » Les dirigeants de Kazan considéraient Cédric comme leur futur Christian Vieri. Sur place, il a vite dit que la ville et le club ne l’attiraient pas. Pour décourager les Russes, nous avons avancé des chiffres fous, cela valait ce que gagnaient les meilleurs joueurs en Belgique. Nous étions sûrs qu’ils allaient refuser et nous avons directement averti Jos Vaessen que le marché ne pourrait pas se faire. Pour lui, c’était une catastrophe. Mais à notre grande surprise, les Russes ont accepté nos chiffres. J’ai conseillé à Cédric d’accepter : s’il restait trois ans et demi à Kazan, il mettait définitivement sa famille à l’abri « .

Janvier 2005, de Kazan au Standard

Sportivement et humainement, l’expérience russe de Roussel est chaotique. Il se met vite en tête de rentrer en Belgique, dès le mercato de janvier 2005.

 » Le Standard était intéressé par une location, mais à ses conditions « , raconte Striani. Luciano D’Onofrio a été clair : -On donne autant, pas un euro de plus. Il était dans un fauteuil : Cédric et les Russes avaient un gros problème, pas le Standard. Le président de Kazan n’était pas près de ses sous parce qu’il en avait plein les poches, mais il en faisait une question de principe. Il estimait qu’il avait été roulé sur la marchandise. Il avait déboursé un million, de gros salaires et des commissions d’agents pour un joueur qui ne lui avait rien apporté « .

Petrovic se met sur le coup :  » J’ai harcelé les Russes. Je suis allé les attendre à leur descente d’avion à Paris, je les ai suivis en stage à Chypre puis en Turquie. J’ai passé trois journées complètes dans le lobby d’un hôtel turc pour les voir quelques minutes de temps en temps. A chaque fois, c’était une réponse catégorique : -Non. Finalement, je leur ai dit : -Au revoir, mon avion part dans deux heures. Cédric va venir vous retrouver en stage, mais si vous lui faites faire des tours de terrain, on cassera son contrat à vos torts. Ils avaient essayé de jouer la montre mais ont compris que tout allait capoter. Et là, en une demi-heure, tout était réglé. Le Standard a obtenu une location de 18 mois, avec option d’achat, pour un tout petit prix. Et Cédric a fait des concessions financières terribles « .

Roussel joue un bon deuxième tour à Sclessin : 10 matches, 6 buts. Stoke City et son entraîneur Johan Boskamp (ex-coach de Roussel à Gand) viennent aux nouvelles.  » Le Standard voulait faire un prêt sur prêt. Si Cédric explosait en Angleterre, les Liégeois levaient l’option d’achat et le revendaient directement à Stoke. Ils pouvaient faire une affaire en or. Cédric a commis l’erreur de refuser le deal. Il avait envie de se fixer. Stoke a alors pris Sambegou Bangoura « .

Roussel a signé son arrêt de mort chez les Rouches. Bilan de sa saison 2005-2006 à Liège : 5 matches, pas un seul but.  » En haut lieu, on lui a fait payer son refus d’aller à Stoke « , certifie Petrovic.  » Quand vous avez une pénurie d’attaquants et que vous mettez Christian Negouai au centre-avant alors que vous avez sous la main un Roussel à 100 %, ça veut dire que vous avez certains comptes à régler « .

Juin 2006, du Standard à Zulte Waregem

Le contrat de location par le Standard a expiré et le club ne lève pas l’option. Les agents proposent Roussel à Zulte Waregem mais le joueur est toujours sous contrat en Russie.

 » Francky Dury le voulait « , dit Striani.  » Il restait à trouver un arrangement avec les Russes. Je suis allé les voir en Suisse, où ils étaient en stage. Ils m’ont fait comprendre que la plaisanterie avait assez duré et qu’ils ne seraient pas gourmands avec Zulte, qui n’a dû payer qu’une somme de transfert symbolique. Le dossier Roussel avait fini par les fatiguer. En touchant un petit montant de transfert, ils ne perdaient pas complètement la face. Et surtout, ils économisaient un gros salaire « .

