Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

La moyenne de l’entraîneur molenbeekois décoiffe.

Une imposante délégation du RWDM vient de passer une semaine à Agadir, au Maroc. 40 personnes (joueurs, staff technique, équipe médicale) ont profité du sponsoring passé avec Royal Air Maroc. Cette compagnie a droit à des panneaux publicitaires au Stade Machtens et, en échange, a payé l’intégralité du stage.

« Nous avons pu travailler dans des conditions idéales, dans des températures de 20 à 25 degrés », se réjouit Emilio Ferrera. « Presque tout était parfait, sauf le terrain d’entraînement. Mais bon, je partais avec l’intention de mettre l’accent sur les aspects physique et technique, et nous avons pu faire cela sur une plage immense où il n’y avait pas un chat. Et de toute façon, la pelouse était quand même cent fois meilleure que les nôtres en Belgique ».

Vous devriez théoriquement entamer le deuxième tour avec un certain avantage par rapport aux équipes qui sont restées au pays.

Emilio Ferrera: Ça, c’est une autre histoire… Il y a deux ans, j’avais fait un stage en Sicile avec Beveren, pendant la trêve hivernale. Nous avions ensuite réussi un mois de janvier extraordinaire. Par contre, presque toutes les équipes parties en janvier de l’année dernière se sont plantées à la reprise. Je ne pense pas que l’on puisse systématiquement faire un lien direct entre un séjour à l’étranger et des bons résultats.

« Le RWDM me voulait, pas Beveren »

Par rapport aux conditions de travail rencontrées à Beveren l’été dernier, c’est le jour et la nuit, non?

Tout à fait. La principale différence, c’est que je travaille aujourd’hui dans un club qui me voulait. Alors qu’à Beveren, j’ai compris dès le début de saison qu’on me considérait comme un mal nécessaire. Si j’ai pu entamer le championnat, c’est uniquement parce que les nouveaux dirigeants étaient conscients qu’ils ne pouvaient pas se permettre, financièrement, de virer un entraîneur qui avait encore deux ans de contrat. Ils s’étaient retrouvés devant un fait accompli au moment où ils avaient repris le club: Emilio Ferrera était le coach de l’équipe Première.

Au niveau du matériel joueurs, la différence est saisissante également. Si Beveren parvenait à sauver sa peau en D1 avec son noyau actuel, il faudra se poser des questions sur le niveau du football belge. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de qualités dans ce groupe, mais il comprend une vingtaine de nouveaux joueurs, dont la plupart sont arrivés de D2, étaient réservistes dans un club de D1, évoluaient l’an dernier avec les UEFA de Beveren ou en Afrique. Tous des gars qui n’avaient jamais joué ensemble. J’avais dit en début de saison qu’il serait très, très difficile de se maintenir. Le classement actuel de Beveren ne m’étonne vraiment pas. La qualité du noyau du RWDM est incomparable.

Pour vous, Beveren est donc d’ores et déjà condamné?

Je n’ai pas dit ça. Quand j’étais arrivé là-bas en novembre 99, on nous disait aussi condamnés. Mais nous nous étions sauvés. Et la saison dernière, on ne donnait plus l’ombre d’une chance à La Louvière en janvier.

Mais La Louvière avait transféré en cours de saison des joueurs qui ont finalement fait la différence: Olivieri, Thans et Simundza.

Je ne suis pas d’accord. La Louvière s’est surtout maintenue grâce à des joueurs comme Xhardez et Tilmant, qui ont progressivement trouvé leur rythme de croisière. Ils ont été plus déterminants que les transferts réalisés pendant le championnat.

« Ce sera très serré »

Comment voyez-vous la lutte pour le maintien au deuxième tour?

Ce sera très serré et c’est une bonne chose. Tout notre championnat est d’ailleurs très serré, que ce soit dans le haut ou dans le bas du classement. La Belgique est, cette saison, comme l’Espagne et l’Italie: on ne peut plus désigner, à mi-parcours, le champion probable et un condamné certain.

