TIMMY SIMONS

Timmy Simons avait neuf ans lorsqu’il effectua ses premiers pas sur un terrain de football. En toute discrétion.  » A l’époque, personne ne pensait qu’il pourrait battre un jour le record de sélections chez les Diables Rouges.  »

Mark Volders, ancien gardien de Saint-Trond, a le même âge que Timmy Simons et fut son équipier depuis les minimes, à Assent, jusqu’à l’équipe première.  » Nous avons joué ensemble pendant deux ans en D3 « , dit-il.  » Puis Timmy est parti à Lommel avec Wim Van Diest tandis que je suis allé à Genk.

C’était un chouette gars, aussi calme que maintenant. Il a toujours été médian jusqu’à ce que Fons Rooms, l’entraîneur de l’équipe première, le fasse redescendre en défense. C’est à cette place qu’il a commencé à séduire des clubs de D1.

Il jouait proprement, ne prenait jamais un carton jaune. Je vais être honnête : à l’époque, personne ne pensait qu’il pourrait battre un jour le record du nombre de sélections en équipe nationale. Mais s’il y en avait un qui le méritait, c’était bien lui.  »

Car Simons est un bosseur, un type sans prétention. Sur le terrain comme en dehors. Après quelques mois, il mit un terme à ses études de kiné à Hasselt parce qu’il ne parvenait pas à les combiner avec le football. C’était pourtant son rêve. Après deux ans de latin, il avait suivi une formation sportive. Son père, Paul, l’avait autorisé à arrêter l’école à condition d’aller travailler.

Il l’avait présenté, à l’époque, à un collègue qui vendait des vitres, comme lui, à Rillaar. Très rapidement, son fils allait s’adapter à son nouveau mode de vie : lever à 6 h 30, départ à 7 h 30, fabriquer et placer des portes et des fenêtres jusqu’à 17 h, changer de sac en vitesse et partir à l’entraînement pour ne rentrer chez soi qu’à 21 heures.

Paul :  » Lorsque Timmy a quitté l’entreprise où il travaillait pour devenir footballeur pro, son patron m’a dit : Je perds mon meilleur ouvrier. S’il échoue au foot, il sera toujours le bienvenu chez moi.  »

A l’âge de 21 ans, le fiston signe un contrat professionnel avec Lommel.  » Je pense que je dois prendre le risque d’investir en moi pendant quelques années « , confie-t-il alors à Sport/Foot Magazine.  » Si j’échoue, je pourrai toujours redescendre d’un ou deux échelons et retourner travailler.  »

Il s’adapte sans problème à Lommel. Après sept matches, Daniel Nassen lance :  » Un jour, ce Simons jouera en équipe nationale.  » Les supporters rigolent parce que sur le parking des joueurs, il n’y a que des Mercedes (sponsor du club) et une petite camionnette sur laquelle on peut lire : Paul Simons, portes et fenêtres. On lui a pourtant proposé une Mercedes également mais il n’en a pas voulu. Il préfère faire de la publicité gratuite pour son père.

Les yeux de Meunier et De Bock

 » Je le vois encore arriver dans la petite camionnette de son père « , dit HarmvanVeldhoven, qui est alors son équipier et deviendra, plus tard, son entraîneur.  » Il était à la fois enthousiaste et réservé, modeste. Il ne parlait pas beaucoup, observait mais était disposé à travailler dur. Il voulait gagner sa place dans l’axe central, où Daniel dirigeait. Sur le terrain, il avalait les kilomètres et était capable d’aller rechercher un attaquant.

Ce n’est que plus tard qu’il a joué dans l’entrejeu. J’avais arrêté et il y avait un problème à cette place. Je lui ai demandé s’il était d’accord d’y jouer. Très modestement, il m’a répondu qu’il ne savait pas s’il en était capable. Je lui ai dit : Je te donne quatre matches. Si ça ne marche pas, tu retournes en défense et on cherche une autre solution.

