TOILE de fond

Pierre Bilic

Désormais adjoints, les deux anciens Diables Rouges Stéphane Demol et Franky Van der Elst exposent leurs nouvelles ambitions.

Quand on les entend rire et parler de leur nouveau métier avec passion, Stéphane Demol (39 ans) et Franky Van der Elst (44 ans) font un peu penser à des personnages sortis des plus beaux tableaux de Pieter Bruegel l’Ancien.

A Beersel, du côté de chez Stef, on taille de grosses tranches de pain campagnard avant de les napper de fromage blanc. Une spécialité régionale qui devient un festin quand on l’accompagne d’une bonne gueuze. Lombeek Sainte-Catherine, le village natal de Franky Van der Elst, s’inscrit calmement dans les paysages flamands que le plus grand peintre du 16e siècle aimait tant. Pieter Bruegel l’Ancien aurait trouvé un coin pour Stéphane dans  » La Danse du mariage  » ou  » Le Pays de cocagne  » : l’adjoint de Dominique D’Onofrio s’y serait amusé comme un fou.

Franky se serait senti chez lui dans  » La Pie sur le gibet  » ou  » Le Combat de Carnaval et Carême « . Mais qui aurait eu une place en vue dans  » La Chute d’Icare  » ? Qui se brûlera les ailes sous le soleil du championnat de D1 ? Le Standard ? Bruges ? Stef ou Foxie qui viennent d’opter pour le métier d’entraîneur adjoint ?

Il faudra attendre la fin de la saison avant de compléter le tableau et d’ajouter le portrait du Standardman ou du Brugeois, tellement différents l’un de l’autre. Si le lieutenant de Jan Ceulemans à Bruges n’a jamais quitté la Belgique, Stéphane Demol, lui, s’est promené un peu partout en Europe comme Pieter Bruegel l’Ancien qui trouva l’inspiration pour sa célèbre  » Tour de Babel  » en observant le Colisée à Rome. Toiles différentes, même passion pour le football en couleurs…

Quand le Standard et Bruges se retrouvent, cette affiche se donne des airs d’une virtuelle Ligue des Champions à la belge.

Franky Van der Elst : Pour moi, il s’agit d’une nouvelle approche personnelle d’un match au sommet. J’ai connu et ardemment vécu cette ambiance en tant que joueur puis comme entraîneur. Maintenant, je suis, après René Verheyen, le deuxième adjoint de Jan Ceulemans, le patron de l’équipe. J’inscris donc ce match dans une autre perspective, une fonction différente, mais la passion sera intense. Standard-Bruges constitue un moment plus passionnant, plus chaud, que Standard-Germinal Beerschot ou Standard-Lokeren que j’ai vécus sur le petit banc. Ce choc survient une semaine après notre rendez-vous avec la Juventus. Le programme est chargé, les matches se succèdent et ce premier sommet n’a été au centre de nos préoccupations qu’après notre voyage de dimanche à Beveren. J’ai toujours vécu des fortunes diverses à Sclessin où l’émotion est au rendez-vous et permet à des collectifs ou des individualités d’attirer l’attention. Le Standard est revenu dans le coup, a repris sa place dans le top 3 belge, même si ce club a raté l’Europe d’un fifrelin la saison passée. Le noyau n’a pas beaucoup bougé malgré le départ de Milan Rapaic et celui d’Ivica Dragutinovic, sans oublier le transfert de Sambegou Bangoura à Stoke City.

Et chez vous ?

Franky Van der Elst : Il y a eu plus de chamboulements à Bruges qu’au Standard avec les départs de Peter Van der Heyden, Hans Cornélis, Nastja Ceh, David Rozehnal, Timmy Simmons. Bruges a déploré pas mal de blessés : Rune Lange, Philippe Clément, Manaseh Ishiaku, Joos Valgaeren, Tomislav Butina, Michaël Klukowski, Ivan Gvozdenovic, etc. Contre la Juventus, Bruges n’a aligné que trois titulaires de la saison passée : Gaétan Englebert, Birger Maertens et Bosko Balaban. Le staff technique est tout autre : Jan Ceulemans a pris la place de Trond Sollied avec une autre vision du jeu (3-4-3, 4-4-2), etc. Le noyau tourne davantage vu le programme et les blessures. Ce n’est pas rien mais, malgré cela, Bruges a bien avancé avec de bonnes et de moins bonnes choses. Trois semaines après la reprise des entraînements, ce nouveau groupe s’est quand même qualifié pour les poules de la Ligue des Champions. Cela dit, le bon début de championnat du Standard ne m’étonne pas et est à inscrire dans la continuité de ce que nous avons vu en 2004-2005.

