TOUJOURS À FOND

Le défenseur, qui sera sans doute rétabli juste à temps pour affronter son ancien club anderlechtois, se livre.

Voilà un an et demi, déjà, qu’Olivier Doll (32 ans) a quitté Anderlecht. Un club où il a passé dix années. La saison dernière, pour le match à Daknam, il avait dû déclarer forfait en raison d’une blessure. Cette fois, il sera sans doute rétabli juste à temps de sa déchirure au mollet. Le défenseur d’Eben-Emael est philosophe lorsqu’il se remémore tous les petits contretemps qui ont marqué sa carrière.

Lokeren en trois mots, c’est ?

Lambrechts, ambition, relance.

Anderlecht en trois mots, c’est ?

Prestige, résultats, souvenirs.

Ton état d’esprit en ce moment ?

J’essaie de profiter au maximum des deux ou trois années qu’il me reste à jouer au plus haut niveau, et de prendre du plaisir à chaque instant, comme je l’ai toujours fait, mais sans doute davantage encore aujourd’hui qu’autrefois. Parfois, lorsqu’il y a des contraintes ou des blessures, l’aspect amusement passe au second plan, mais je préfère retenir les bons moments.

Comment te définirais-tu en tant que footballeur ?

Comme un défenseur intransigeant, qui ne se laisse pas faire. Rugueux, sans aucun doute, mais certainement pas vicieux.

Ta principale faiblesse ?

J’aurais peut-être, à certains moments, dû oser davantage. Sortir un peu du cadre strictement défensif mais je peux aussi considérer ce manque d’audace comme une qualité : j’étais conscient de mes lacunes et je n’essayais pas de faire ce dont je ne m’estimais pas capable.

 » Une meilleure aisance technique aurait pu m’aider  »

La qualité que tu aimerais ajouter à ton jeu ?

L’aisance technique. Cela aurait pu m’aider pour me sortir de situations embarrassantes. Pourtant, j’ai suivi toute la filière de l’école de jeunes de Seraing, sous la direction de Francis Nicolay. On ne compte plus les bons joueurs qui en sont sortis : Pascal Renier, Manu Godfroid, Michaël Goossens, Axel Lawarée, Fiorenzo Serchia et j’en oublie. En outre, on s’entraînait sur des terrains en cendrée qui favorisaient le développement des gestes techniques. L’accent, d’ailleurs, était souvent mis là-dessus. Tout peut se travailler, mais certains joueurs ont plus d’aptitudes que d’autres dans certains domaines. Toutefois, je ne pense pas que cette lacune technique m’ait spécialement handicapé. L’important est d’adapter son jeu. Cela ne m’a jamais dérangé de donner le ballon à dix mètres vers un partenaire qui avait une meilleure lecture du jeu, plus de qualités offensives, etc. Je considère toujours comme un avantage d’avoir, à mes côtés, des partenaires plus doués dans certains domaines. Car il faut de tout pour former une bonne équipe.

La plus méchante faute que tu as commise ?

Des fautes, j’en ai commises, jamais avec l’intention de blesser. J’ai toujours essayé de jouer proprement mais cela arrive à tout défenseur d’arriver un rien trop tard parce que l’attaquant a poussé le ballon au dernier moment et de prendre le joueur au lieu du ballon. Il m’est aussi arrivé de jouer à la limite parce qu’un joueur me provoquait et que je devais lui montrer que je n’avais pas l’intention de me laisser faire. Je n’ai jamais blessé personne, si ce n’est mon ami Axel Lawarée, dont j’ai cassé le nez de manière tout à fait involontaire sur un corner lors d’un Standard-Anderlecht !

La blessure qui t’a le plus ennuyé ?

J’ai souvent été victime de blessures musculaires. Je me souviens d’un match amical en Grèce, avant la Coupe du Monde 2002, auquel j’ai dû renoncer parce que j’avais été blessé trois jours plus tôt. Si j’avais joué, et si j’avais livré une bonne prestation, j’aurais eu de fortes chances d’être retenu pour le Japon. Ces aléas font partie du football et vous ne m’entendrez jamais me lamenter à ce sujet. Je n’ai jamais eu la chance de participer à une Coupe du Monde, mais je ne nourris aucun regret. J’ai eu d’autres satisfactions. Et, de toute façon, c’est le passé. Je préfère regarder devant.