C’est en effet Daniel qui a dit, en premier, qu’il serait un jour international. A l’époque, c’était surprenant. Mais il a eu raison. Nous avons connu de bons moments, même si les résultats ne suivaient pas. Timmy voyait clair, il était sobre et avait du talent. Il s’entendait très bien avec Dieter Dekelver et Wim Mennes et je pense que c’est toujours le cas.

Il a eu une très belle carrière. Si ThomasMeunier et LaurensDe Bock bénéficient d’autant de liberté offensive à Bruges, c’est à lui qu’ils le doivent. Il est leurs yeux. Peu de gens s’en rendent compte mais Timmy a toujours veillé sur le collectif.  »

Pendant les vacances, il fabriquait des moustiquaires à Rillaar et les vendait à Lommel pour gagner un peu d’argent. Il est resté bricoleur dans l’âme mais est devenu aussi un tout bon footballeur, comme le confirme sa deuxième saison dans le Limbourg. De plus en plus de clubs s’intéressent à lui.

En mars, le Club Bruges, qui a toujours souffert lors de ses déplacements à Lommel, le transfère au nez et à la barbe de Tottenham, Stuttgart, Hambourg ou de formations hollandaises. Son premier contrat dans la Venise du Nord n’est pourtant pas faramineux.

 » J’ai joué avec Timmy lors de sa première saison à Bruges « , se souvient Sven Vermant.  » Il est arrivé en même temps que Peter Van der Heyden et que Trond Sollied. Ses débuts furent très difficiles mais une fois que le championnat commença, il joua de mieux en mieux, s’imposa dans l’équipe et devint le joueur qu’il est aujourd’hui : sobre, efficace, modeste, réservé. Il avait déjà 23 ans.  »

Le successeur de Franky Van der Elst

 » Je le compare un peu à Hans Vanaken. Ce sont des gens qui ont mûri lentement, qu’on n’a pas tout de suite remarqués, qui ont été valorisés plus tard que les autres mais qui sont très importants dans une équipe. On ne peut pas avoir un seul type de joueurs.  »

Bruges ne doit pas craindre d’avoir transféré un guindailleur.  » Je ne sais pas s’il a déjà vu l’intérieur d’un dancing « , disait Paul Simons en 2001, lorsqu’on l’interrogeait sur les jeunes années de son fils.  » Lorsqu’il y avait une fête à l’école, je l’y déposais vers 21 heures et il proposait lui-même que je vienne le rechercher à minuit. La plupart du temps, dès 23 heures, il était à la maison. Il était rentré à pied d’Aarschot, à une demi-douzaine de kilomètres.  »

A l’époque, le journal Le Soir se fend d’un parallèle audacieux : Simons débarque au même âge que Francky Van der Elst (23), il vient d’un club qui descend (RWDM dans le cas de VDE) et affiche le même profil, tant sur le plan physique qu’en ce qui concerne la polyvalence (défense et entrejeu). Bruges a-t-il trouvé le successeur de Fox, qui a mis fin à sa carrière un an plus tôt ? Simons réagit gentiment mais refuse la comparaison.  » Ça fait plaisir mais c’est exagéré et certainement prématuré.  »

Son talent ne tarde cependant pas à éclater. Sous la direction de Sollied, Simons s’épanouit complètement.  » Timmy Simons ne sera jamais le nouveau Franky Van der Elst parce qu’il sera Timmy Simons « , dit le Norvégien après quelques semaines.  » Les bons joueurs assurent leur avenir en se faisant un nom.  »

Ce sera également le cas au niveau international, même s’il doit encore patienter. Le 28 février 2001, il est sélectionné pour la première fois chez les Diables Rouges. Impatient pour son fils, Paul Simons a déjà taclé sérieusement Robert Waseige dans Humo mais les choses s’arrangent car Waseige croit en Simons :  » Il ne perd jamais le ballon.  »

La Belgique bat Saint-Marin (10-1) mais Simons reste sur le banc. Il n’empêche que c’est la première de plus de cent sélections.

