TOP GUNNERS-BARçA

Paris espérait une affiche de légende afin de célébrer, au Stade de France, le 50e anniversaire de la Coupe aux grandes-z-oreilles. Le 17 mai, tous les amateurs de football assisteront à un choc entre des représentants de deux cultures de jeu très différentes : Barcelone et Arsenal. Les Catalans sont des habitués des plus hautes marches européennes, Arsenal pas. Même s’ils se sont terminés sur le même résultat (0-0), les matches retour des demi-finales de la Ligue des Champions (Barcelone-Milan, Villarreal-Arsenal) ont été intéressants, passionnants, stressants, porteurs de tous les ingrédients qui font désormais le football moderne. A ce niveau, la moindre imperfection est gommée ou directement mise à nu et exploitée par l’adversaire.

Techniquement et tactiquement, les deux matches retour des demi-finales de la Ligue des Champions furent du haut de gamme. Nous avons régulièrement décortiqué les atouts de Barcelone : maîtrise technique, gestion des événements, désir de jouer haut, vitesse, inventivité etc. Ils apparaîtront une fois de plus au grand jour à Paris. Mais il convient de souligner les mérites, la progression, la ténacité et le travail d’Arsenal. Les Londoniens d’ Arsène Wenger rêvaient de ce moment depuis des années. Ils y sont enfin arrivés et cela mérite une analyse attentive.

1. Le paradoxe d’Arsenal

a) L’arrivée d’Arsène Wenger

En choisissant l’ancien coach de Monaco, les Londoniens s’étaient d’abord lancés dans une période de grands transferts. Ils ont opté pour l’achat de grands noms, de valeurs européennes affirmées qui pouvaient, espéraient-ils, leur apporter ce qu’ils recherchaient avant tout : les succès internationaux. Wenger connaissait les valeurs du football français sur le bout des doigts. Dès lors, il n’a pas hésité à se servir généreusement dans le grand vivier des Bleus. Arsenal s’est offert un accent français et une dégaine Champion du Monde 98 avec Emmanuel Petit, Robert Pirès, Patrick Vieira, Thierry Henry, etc. Cette politique de transferts était compréhensible mais, avec ses Frenchies, auxquels on ajouta des Anglais, elle ne rencontra pas les succès espérés. La récolte fut moyenne. Il y eut des triomphes sur le sol anglais (en championnat, dans le cadre de la Cup) mais ce ne fut pas le cas dans les épreuves européennes. Or, Arsenal visait un couronnement continental. A ce niveau, il y a eu des échecs, parfois des éliminations assez rapides, même plus de bas que de hauts.

b) L’austérité gagnante

Dès que la direction d’Arsenal prit la décision de bâtir un nouveau stade, répondant à toutes les exigences modernes, le club est entré dans une nouvelle phase de son développement. Malgré sa surface financière et la taille de ses sponsors, il est évident que ce projet a eu un impact sur la politique sportive du club. Le temps des dépenses somptuaires était bel et bien terminé. Les moyens attribués au staff technique étaient visiblement en baisse. Wenger changea son fusil d’épaule et, depuis deux ans, Arsenal compte ses sous sur le marché des transferts. Vieira est parti à la Juve et les Gunners ont déniché des jeunes talents un peu partout, même dans le noyau ou l’équipe B des grands d’Europe où on tardait à leur faire confiance. Les Londoniens sont également venus à Beveren afin d’y recruter Emmanuel Eboué qui en quelques mois est passé de la D1 belge à la finale de la Ligue des Champions. Eboué était un inconnu il y a deux ans aux yeux de la plupart des observateurs internationaux : incroyable mais significatif quant à la qualité de tout le travail de scouting et de recrutement. D’autres qu’Eboué sont catapultés en haut de l’affiche. Tous les nouveaux se distinguent par leur jeunesse et leur manque de vécu sur la scène internationale : Kolo Touré, Mathieu Flamini, Francesc Fabregas, José Antonio Reyes, etc. A côté de cela, le coach a gardé quelques anciens comme Thierry Henry, Jens Lehmann ou Denis Bergkamp mais le rajeunissement des cadres a été total. Cette austérité a été gagnante et a eu pour conséquence paradoxale de propulser Arsenal en finale de la Ligue des Champions.