 » Ho, ho, la pression est au moins aussi pesante au Standard qu’à Bruges  » (Demol)

Est-ce votre avis ?

Stéphane Demol : Il s’agit aussi, pour nous, du premier grand rendez-vous de la saison. Avant la venue de Beveren à Sclessin, tout le monde ne parlait que de… Bruges. Comme si Beveren et le Cercle de Bruges n’existaient pas. On sait ce qui s’est passé. Beveren a profité de ses trois occasions pour marquer trois fois tandis que le Standard a gaspillé un camion de ballons chauds. Alors, le sujet de conversation  » Club de Bruges  » a disparu car tout le monde s’est dit : -Ouïe, ouïe, il faut d’abord régler le problème du Cercle de Bruges. Pour nous, ce voyage était une affiche à ne pas manquer avant le grand choc. Ce sont des rendez-vous qui font saliver. En tant que joueur, j’ai connu moins de Standard-Bruges que Franky. Je me souviens quand même d’un match chez eux lors de ma deuxième saison à Sclessin.

0-1, c’est cela ?

Stéphane Demol : Arie Haan avait décidé de bloquer Franky, qui était la plaque tournante de Bruges. Il m’a placé dans l’entrejeu près de Lorenzo Staelens mais le plus surprenant, ce fut le rôle de Michaël Goossens. Arie lui confia un rôle tactique surprenant mais nouveau et efficace. Mika décrocha plus bas que d’habitude et il n’eut qu’une mission : neutraliser Franky, le mettre sous pression durant 90 minutes, l’empêcher de dispatcher le jeu de son équipe. C’était bien vu car l’alimentation des attaquants était coupée tandis que Franky et Lorenzo étaient scotchés bas devant leur défense. J’ai raté un penalty face à Dany Verlinden (balle sur le montant) mais nous avons gagné 0-1, un but d’Alain Bettagno. Les joueurs adorent de tels matches. Notre équipe s’inscrit tout doucement dans la durée, comme le dit Franky, avec des confirmations : Ogushi Onyewu, Karel Geraerts, Momo Tchité etc. Mais quand on perd Drago ou Milan Rapaic, ce n’est pas rien. Ils n’étaient pas de simples titulaires mais bien des piliers. Le club cherche des solutions via des joueurs libres de contrat.

La pression européenne qui pèse sur les épaules de Bruges ne constitue-t-elle pas un bel avantage pour le Standard dans la lutte pour la première ou la deuxième place en fin de championnat ?

Stéphane Demol : Ho, ho, la pression est au moins aussi pesante au Standard qu’à Bruges. Pour prendre part à la Ligue des Champions la saison prochaine, ce qui est notre objectif ainsi que celui de Bruges et d’Anderlecht, il n’y a que deux solutions : être champion ou vice champion. Troisième, c’est un lot de consolation et quatrième, c’est synonyme de gros problèmes. On dit que le Standard a demandé des petits clubs pour son début de championnat. C’est stupide. Moi, ce dont je rêve, c’est pas d’un programme light, car il n’y en a pas, mais de bons arbitres. Tout le monde au Standard aimerait être européen à la place du Germinal Beerschot ou de Genk. Alors, je ne vous dis pas à quel point la Ligue des Champions fait saliver. Le Standard s’occupe beaucoup de soi car il ne dispose pas de 34 ou 35 joueurs comme Anderlecht ou même Bruges. Je ne me mêle pas de ce qui se passe dans ces deux clubs mais ils ont fait d’agréables découvertes en Ligue des Champions. A Chelsea, Roland Juhasz a bien débuté, Mark Deman a rempli son rôle à la satisfaction générale, Anthony Vanden Borre a tiré son épingle du jeu dans la ligne médiane, etc. Ce sont des solutions de changements supplémentaires. Bruges a constaté lors du match contre la Juventus que le groupe pouvait compter sur Stijn Stijnen, Günther Vanaudenaerde, Jonathan Blondel, Jeanvion Yulu-Matondo, etc.