Si le RWDM avait obtenu, depuis le début du championnat, la même moyenne que depuis votre arrivée, il serait aujourd’hui septième du classement!

Je sais… Nous valons beaucoup mieux que notre classement actuel. Cette équipe a été sous-estimée après son départ catastrophique. On tire trop vite des conclusions. On a aussi dit, par la suite, que la progression du RWDM s’expliquait par le transfert de quelques nouveaux joueurs. Je ne suis pas d’accord. C’est un raccourci osé. On diminue ainsi les mérites de ceux qui étaient déjà là en début de saison et ont explosé en cours de premier tour: Kolotilko, Fassotte, Kargbo, Smid, Van Oekelen, etc.

Quelle est la marge de progression de cette équipe?

Depuis mon arrivée, nous avons fait carton plein contre les équipes qui, en théorie, n’étaient pas inaccessibles pour nous. Au deuxième tour, il faudra continuer à gagner contre tous nos concurrents directs. Et nous franchirons encore un palier si nous parvenons à réaliser un exploit de temps en temps. A part notre nul à Anderlecht, nous avons été battus par toutes les meilleures équipes: Genk, Bruges, Gand et Lokeren. L’étape suivante consistera donc à compliquer la vie des candidats à l’Europe et au titre.

« Mes joueurs ne sont pas inférieurs »

Vos joueurs souffrent-ils d’un complexe d’infériorité?

Non. Ils sont surtout pénalisés par leur manque d’expérience et le fait qu’ils ne se connaissent pas encore suffisamment. J’aligne régulièrement neuf joueurs qui n’étaient pas au RWDM la saison dernière. Vous voyez les difficultés rencontrées par Anderlecht pour intégrer trois ou quatre nouveaux éléments. Alors, neuf, vous imaginez! Cela demande du temps. Cette non-connaissance des coéquipiers implique des erreurs. Contre La Louvière, le Lierse ou Lommel, ces fautes ne prêtent pas nécessairement à conséquence. Mais face à Bruges ou à Genk, ça se paye cash. Ce fut le problème du RWDM au premier tour. Nous n’avons pas fait plus d’erreurs contre ces équipes-là que dans les matches moins prestigieux, mais elles n’ont pas pardonné.

Si vous sauvez le RWDM après avoir fait des miracles à Beveren, il sera peut-être temps d’aller dans un club plus prestigieux, non?

(Il rit). On m’a déjà fait plusieurs fois cette réflexion. Je réponds chaque fois la même chose: pour moi, Beveren et le RWDM sont déjà des équipes prestigieuses. Parce que je viens de nulle part. Il y a deux ans et demi, j’entraînais encore Lombeek, en Promotion. Je travaille avec le même état d’esprit que l’entraîneur d’un candidat au titre. Et je suis très heureux où je suis aujourd’hui.

Mais il doit quand même être tentant d’aller plus haut?

Evidemment. Et j’y pense. Pour mon évolution personnelle, je ne peux pas me permettre de travailler trop longtemps dans des clubs qui luttent pour le maintien. Parce que cela déforme un entraîneur. Cela a une influence néfaste sur sa vision du foot. On ne s’enrichit pas vraiment en bagarrant constamment pour ne pas perdre. Au RWDM, par exemple, je suis obligé d’attacher en permanence beaucoup d’importance aux forces de l’adversaire, d’en tenir compte dans la préparation des matches. Je suis obligé de le connaître sur le bout des doigts si je veux que mon équipe ait une chance de lui compliquer la vie. Ce n’est pas le cas quand on est à la tête d’une équipe qui joue le haut du classement ou possède un historique européen. Dans ce cas-là, on se préoccupe avant tout de son propre jeu. Et cela permet à un entraîneur de progresser bien plus rapidement.

Pierre Danvoye

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire