Tolérance zéro et 4-3-3

Rien ni personne n’écartera le coach du RSCA de la conception du jeu qu’il veut instaurer au Parc Astrid.

Après s’être prononcé en faveur du même 11 de base depuis le match de gala contre Everton, le 6 août passé, Hugo Broos, a radicalement changé son fusil d’épaule dernièrement en modifiant coup sur coup son équipe-type à l’occasion des matches contre Stabaek et Mouscron.

Face aux Norvégiens, Martin Kolar et Gilles De Bilde avaient dû céder le relais à Besnik Hasi et Clayton Zane tandis que pour les besoins de la visite des Hurlus, c’était au Ket à jouir d’un retour en grâce au détriment du milieu de terrain albanais. Deux modifications en l’espace de deux matches à peine, c’était pour le moins étonnant dans le chef d’un coach qui a toujours eu la réputation d’être conservateur. Dès lors, pourquoi pareil bouleversement?

«  J’avais l’impression que certains vieux démons avaient ressurgi et c’est la raison pour laquelle des changements s’imposaient. Jusqu’au match contre La Gantoise, je n’avais eu qu’à me féliciter de la tournure des événements. Non seulement les nouveaux venus s’étaient parfaitement intégrés mais, en outre, plusieurs éléments montrés du doigt la saison passée semblaient soudain renaître aux plus hautes ambitions, comme Walter Baseggio et Gilles De Bilde notamment. Après une entrée en matière euphorique, – neuf sur neuf – en dépit de deux déplacements difficiles à Westerlo et au Standard, quelques-uns se sont dit qu’il leur suffirait désormais de paraître pour s’imposer. Désolé, mais l’époque est révolue où Anderlecht renvoyait l’adversaire à ses chères études sur sa classe uniquement. De nos jours, toutes les équipes sont à ce point affûtées sur tous les plans que, mis à part Madrid peut-être, plus aucune d’entre elles n’est à même de faire plier l’opposant grâce à une technique supérieure à la moyenne. Et le parcours des Mauves en Ligue des Champions, ces deux dernières années, l’atteste à suffisance: Anderlecht n’est pas le Real. A chaque match, il faut que ses joueurs se remettent en question, quelle que soit l’opposition. Cet état d’esprit n’était pas présent dans le chef de tous contre les Buffalos. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons de la perte de nos deux premières unités ce soir-là ».

Lors du match suivant, à l’Antwerp, vous n’en aviez pas moins reconduit la même formation de départ. Pourquoi?

Hugo Broos: Je voulais encore croire à l’accident de parcours. J’étais persuadé qu’un bon sermon, basé sur la conscientisation de chacun, servirait à nous faire repartir du bon pied. Malheureusement, le championnat a alors été interrompu dans l’optique de Belgique-Bulgarie. Au lieu de pouvoir mettre d’emblée les points sur les i, j’ai dû attendre une semaine avant de revoir mes joueurs. Entre-temps, le résultat négatif de cette rencontre internationale et les critiques visant Walter Baseggio et, dans une moindre mesure, Yves Vanderhaeghe, avaient fait leur oeuvre. Bien qu’ils s’en défendent tous deux, ces attaques en règle de la part d’une certaine presse les avaient déstabilisés. Je spéculais sur une réaction d’orgueil, de leur part, à l’Antwerp. Mais à la place de les remettre en selle, ce déplacement à Deurne contribua à les enfoncer un peu plus, de même que toute l’équipe d’ailleurs. En deuxième période, surtout, ce fut la cata. En cas de perte de ballon, il n’y avait plus le moindre souci de récupération et les distances étaient énormes entre les lignes. Pour compenser cette lacune, j’ai relancé Besnik Hasi dans le bain contre Stabaek, à la place de Gilles De Bilde, très effacé au Bosuil. Avec Hasi dans l’équipe, j’étais assuré d’une plus grande efficacité dans la reconquête du cuir. En revanche, il n’a pas les mêmes dispositions offensives que le Bruxellois et il a bien fallu que j’appelle celui-ci au jeu, en cours de deuxième mi-temps, pour conférer cet apport offensif qui nous avait fait défaut. Compte tenu du maintien de Clayton Zane dans l’équipe, nous sommes passés d’un 4-4-2 souple à un 4-3-3 qui s’est avéré payant contre Mouscron. Je n’oserais toutefois pas parier que nous sommes repartis définitivement du bon pied. Car pareil constat se mesure dans la durée et non après une joute à peine. « Stoica n’a toujours pas changé »

La saison dernière, on a dit dix fois plutôt qu’une qu’Anderlecht était lancé avant de devoir déchanter la semaine suivante après un nouveau bide. Le capitaine, Glen De Boeck, n’est pas sûr non plus que le passé soit définitivement exorcisé. « Il n’y a toujours pas d’âme dans cette équipe », affirmait-il après la défaite à l’Antwerp. L’histoire ne serait-elle donc qu’un éternel recommencement?