Cela fait plus de jeunes qu’au Standard où le cap a pourtant été mis sur les jeunes avec le début des travaux de l’Académie Robert Louis Dreyfus…

Stéphane Demol : Le noyau du Standard est bien plus étroit et, pour le moment, il n’y a pas de jeunes comme à Bruges. Karel Geraerts avait déjà montré le bout du nez à Bruges et à Lokeren avant de s’affirmer au Standard. Jonathan Walasiak a déjà été international et revient après une année difficile. Mémé Tchité confirme un talent qu’il avait déjà étalé la saison passée. L’équipe des -19 ans est en tête de son championnat et elle comprend des promesses. Tout changera quand l’Académie Robert Louis Dreyfus sera terminée au Sart-Tilman. Ce sera le plus bel outil du genre en Belgique mais pour l’instant, nous ne sommes que 23 dont trois gardiens de but. L’époque où Raymond Goethals gagnait un championnat et disputait une finale de Coupe des Coupes, comme en 1982, avec 14 joueurs, est totalement révolue. Les charges de travail sont plus importantes. A nous, en tout cas, d’être prêts, match après match, et d’exploiter la moindre baisse de régime d’Anderlecht ou de Bruges, que cela s’explique par leurs devoirs européens ou par un phénomène de sous-estimation des opposants belges après ou avant un rendez-vous avec des géants du football mondial.

 » L’âge n’a rien à voir  » (Van der Elst)

A Bruges, n’est-il pas dommage que les jeunes aient dû attendre une cascade de blessures avant d’exhiber leurs potentialités au plus haut niveau européen ? Le coach de la Juventus a même dit qu’il voulait bien Stiijn Stijnen…

Franky Van der Elst : Abbiati, le gardien réserviste de la Juventus, était le maillon faible de la Juventus. Le seul. A part Tomislav Butina, tous nos absents ont été blessés sur le terrain. Ce n’est donc pas un problème de travail en semaine mais bien de la malchance. Le noyau n’est donc pas trop élargi pour résoudre ces problèmes Tout le monde doit être prêt mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont tous des valeurs confirmées. Certains sont bien présents mais doivent s’améliorer, travailler, être constants, accepter la concurrence qu’il y a forcément à Bruges. Jan Ceulemans n’a évidemment pas peur de lancer des jeunes. Il fallait oser jouer de la sorte contre la Juventus, tout en confiant des missions importantes à des néophytes en Ligue des Champions. La perception a été positive, c’est logique, mais il faut être honnête : Bruges n’aurait pas pu lancer sept jeunes au feu contre les Italiens. L’enthousiasme, un peu de chance et les grandes parades de Stijn nous ont aidés et Bruges a même réussi une excellente fin de match.

Ils ont marqué des points, non ?

Franky Van der Elst : Oui, ils ont surtout justifié la confiance que Bruges a placée en eux. Mais les jeunes n’ont pas de privilèges : tout le monde doit mériter sa place. Si les jeunes y arrivent, ils jouent mais pas dans le cas contraire. Il n’y a pas à avoir trop d’états d’âme à ce propos. L’âge n’a rien à voir. Dieter Van Tornhout gère plus difficilement cette obligation. A sa décharge, il faut dire que ce joueur, assez polyvalent, n’est pas souvent aligné à la même place. S’il manque quelqu’un là ou là, on songe à lui. L’Europe a permis à d’autres de monter quelques échelons dans la hiérarchie du groupe mais ils devront confirmer en championnat, où rien n’est facile, avec le même objectif que le Standard : la première ou la deuxième place.

En tant qu’adjoints, êtes-vous proches des joueurs ?

Stéphane Demol : Pas spécialement. La direction m’a demandé d’être proche de Dominique D’Onofrio. Mon seul job est d’aider l’entraîneur principal 24 heures sur 24. J’ai lu dans la presse que le groupe entretenait de bons contacts avec les adjoints la saison passée. C’est bien et cela ne veut pas dire que les relations ne sont pas bonnes avec moi. Elles sont peut-être un peu différentes, c’est tout. Il y avait sans doute un peu plus de liens de camaraderie avant et le Standard voulait, je crois, changer un peu cet aspect des choses. Il y a donc un peu plus de distance. Je fais ce qu’on me demande mais cela ne signifie pas du tout que la confiance n’existe pas. Je souhaite même qu’ils viennent encore plus vers moi et me demandent des tas de renseignements. Cela vient avec le temps. En tant qu’ancien arrière central, j’ai beaucoup de choses à partager. Onyewu me consulte souvent, on répète des phases spécifiques dans des ateliers de 20 minutes et il m’a dit un jour : – You have to speak more with me. Teach me. You’ve to tell me what I’m doing good or wrong. Je lui ai répondu simplement : – Yes, yes, yes. Cela résume tout.

