Tomber le masque

 » Nous devons combattre nos adversaires, pas nous-mêmes. Sinon, nous risquons de finir dixièmes « .

David Rozehnal dresse un bilan de ses premiers mois en Belgique, avec étonnement.

 » Parfois, je me demande si c’est encore du football. Contre l’Antwerp, je suis plus rapide sur un ballon mais l’avant, le Noir, Omar Mussa, me shoote dedans. Pourquoi ? Si je suis sûr de ne pouvoir toucher le ballon, je ne vole pas comme un fou sur quelqu’un au risque de l’envoyer à l’hôpital. On joue beaucoup des coudes, ici. A St-Trond, Jochen Janssen et moi fonçons vers le ballon et voilà qu’il m’assène un coup de coude dans l’oeil. C’est le style de beaucoup de joueurs, pas le mien. Je récupère le ballon proprement. Je n’ai même pas eu droit à une excuse « .

Pourquoi achevez-vous le match malgré un oeil en sang ?

David Rozehnal : Je voulais jouer. Je souffrais mais je pouvais tenir le coup. Si j’avais su que j’avais une fracture, j’aurais peut-être quitté le terrain.

Puis le masque !

La première fois que je l’ai vu, j’ai été effrayé. Ce fut pire en me regardant dans le miroir. Je suis retourné quatre ou cinq fois au magasin qui l’avait conçu car je voyais mal. J’ai dû employer une crème pour le visage car ce masque frottait à certains endroits. Enfin, sans ça, je n’aurais pu jouer pendant six semaines. J’aurais raté l’Ajax, l’AC Milan et cinq matches de championnat. Les journaux tchèques ont publié ma photo, parfois à la une. L’un d’eux a mis en légende : Hannibal Lecter.

N’êtes-vous pas trop romantique pour un défenseur ?

Peut-être. Je dois simplement forcer un peu ma nature et modifier ma façon de m’entraîner. En pensant, à chaque seconde de chaque entraînement que je dois jouer dur et prendre le ballon quand j’entre en collision avec un joueur. Ceci dit, si j’étais plus dur, ma technique serait peut-être moins bonne et je ne jouerais sans doute pas des deux pieds. Je dois surtout connaître mieux mes adversaires : quel est leur bon pied, comment exploitent-ils leur corps ?

Etes-vous un défenseur ?

Quand j’ai commencé, à 13 ans, j’étais un attaquant. A 17 ans, je suis devenu médian. Un an plus tard, je me retrouvais en défense. Ça na m’a pas ravi. Je ne m’entendais pas avec mon entraîneur, à 17 ans. Pour lui, le foot, c’était lutter pour le ballon et le dégager. Au terme d’un match des Espoirs, je lui ai dit : -Je n’aime pas ce genre de foot et je ne suis pas capable de jouer comme ça. Il m’a répondu : – Alors, tu ne pourras jamais jouer en équipe Première. Dès ce moment, j’ai modifié mon style de jeu pour commencer à penser en défenseur : – Je dois avant tout préserver mon but et défendre dans le rectangle. Au fond de moi, je suis un avant. J’aime marquer et délivrer des assists. C’est ça, le beau football. Je dois dire qu’ici, j’ai de la chance avec l’entraîneur. Il veut que je sorte de la défense balle au pied et que j’aide un coéquipier à se démarquer, que j’induise une supériorité numérique dans l’entrejeu.

Trop nonchalant ?

Paul Courant, votre manager personnel, a dit, à votre arrivée :  » Il est parfois trop nonchalant et veut résoudre les choses de manière trop technique et trop simpliste « . Vous en avez apporté la démonstration à Heusden-Zolder, sur les deux premiers buts…

Je voulais relancer. J’ai vu Peter Van der Heyden mais je n’ai pu le joindre et je n’ai pas été assez dur dans le duel non plus. Après, l’entraîneur m’a dit qu’il valait parfois mieux dégager le ballon dans le compartiment offensif. Je reste cependant convaincu qu’on peut jouer au football en défense aussi. Beveren y arrive. Le problème ne se pose que quand tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes. Si je veux relancer mais qu’un autre pense que je dois dégager, on est mal barré. Et si je lui donne le ballon qu’il ne veut pas ou n’attend pas, je suis responsable de ce qui peut arriver.

Pourquoi avez-vous déjà perdu tant de points ?