Celle qu’Aimé Anthuenis a écrite ici était belle, en tout cas. Deux titres et autant de participations en Ligue des Champions sur trois ans: personnellement, je signerais des deux mains pour obtenir les mêmes résultats. Il est simplement dommage, pour lui, que l’on n’ait retenu que la dernière impression, pour le moins mitigée, avec une troisième place « seulement » sur la scène nationale et une absence de repêchage en Coupe de l’UEFA suite à l’élimination du club au premier tour de la CE1. Fallait-il désigner mon prédécesseur du doigt pour autant, je me le demande. Il a quand même dû composer, d’une campagne à l’autre, sans quatre titulaires – Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene – qui avaient contribué aux succès de l’équipe la saison précédente, sans être remplacés par des footballeurs présentant des profils équivalents. Les Nenad Jestrovic, Gilles De Bilde, Tarek El Saïd et Mark Hendrikx, pour ne citer que ceux-là, n’étaient pas des sosies parfaits, tant s’en faut. En réalité, c’est avec une année de retard qu’on a pallié cette lacune avec Clayton Zane dans le registre du géant tchèque, Martin Kolar comme alter ego de Bart Goor et Michal Zewlakow en tant que pendant de Didier Dheedene. Seul un feu-follet de la trempe de Tomasz Radzinski fait défaut dans le noyau actuel. Mais son absence est compensée par le renouveau dans le chef de Ki-Yeon Seol. Aujourd’hui, avec le matériel humain dont je dispose, mon propos est tout simplement de poursuivre le bon travail qu’Aimé Anthuenis avait effectué en 2000-2001 avant de devoir quasiment tout recommencer de zéro, l’été passé, suite aux départs de quatre figures marquantes dans son équipe.

Vous ne vous étiez pas opposé au départ d’un cinquième homme qui aura soufflé le chaud et le froid sous les ordres de votre devancier: Alin Stoica, dont le rendement, selon vos propres dires, n’excédait pas 1% au Sporting. N’était-ce pas un jugement extrêmement sévère?

Au-delà des chiffres, ce que j’ai surtout voulu dire, c’est que le rendement de ce garçon est inversement proportionnel à son talent, qui est énorme. Mais à quoi bon avoir un footballeur de génie en ses rangs si ses qualités ne profitent pas, ou de manière insignifiante, à l’équipe? Pour l’avoir vu à l’oeuvre avec Bruges face au Lokomotiv Moscou, je me suis fait la réflexion qu’il n’avait toujours pas changé: il se soucie toujours aussi peu de sa tâche défensive et ne joue que par à-coups quand il a le ballon. Si Trond Sollied rechigne à l’aligner dans son 11 de base, c’est qu’il n’est manifestement pas encore convaincu de son apport. A choisir, je préfère de loin pouvoir m’appuyer sur un numéro 10 comme Walter Baseggio. C’est sûr qu’il y a encore des manquements dans son jeu, aussi bien aux plans offensif que défensif. Mais le Clabecquois est de bonne composition. Il veut et il va s’étoffer. D’ailleurs, sa place n’a jamais été mise en doute au Sporting. Tout au plus tous ceux qui l’ont connu étaient-ils d’avis, comme moi au demeurant, qu’il n’exploite pas suffisamment son potentiel. Je suis beaucoup plus circonspect, en revanche, en ce qui concerne le Roumain. Compte tenu de sa facilité, balle au pied, il aurait déjà dû faire son trou depuis longtemps en Belgique. S’il n’y est pas parvenu, il doit en chercher la raison au plus profond de lui-même et non chez les autres. Et sûrement pas chez Aimé Anthuenis. J’ai cru comprendre qu’Alin Stoica ne jurait que par l’Espagne et l’Italie. C’est louable. Mais il devrait quand même se rendre compte, une fois pour toutes, que la maîtrise d’un Real ou du Barça n’est pas le fruit du hasard. Au contraire, elle est la résultante d’un nombre considérable d’heures de travail où tout le monde, vedettes ou porteurs d’eau, mouillent leur maillot. Et il n’en va pas autrement dans le Calcio.

Le nom de Walter Baseggio est également mis en rapport depuis longtemps avec l’Italie. Peut-il y aboutir?

Il a 24 ans à présent. Pour lui, c’est la saison ou jamais. Le Walter Baseggio que j’ai vu à l’oeuvre à l’Antwerp n’a rien à chercher en Italie. Par contre, celui qui s’est distingué contre Mouscron ferait fureur là-bas aussi, c’est sûr. Franchement, je vois grand avec lui. Je veux qu’il devienne le roi du terrain au lieu de le voir limiter son rayon d’action au rond central. Il a tout pour devenir un régisseur moderne. Il doit simplement se rendre compte qu’un joueur, aussi bon soit-il, n’a jamais rien sans mal. Je note encore trop d’absences et de temps morts, chez lui, au gré des circonstances. Mais je suis convaincu qu’il va les effacer. Je trouverais foncièrement dommage, en tout cas, que dans une petite dizaine d’années, au moment où il fera le bilan de sa carrière, Walt se dise déçu qu’un déclic ne se soit pas opéré plus tôt chez lui. De fait, Gilles De Bilde devrait lui servir d’inspiration. Il ne se passe guère de semaine sans que ce dernier se lamente auprès de moi ou dans la presse, sous prétexte qu’il doit en faire trop dans son nouveau rôle. -Pourquoi m’obliger à défendre ou à bien me placer alors que je n’ai jamais fait ça de ma vie?, me dit-il régulièrement. C’est dommage qu’on ne l’y ait pas obligé plus tôt, sans quoi le Ket aurait fait une tout autre carrière. A 31 ans, il est trop tard pour rattraper tout ce temps perdu. « Je veux remettre en place une philosophie »

Après trois mois de travail au RSCA, vous cernez mieux, les forces et faiblesses de votre effectif. Quelles aspirations nourrissez-vous avec lui?

A l’époque où j’étais encore joueur, Anderlecht était synonyme de jeu chatoyant. C’était l’académie du beau football. Mon souhait est de remettre en place une philosophie. Peut-être pas la même qu’avant car les temps ont changé. Mais un concept où tout le monde attaque et défend en exploitant au maximum la géométrie du terrain, à l’image de Bruges, est tout à fait réalisable, pour peu que chacun y mette du sien. Aimé Anthuenis avait cette idée en tête mais il avait dû l’abandonner, conscient que trop peu de joueurs se sentaient concernés en cas de perte du ballon. Moi, je suis en faveur du 4-3-3, comme nous l’avons démontré face à Mouscron, à la condition expresse que tout le monde assume sa part de travail, tant dans l’élaboration des offensives qu’en phase de récupération. A gauche, Ki-Yeon Seol l’a parfaitement compris: il gêne le porteur du ballon dans sa zone. Mais d’autres doivent encore se discipliner. Car il n’est pas question que quatre gars restent plantés devant en se disant que les sept autres assureront la sale besogne. Or, c’était le cas avec certains à l’Antwerp.

Comme Ivica Mornar, par exemple, qui se souciait davantage de l’attitude du juge de ligne que de l’adversaire qui l’a dépossédé du ballon. A 28 ans, peut-on encore espérer changer un joueur?

C’est aux joueurs qu’il appartient de faire la part des choses. Je suis prêt à taper quelques fois sur le même clou pour qu’il rentre. Mais ma patience a ses limites. A un moment donné, si le message ne passe pas, je serai adepte de la tolérance zéro: celui qui n’aura pas compris les contours exacts de son rôle devra tout simplement s’effacer. C’est aux joueurs à s’adapter à mes vues et non à moi à accepter leurs petits caprices. Ici, c’est moi qui commande. Et ceux qui ne le comprennent pas s’en mordront les doigts tôt ou tard. Il ne faut pas oublier que je dispose de solutions de rechange. Si Ivica Mornar se fait tirer l’oreille, je peux trouver la parade avec Aruna Dindane. Idem pour Gilles De Bilde qui sait déjà de quoi il retourne, lui aussi, entre-temps.

Pour Walter Baseggio, il y a toujours la menace Vaclav Kolousek, lors du mercato d’hiver?

Je ne pense nullement qu’on en arrivera là. Si Walt en venait à retomber dans ses travers, je le nommerais à nouveau capitaine. On a vu ce que le port du brassard donnait, chez lui, contre Mouscron. C’est un moyen de pression comme un autre. Et qui a l’avantage d’être nettement moins onéreux (il rit).

Bruno Govers,

« Je n’oserais jurer que nous sommes repartis du bon pied »

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