N’est-ce pas un métier plus gratifiant que du temps où les adjoints devaient uniquement placer et déplacer les cônes sur le terrain d’entraînement ou diriger la séance d’échauffement avant un match ?

Stéphane Demol : Tout à fait exact. S’il y a de plus en plus d’anciens grands joueurs sur les bancs, c’est aussi pour entraîner individuellement des gars du noyau quand c’est nécessaire. Sans dénigrer qui que ce soit, ce job a beaucoup évolué ces derniers temps et son importance est appréciée. A Turnhout et à Malines, j’avais choisi personnellement mes adjoints : Nico Claesen et Alex Czerniatynski. Je me sentais plus à l’aise avec, à mes côtés, des techniciens ayant un vécu de joueur. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Mathieu Beda était super motivé avant le match au Cercle. -Si tu veux faire quelque chose en plus à propos du trafic aérien ou autre chose après l’entraînement, tu me le demandes « , lui ai-je dit. Il a choisi lui-même, est venu et on a travaillé à trois, Ogushi, lui et moi. Nous avons répété des gammes d’arrières centraux. Je suis à leur service mais je ne suis pas leur nounou. Quand un joueur fait des déclarations maladroites, Dominique intervient tout de suite. C’est un Liégeois, un Latin. Quand il sent qu’il doit pousser une gueulante, il le fait. Karel Geraerts a pu s’en rendre compte la semaine passée. Ses propos avaient été un peu déformés. Pas grave mais à Liège, on y va. Dominique et Jan Ceulemans s’apprécient beaucoup. Ils rigolent sans cesse quand ils se voient. Je me demande d’ailleurs quelle langue ils parlent. Jan ne pète pas un mot de français et Dominique ne comprend pas le néerlandais…

Il y a peut-être encore des craintes mais les joueurs les plus malins parlent ouvertement avec moi. Ils savent que je ne fais qu’un avec Dominique. Je les écoute et j’irai ensuite à l’essentiel avec le T1 : je ne lui rapporterai que les choses nécessaires et essentielles de mon dialogue avec les joueurs, pas le blabla qui ne sert à rien. C’est un grand changement. La saison passée, Dominique était seul et son staff vivait plus avec les joueurs qu’avec lui. La direction a décidé que cela devait changer mais cela ne veut pas dire que le staff précédent n’était pas bon.

 » Pas facile de devenir T3 du jour au lendemain mais ça va  » (Van der Elst)

Quel est votre rôle à Bruges ?

Franky Van der Elst : Stéphane est le premier adjoint de Dominique. Moi, je suis le troisième et donc plus proche des joueurs que René ou Stéphane. Mais dès qu’il y a un problème tactique ou qu’un joueur ne trouve pas son compte, il ne doit pas se plaindre chez moi : je l’envoie chez Jan qui tranche, définit les choix et les caps de l’équipe. Je veux éviter toute forme de malentendu. Dans le staff, je donne un avis mais c’est Jan qui assume toutes les responsabilités. En tant que T3, je dois accompagner les jeunes, les conseiller. En plus de mon travail quotidien, j’assume aussi des missions de scouting. Je partage ce travail avec Jos Volders, Luc Sanders et Kurt Hinderijckx. Même en tant que T1, avant, j’aimais observer d’autres équipes car l’analyse est plus fine qu’en se contentant uniquement de rapports écrits. Je m’adapte bien à mon nouveau job. J’ai signé très tard, juste avant le début de la saison. Sur le banc, je vis encore comme si j’étais entraîneur principal. Il m’arrive de réagir sans m’en rendre compte.

Alors que Jan Ceulemans est, lui, si placide ?