A Zulte Waregem, Roussel touche plus ou moins le même salaire qu’au Standard et il signe pour deux ans + une saison en option. Ses débuts sont difficiles : une commotion cérébrale suivie d’une autre petite blessure. Mais dès qu’il s’installe dans l’équipe, il retrouve ses sensations de buteur.

Janvier 2007, de Zulte Waregem à Brescia

 » Quand il était sur une voie de garage au Standard, j’avais conseillé à Brescia de venir le visionner « , raconte Striani.  » Les Italiens s’étaient déplacés mais n’avaient vu que des matches de Réserve. Ils sont revenus visionner Cédric avec Zulte, notamment en Coupe de l’UEFA contre le Sparta Prague et l’Ajax. Ils étaient chauds. J’ai expliqué à Cédric que ce serait bien pour lui de tenter une expérience dans un bon club de D2 italienne après avoir connu le top belge et l’Angleterre, après avoir été le premier joueur belge en Russie, après avoir porté le maillot de l’équipe nationale, après avoir terminé meilleur buteur du championnat de Belgique. La Série B, c’était une belle ligne en plus sur sa carte de visite « .

Zulte le laisse partir en récupérant largement son petit investissement. Roussel signe pour deux ans et demi.  » Un très bon contrat, au niveau du top belge. Et ce serait devenu carrément exceptionnel en cas de montée en Série A « , dit Striani.  » Mais il a débarqué au plus mauvais moment. Un policier a été tué à Catane, on a joué dans des stades interdits au public, son équipe ne tournait pas et il y avait des bagarres aux entraînements. Pour ses débuts, ce n’était pas du tout le Calcio qu’il s’était imaginé. Et Mario Somma, l’entraîneur qui l’avait voulu, est parti quelques semaines plus tard. Il a été remplacé par Serse Cosmi, Dr Jekyll et Mr Hyde. Pour lui, tout était clair : -Je ne connais pas Roussel et il ne jouera pas. Qu’il dégage ! A côté de ce type, Vandereycken est un poète « .

Août 2007, de Brescia à Mons

Durant l’été 2007, Brescia informe Striani que Roussel doit quitter le club. Le joueur part en test à Dundee United.  » L’entraîneur écossais est devenu fou de lui après le premier entraînement « , avance l’agent.  » C’est Gordon Strachan, entraîneur de Coventry à l’époque où Cédric y jouait, qui lui avait recommandé de le faire venir. Cédric se préparait à signer pour 10 mois à Dundee et il aurait touché un bon gros salaire. Mais juste avant la signature, Dominique Leone m’appelle : -Dis à Cédric que je le veux à Mons. Son c£ur a parlé : l’aspect extra-sportif, avec la possibilité de rejouer dans sa région, a pesé plus lourd que le côté financier. A Mons, il gagne plus ou moins la même chose qu’au Standard et à Zulte. Le fait de pouvoir signer pour trois ans a aussi joué « .

Janvier 2007, départ de Mons ?

Le premier bilan montois de Roussel n’est pas bon. Il n’a toujours marqué qu’un seul but.  » Il n’est pas heureux « , avoue Striani.  » Mons ne joue pas en fonction de lui, c’est son gros problème. Il avait fait fureur avec ce club en 2002-2003 parce qu’il évoluait en pointe et se faisait alimenter par des ailiers. Pour le moment, il est condamné à décrocher et à créer des brèches : vu le style de jeu, il ne peut rien faire d’autre. Et ce n’est pas à 30 ans qu’il va changer sa façon de jouer. On constate aujourd’hui que Cédric était un transfert du président, pas de l’entraîneur. Mais José Riga est très correct avec lui et leurs relations sont excellentes « .

Le destin de Roussel va-t-il à nouveau basculer dans quelques semaines ?  » Un départ n’est pas exclu. Il réfléchit. Quand il voit que Dundee fait un super championnat, il a des regrets de ne pas avoir signé là-bas. S’il part en janvier, ce sera en tout cas pour l’étranger car il a l’impression d’être grillé en Belgique. Il ressent comme une motion de défiance. S’il s’en va à nouveau, il sera bien plus libéré qu’aujourd’hui et il pourra se refaire plaisir « .

par pierre danvoye

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