 » Johan Boskamp était droit et juste, c’est ce que j’appréciais  »

Ton entraîneur préféré ?

Johan Boskamp. Il était droit et juste. Lorsqu’il avait quelque chose à dire, il le faisait en face. Il pouvait vous accrocher au portemanteau s’il était fâché, mais s’il constatait que vous vous remettiez en question, il vous pardonnait tout deux jours plus tard. Je me souviens d’un match amical au Panathinaikos. On avait été battus 5-0 et j’avais joué la deuxième mi-temps, durant laquelle on avait encaissé quatre buts. Au retour aux vestiaires, j’avais eu la malchance de me retrouver en face de lui. Il était fâché sur tout le monde, mais comme j’étais en première ligne, j’ai tout pris. Il a failli m’enfermer dans une malle. Avec le recul, je garde un très bon souvenir de lui.

Ton stade préféré ?

En Europe, le stade Santiago Bernabeu. En Belgique, le stade Constant Vanden Stock d’un point de vue architectural et Sclessin pour l’ambiance. J’ai toujours adoré jouer à Sclessin. C’est toujours très chaud et les gens réagissent à chaque action. J’adore les ambiances enfiévrées, même lorsqu’elles sont hostiles, ce qui était souvent le cas lorsque je me rendais en bord de Meuse avec Anderlecht. Au lieu de m’effrayer, cela me motivait.

Celui où tu n’as jamais aimé jouer ?

Le stade Jan Breydel à Bruges. Que ce soit face au Club ou face au Cercle. En règle générale : je n’ai jamais aimé jouer le dimanche à 15 heures. Ma dernière expérience en la matière date d’il y a un peu plus d’un mois, à Roulers. On a été battus 4-0 ! Heureusement, avec l’apparition de Belgacom TV, c’en est terminé et c’est tant mieux. Pour moi, le football doit se jouer en nocturne.

Si tu devenais le nouveau président de l’Union Belge, que changerais-tu ?

J’essaierais de miser sur les centres de formation car on est en retard dans ce domaine. Mais il faut se rendre compte que la Belgique n’a pas autant de moyens que les pays limitrophes. Que ce soit l’Angleterre, l’Allemagne, la France ou même les Pays-Bas. Je suis parfois abasourdi en constatant les magnifiques infrastructures dont disposent des clubs hollandais de bas de classement, voire de D2.

 » Non à la vidéo, sauf pour sanctionner après coup  »

Les qualités que tu admires chez les Islandais ?

Chez Runar Kristinsson et Arnar Gretarsson, j’admire leur vista et leur aisance technique. Ce sont des joueurs très doués à la base. Chez Arnar Vidarsson, j’admire sa faculté à travailler inlassablement pendant 90 minutes. Il est le capitaine de l’équipe et n’hésite jamais à motiver ses troupes. Le quatrième Islandais, Marel Baldvinsson, est rentré au pays.

Les qualités que tu admires chez les Africains ?

La fraîcheur, la faculté d’improvisation. Il leur arrive de se trouver dans une situation compliquée et ils arrivent à s’en sortir d’une façon à laquelle la majorité des joueurs n’aurait même pas pensé. En prenant, parfois, plus de risques que ce qu’un entraîneur a tendance à autoriser, mais c’est aussi ce qui fait leur charme.

Ce que tu apprécies le plus chez un entraîneur ?

La franchise. Cela ne me pose pas de problème si on m’annonce que je ne joue pas, pour telle ou telle raison. Je préfère qu’on me le dise clairement au lieu de chercher des faux prétextes. Un entraîneur doit aussi avoir de bons rapports avec son groupe autrement ça n’ira jamais. Mais le métier d’entraîneur est ingrat, car on juge quasi exclusivement sur les résultats. Il y a de très bons entraîneurs qui n’ont pas la chance avec eux et n’obtiennent pas de résultats. Et, à l’inverse, des entraîneurs un peu moins bons qui en obtiennent et qui sont portés aux nues alors qu’ils n’ont que peu de mérites.