Franky Van der Elst : C’est normal : j’ai longtemps été T1 au Germinal Beerschot et à Lokeren. Pas facile de devenir T3 du jour au lendemain mais ça va : si je vois quelque chose en match, je le signale au T2, René Verheyen qui relaye vers Jan Ceulemans qui, c’est connu, garde toujours son calme. René aussi. Je fais simplement mon travail. Le soir, je me sens moins stressé qu’avant. Un coach pense nuit et jour à son équipe. Je peux me concentrer sur autre chose à la maison. Le stade est à deux minutes de mon domicile. J’ai fait un choix pour trois ans. Après, on verra ce qui se passera. Aurai-je d’autres ambitions ? Est-ce que je travaillerai toujours avec les mêmes personnes ? C’est parce que ce staff avait la composition présente que j’ai opté pour cette fonction. Nous sommes sur la même longueur d’ondes. Quand j’étais T1 au Germinal Beerschot, j’attendais la même chose de mes adjoints : Simon Tahamata, Willy Wellens, Rudy Cossey, etc. Il faut trouver sa place, son équilibre. Ainsi, je m’adresse plus souvent à la presse francophone que Jan ou René : cela ne pose pas de problème.

N’êtes-vous pas gêné aux entournures par votre costume de T2 ?

Stéphane Demol : Absolument pas. Je suis adapté à 75 %. J’ai signé pour un an. L’avenir, c’est toujours le prochain match mais j’entends réussir ma mission. Je veux devenir le meilleur T2 de Belgique à la fin de la saison. C’est mon challenge personnel et probablement celui de Franky aussi. Je n’ai signé que pour un an mais cela peut durer trois ou quatre ans en ce qui me concerne. Ce sera  » mission accomplie  » avec une première ou une deuxième place et un billet pour la Ligue des Champions. Je n’ai que 39 ans. J’ai fait un choix qui me convient bien. J’ai toujours l’ambition de redevenir T1 un jour. Mais quand ? Je suis incapable de le dire. Je ne suis pas pressé. Comme Dominique me le demande, je m’implique beaucoup. Cela m’intéresse. Je n’aurais pas accepté ce job avec un autre. Ici, j’ai des responsabilités comme c’est le cas, dans leur domaine, de Frans Masson et de Claudy Dardenne. En semaine, il arrive au T1 de s’occuper de l’attaque, moi de la défense. Je peux interrompre le jeu et il attend que j’explique ce qui n’a pas été. Si je lui parle d’un problème tactique constaté en match d’entraînement, il n’hésite pas : -Tu devais arrêter la phase et redresser le tir.  » Je sais que je peux aller plus loin. La prochaine fois, j’interviendrai plus vite, comme on me le demande.

Est-ce que cela signifie que les frontières de votre zone d’action ne sont pas parfaitement établies ?

Stéphane Demol : Pas du tout. Les limites de mon action de T2 sont clairement établies mais Dominique définit souvent de nouveaux champs d’activité. C’est très motivant. Quand on s’exprime ainsi, il faut avoir la même vision que le T1. Si le groupe perçoit une divergence, ce n’est pas bon. Il n’y en a pas mais il suffit d’une erreur dans la façon de s’exprimer et tout devient plus délicat. Le T2 qui n’est pas d’accord avec le T1 fait mieux de rester à la maison. Si nous avons deux idées différentes, nous en parlons dans le vestiaire. Avec respect. Le dialogue est riche, nous échangeons tout ce que nous savons à propos d’une question précise et c’est le chef qui tranche si nécessaire, pas moi. Je peux réagir sur le banc, crier pour régler un positionnement défensif déficient. Je complète le travail du T1. J’aide, j’apporte une petite contribution mais je ne décide pas. Ce que j’exigeais de mes adjoints quand j’étais T1, je dois pouvoir l’offrir à Dominique. Dans le cas contraire, je n’aurais pas dû accepter l’offre du Standard.

 » A l’image de Vercauteren, Ceulemans avait une idée derrière la tête en LC  » (Demol)

Et sur le banc, parle-t-on beaucoup ?

Franky Van der Elst : Assez mais il ne faut pas donner mal de tête à son coach principal, le rendre fou ou trop nerveux.

Stéphane Demol : Sur le banc, il vaut mieux ne pas trop parler, juste ce qui est nécessaire. En Allemagne, les joueurs ne sont pas à côté du staff. C’est bien car dans le feu de l’action, on peut dire des bêtises sur le banc entre membres du staff technique. Cela peut concerner un joueur et il y aura toujours une âme  » charitable  » pour rapporter les propos. Mes amis me disent souvent que je passe mon temps à écrire sur le banc. Ce sont des détails qui peuvent être utiles. Mon chef est un énorme travailleur. Dominique a toujours beaucoup bossé en tant qu’adjoint durant des années. Il est habitué à se retrousser ses manches, est toujours le premier dans le vestiaire, à huit heures du matin. Je suis moins stressé. Mais c’est un retour dans un grand club. Franky a joué plus longtemps à Bruges que moi au Standard. Sclessin, cela me fait quelque chose. J’ai assez de travail.