2. L’évolution permanente du jeu

Si le noyau d’Arsenal fluctue, il en va de même en ce qui concerne le style de jeu de cette équipe. Ce système vit, tire profit de la diversité des joueurs, présente des richesses différentes qui découlent de la structure du noyau. Mais tout cela s’inscrit dans la continuité de son 4-4-2. En 2006, Arsenal propose une approche parfaite de la reconversion offensive. C’est instantané : dès qu’un ballon est récupéré, l’attaque est lancée sans perdre de temps. Arsenal en a fait sa spécialité, son image de marque et personne ne maîtrise aussi bien l’art de la reconversion. Cela donne lieu à des accélérations spectaculaires et efficaces. Personne ne le fait aussi bien. Arsenal accepte une récupération assez basse avant que ses joueurs remontent vite dans le camp adverse. Henry recule souvent profondément avant de se lancer dans un contre dévastateur. Cette donne constituera une des clefs tactiques tout au long de la finale de la Ligue des Champions. Si Arsenal adore se replier assez bas, Barcelone joue plus haut et cantonne généralement son jeu devant le grand rectangle adverse. Il y a moins de recherche de profondeur que dans le jeu d’Arsenal. Mais Barcelone joue aussi vite dans un concept différent avec une multiplication de passes pouvant être décisives en zone de vérité. Ce sera une finale passionnante.

3. Les défauts de ses qualités

Le match retour des demi-finales de la Ligue des Champions entre Arsenal et Villarreal a connu un épilogue dramatique avec le penalty raté par Juan RamonRiquelme et bien négocié par Jens Lehmann, le gardien international allemand d’Arsenal. Ajouté à la domination d’ensemble des Espagnols dans le jeu peut donner l’impression que les Anglais n’ont pas le niveau technique de Villarreal. Ce n’est pas exact. Au match aller à Londres, l’équipe de Wenger avait parfaitement maîtrisé son travail technique. Arsenal avait été supérieur aux Espagnols. Mais elle qui a l’habitude de vivre dans des ambiances démentes a été surprise par la ferveur qui régnait à Villarreal. Tout le stade a poussé ses joueurs vers l’exploit durant tout le match. Le miracle n’a pas eu lieu mais la jeune garde d’Arsenal a découvert une atmosphère et une ferveur inhabituelles pour elle. Cette nouvelle vague était au pied du mur, face à ses responsabilités et aux attentes énormes de sa direction et de ses supporters. C’est énorme et cela peut expliquer une impression de prudence et de timidité. Arsenal a été malmené et bousculé. Mais cela ne permet pas du tout de douter des capacités sportives de ce groupe. Les difficultés vécues à Villarreal s’expliquent autrement. A cette occasion on a découvert, en quelque sorte, les défauts de ses qualités.

Si Arsenal sera présent au rendez-vous de la finale, c’est grâce, en bonne partie, à sa jeunesse. En Espagne, ces atouts ont cependant présenté des limites face à certaines circonstances. En plus de la lecture du match, il faut être capable de gérer les événements et toute la tension qui entourent de tels matches. Arsenal avait besoin de toute l’énergie de cette jeunesse qui a faim de succès. Ils dessinent les contours d’un football moderne. Maintenant, il faudra assumer tout cela face à une équipe de Barcelone qui a plus l’habitude des grands rendez-vous. Les joueurs catalans ont remporté beaucoup de succès individuels et collectifs, que ce soit avec le Barça ou sous le maillot d’un autre grand club. Ils ne seront pas dépaysés, déstabilisés ou nerveux devant les caméras de l’Europe entière. Deco, Larsson, Edmilson, Ronaldinho et les autres connaissent bien tout cela. On peut en dire de même pour plusieurs joueurs d’Arsenal (Lehmann, Henry, Pirès…) mais, en gros, cette équipe a un gros déficit de vécu à ce niveau par rapport à Barcelone. Ce sera un de ses problèmes le 17 mai à Paris comme ce fut le cas à Villarreal

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE BILIC

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