Les erreurs que tu pardonnes le plus volontiers chez un arbitre ?

Se tromper, c’est humain. A un moment de ma carrière, j’ai pris beaucoup de cartons, mais jamais pour rouspétance car j’ai toujours respecté la décision de l’homme en noir. Si être battu sur une erreur d’arbitrage engendre une énorme frustration, il faut pouvoir l’accepter. Un arbitre peut être excellent pendant 89 minutes et commettre une erreur qui engendre de lourdes conséquences tout comme un gardien peut aussi sauver cinq buts tout faits puis laisser filer un ballon entre les jambes. Je suis opposé au recours à la vidéo, sauf dans un cas : lorsqu’il s’agit de sanctionner, après coup, un joueur pour un mauvais geste qui aurait échappé à l’arbitre. Ce serait inconcevable d’arrêter le jeu toutes les trois minutes pour décider s’il y avait hors-jeu ou pas, ou si une faute a été commise dans ou en dehors du rectangle.

 » Mes vrais amis sont extérieurs au football  »

Les fautes que tu pardonnes le plus volontiers chez un adversaire ?

Les fautes font partie du jeu. Le football est un sport de contacts, on ne doit pas l’oublier, et ces contacts doivent être tolérés à partir du moment où le match se déroule dans un bon esprit et où l’on ne cherche pas à blesser. Certains voudraient appliquer au football les règles du mini-foot, en abolissant tout contact. Pas d’accord : ce serait un autre sport.

Les personnages qui t’énervent dans le football belge ?

Les attaquants de petite taille trop rapides pour moi. Style Joris Detollenaere, autrefois. Celui-là, il m’a parfois trimballé aux quatre coins du terrain. J’essayais toujours de courir derrière lui, mais sans parvenir à l’attraper. C’est marrant, parce que ce n’est pas le joueur qui a le plus marqué l’histoire du football belge, mais quand Harelbeke était au programme, je savais que je ne devais pas m’attendre à une partie de plaisir.

Des amis dans le football ?

Ils évoluent en fonction du club où l’on joue. On trouve toujours des gens avec lesquels on s’entend bien. Et lorsqu’on quitte le club en question, on se promet mutuellement de se tenir au courant et de s’appeler mais on constate alors que chacun a sa vie et que cela devient difficile d’encore se voir régulièrement. Je suis encore en contact avec des joueurs comme Pär Zetterberg, Bertrand Crasson ou Walter Baseggio. Du moins, dans le cas de Walt, lorsque sa boîte à messages n’est pas saturée et qu’il daigne décrocher, car il est plus difficile à joindre au téléphone que George Bush. Mais mes vrais amis ne font pas partie du milieu du football. Ce sont des gens que je connais depuis l’enfance ou l’adolescence.

Qu’aurais-tu fait si tu n’avais pas été footballeur ?

Soit je me serais tourné vers des études d’éducation physique, soit vers l’informatique. Mais je ne sais pas non plus ce que je ferai le jour où j’arrêterai. Car parfois, au cours d’une carrière, on rencontre certaines personnes qui vous orientent dans une direction que l’on n’avait pas envisagée. Des opportunités inattendues peuvent se présenter. Personnellement, je n’ai jamais rien planifié.

Comment aimerais-tu terminer ta carrière ?

Il me reste une saison de contrat après celle-ci à Lokeren. Tout peut aller très vite, dans un sens comme dans l’autre. Je n’ai rien programmé. Me retirer sur un coup d’éclat, après une victoire de Lokeren en Coupe de Belgique par exemple ? Ce n’est pas prévu à mon agenda. Aussi longtemps que je serai physiquement apte à jouer, que la motivation sera là et que je trouverai un entraîneur ou un club qui me fera confiance, je continuerai. Mais le jour où je sentirai que je dois trop tirer sur la corde, j’arrêterai.

DANIEL DEVOS

 » J’AI TOUJOURS ADORÉ JOUER À SCLESSIN. l’AMBIANCE HOSTILE me motive  »

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