Les résultats européens de nos clubs en Ligue des Champions sont-ils positifs ou négatifs pour le football belge ?

Stéphane Demol : La Juventus, on l’avait rencontrée en match amical d’avant saison à Genève. Buffon avait même dû sortir le grand jeu sur une tentative de Geraerts. C’est très fort, très beau, impressionnant. Quand je vois Zlatan Ibrahimovic à l’oeuvre, mince. On en a parlé chez nous, à l’entraînement et, en Belgique, seul Ogushi a le  » coffre  » pour tenir Ibrahimovic et le prendre dans un duel d’homme à homme. Vincent Kompany aussi mais le Suédois est plus rusé. Onyewu est même plus  » large  » que Zlatan. A un moment, Olivier De Cock a essayé de le contenir près du point de corner. Ibrahimovic l’a déposé comme un fétu de paille avant d’en dribbler deux autres. Il a de la classe. Citez-moi une chose qu’il ne sait pas faire.

Franky Van der Elst : J’avais pourtant crié et crié : – Cocky, Cocky, attention, ne fais pas cela, bal weg.  » Ibrahimovic a accéléré, c’était fini. Nous avons joué à trois au centre de la défense. Il y avait des raisons : garder Irahimovic et David Trézéguet à l’£il, être à quatre dans la ligne médiane face aux quatre milieux italiens, trois attaquants pour gêner des arrières qui songent d’abord à leur job de base et avoir, plus qu’Anderlecht, des joueurs devant le ballon. En 4-4-2, comme la Juve, nous aurions installé les Italiens dans leur système préféré. Le trio défensif joue presque sur la même ligne et quand il est bien pratiqué, c’est un système sans libero et, en finalité, avec un attaquant de plus. Contre la Juventus, un des trois a évidemment fait un pas en arrière pour couvrir les deux autres. Birger Maertens aurait souhaité jouer plus haut mais Marek Spilar et Joos Valgaeren reculaient avec Ibrahomovic et Trézéguet dans les pattes. A l’échauffement, Emerson, une montagne, donne l’impression d’être incapable de courir. Sur le terrain, il est impossible de la prendre de vitesse. Et puis, il y a la modestie des joueurs de la Juventus. Un équipier peut rater trois fois une passe, ils ne disent rien, reprennent tout de suite leur place. Ici, quand il y a centre raté, on entend tout de suite des lamentations : – Godverdomme, mais ça va pas, c’est quoi ça ?  » A la Juve, Pavel Nedved ne dit rien et se concentre sur son boulot. Cela fait réfléchir…

Stéphane Demol : Anderlecht et Bruges ont entamé leur choc européen avec une stratégie bien précise. Frankie a, entre autres, misé sur une grande mobilité. On en a ri au Standard. Pas de son choix mais on s’est dit qu’il avait retenu les joueurs ayant la meilleure VO2 max, les plus résistants à l’effort. Pour ce match-là, il a changé son fusil d’épaule et cela a posé des problèmes à José Morinho. Chelsea n’a pas été fringant face à cette difficulté. Si les Anglais désiraient plus, c’était à eux d’attaquer plus souvent. Bruges a aussi essayé quelque chose et cela a partiellement fonctionné comme pour Anderlecht à Londres. Bruges a quand même eu le culot de jouer avec trois attaquants et deux jeunes. A l’image de Frankie Vercauteren, Ceulemans avait une idée derrière la tête en Ligue des Champions. C’est beau quand cela se concrétise même partiellement, comme ce fut le cas. Un club et un coach apprennent quelque chose quand ils tentent un coup, veulent surprendre un adversaire et ne se contentent pas de subir les événements même contre la Juventus ou Chelsea. Frankie a eu des confirmations à Londres : il y a testé des concepts auxquels ils pensait certainement depuis quelque temps et a enrichi sa palette tactique.

Pierre Bilic

 » Je veux être LE MEILLEUR ADJOINT de Belgique à la fin de la saison  » (Stéphane Demol)

 » Sur le banc, je vis encore comme si j’étais COACH PRINCIPAL  » (Franky Van der Elst)

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