Le fait est que nous n’avons pas aussi bien joué contre Heusden-Zolder et Lokeren que contre le Borussia Dortmund, l’AC Milan et Westerlo. Perdre six points contre des équipes moins bien classées, c’est beaucoup pour nous. Mais Anderlecht n’est pas invincible. Il faut rester positif.

Se passe-t-il quelque chose dans le groupe ?

Il est bien. A Lokeren, nous étions motivés, l’entraîneur avait insisté sur le fait que nous ne pouvions vraiment pas nous permettre de perdre des points mais nous avons rapidement encaissé un but suite à une erreur de couverture à deux mètres du but, sur un coup franc, et avant le repos, nous avons encore commis une erreur û nul n’est à l’abri. Nous avons été meilleurs qu’à Heusden-Zolder mais quand on est mené 2-0 par une équipe qui ressuscite alors qu’on ne réussit rien, il faut une énergie terrible pour revenir.

Y a-t-il un déséquilibre en attaque et défense ?

Que nous procédions en 4-4-2 ou en 4-3-3, nous avons un bon système. L’entraîneur explique précisément ce que nous devons faire. Il est préférable d’attaquer à quatre qu’à six mais de toute façon, chacun a ses missions défensives. Peut-être devrions-nous parfois penser qu’en marquant un but et en empêchant l’adversaire de le faire, nous gagnons. Après le match contre Milan, nous avons peut-être été trop euphoriques mais cette expérience nous a enrichis. Nous pouvons former une bonne équipe, à condition de ne rien laisser au hasard. Heusden-Zolder n’a pas le format de Milan mais sans concentration, nous allons à la catastrophe.

La guerre aux clans

Le troisième gardien Stijn Stijnen a ouvertement critiqué Tomislav Butina et le choix de l’entraîneur. Tout ça n’est pas très sain…

Non. Des coéquipiers ne doivent pas se montrer du doigt, sinon c’est la fin. Si nous entrons dans ce petit jeu, nous risquons de terminer dixièmes. Nous devons combattre nos adversaires, pas nous-mêmes.

Le groupe est-il divisé ?

Je pense qu’il reste un groupe. Le danger, quand un joueur commence à penser en ces termes, c’est que les autres suivent. En Tchéquie, j’ai vécu la formation de clans. Quelques jeunes ne jouaient pas et disaient qu’ils feraient mieux qu’un tel, plus âgé, d’où des bagarres.

N’est-ce pas inévitable au sein d’un groupe aussi large, avec une telle concurrence ?

Si je ne suis pas repris, ce sera ma faute et je devrai tout mettre en oeuvre pour progresser. Je ne devrai pas lutter contre mon concurrent mais contre moi-même. Ce n’est qu’ainsi qu’on devient meilleur, pas en humiliant son coéquipier.

Que pensez-vous de Trond Sollied ?

Je l’apprécie car il est calme, même quand nous ne prestons pas. Il ne crie pas, ne nous met pas sous pression. Il nous explique calmement, clairement, ce qui s’est mal passé et ce que nous devons faire. Il pense de manière très positive. C’est bien pour notre groupe. Tout a changé pour moi, ici. Au début, j’ai souffert : on s’entraîne plus dur, plus longtemps, deux heures d’affilée. Certes toujours avec ballon mais à un rythme qui m’était étranger. Ça va déjà mieux. Je sens en match que ma condition est bonne.

On critique l’entraîneur parce qu’il change beaucoup l’équipe. Arrivez-vous à suivre ?

Je dois dire qu’en Tchéquie, je n’ai pas connu ça. Quand l’équipe jouait bien, elle restait comme ça. Ici, il y a trois entraîneurs. Je pense qu’ils font bien leur travail. L’entraîneur est le chef. Ce qu’il dit est sacro-saint. Il faut penser en ces termes car comment jouer ensemble si on se dispute ?

Après quatre matches en Ligue des Champions, le Club est dernier avec quatre unités mais reste en lice pour les premières places. Qu’attendez-vous des matches au Celta Vigo et contre l’Ajax ?

J’espère gagner un de ces deux matches, pour être au moins qualifié pour l’UEFA. Gagner au Celta sera difficile mais peut-être pouvons-nous nous qualifier pour le second tour lors du match de clôture contre l’Ajax, avec le soutien de nos supporters.

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