A l’époque des GSM et des voitures de sport, il constitue une exception : il n’a alors pas de téléphone portable. Plus tard, il héritera de celui de son père. Jusqu’en février 2001, il vient d’Ostende à Bruges en camionnette (« C’était plus pratique pour le déménagement ») et lorsque le Krant van West Vlaanderen lui fixe rendez-vous pour une interview dans la cité balnéaire, il débarque à vélo.

Soulier d’Or 2002

Il se dit toutefois qu’il doit peut-être changer certaines choses.  » Quand on a dévoilé la sélection, les gens de la fédération et les journalistes ont eu trop de difficultés à me trouver. C’est un voisin qui m’a félicité et je ne savais même pas pourquoi.  »

Son sérieux agace même un peu son compagnon de chambrée à Bruges et en équipe nationale, Peter Van Der Heyden.  » Dès que le réveil sonne, il file à la salle de bains en criant : Et maintenant, en route pour l’entraînement, déclare celui-ci en 2001.  » Moi, je préfère être éveillé en douceur.  »

Le 16 janvier 2002, Simons reçoit la reconnaissance suprême : le Soulier d’Or, que plus aucun joueur du Club Bruges n’a décroché depuis 1996. Il est donc bien le successeur de… Franky Van der Elst. Au cours de la cérémonie, il n’exprime guère d’émotion.  » Je pense que derrière cette façade, ce Simons déborde d’ambition « , écrit Gunter Jacob, actuel directeur technique du RC Genk, dans un éditorial.

Cela s’avère rapidement exact. Si Simons ne s’en va pas à Schalke, ce n’est que suite à une dispute entre les clubs.  » Rudi Assauer est un trafiquant d’êtres humains avec qui, moi vivant, nous ne négocierons plus jamais « , dit Antoine Vanhove. Et quelques jours plus tard, Simons rempile pour cinq ans au Club Bruges, jusqu’en 2008. Il a attendu que tout le monde ait resigné et a obtenu de très bonnes conditions financières.

Les prévisions de Jacob s’avèrent encore beaucoup plus exactes en 2005. Dans les journaux, Simons se montre soudain beaucoup plus incisif. La Belgique a loupé la qualification pour la Coupe du monde et la nonchalance de Vincent Kompany l’énerve au plus haut point.  » Ce n’est pas la première fois que nous attirons son attention : il doit être plus discipliné « , dit-il.

Et à Bruges, lorsque Philippe Clement s’en prend à Trond Sollied, Simons rappelle son équipier à l’ordre :  » Si je me retrouve sur le banc dimanche, j’en parlerai à Sollied, pas aux journalistes.  »

Il est temps qu’il parte. Il opte pour le PSV. Le 30 juin, Marc Degryse lui accorde son bon de sortie. Guus Hiddink lui plaît. Le Club, qui l’a acheté à Lommel pour cinq cent mille euros, encaisse 4 millions d’euros. Simons signe un contrat de quatre ans. Au moment du départ, il salue l’entraîneur qui lui a permis de grandir :  » Deux fois vice-champion, deux fois champion et deux coupes : ce n’est pas demain la veille qu’un entraîneur obtiendra d’aussi bons résultats à Bruges.  » Il avait vu juste.

Le Lion des Flandres

Le PSV sera champion trois fois de suite mais dès la fin de sa première saison, il affirme être  » l’homme le plus heureux au monde.  » Le NRC Handelsblad le surnomme Le roi des phases arrêtées. Il est le spécialiste des corners et des coups-francs. Les Hollandais l’adoptent. En 2007, ils déroulent une banderole sur laquelle on peut lire : Kapitein Simons, onze Leeuw van Vlaanderen.

C’est pourtant un Hollandais qui porte le premier coup à sa carrière. Lorsqu’il reprend les Diables Rouges, Dick Advocaat laisse tomber Simons. De septembre 2009 à septembre 2010, il n’est plus appelé une seule fois en équipe nationale. Advocaat lui téléphone certes en personne pour lui annoncer cette décision mais l’appel est si court et si sec que Simons, abasourdi, n’a pas le temps de demander des explications. Pendant des mois, il se tait mais en décembre 2009, il réagit :  » C’est moi qui déciderai de la fin de ma carrière chez les Diables Rouges.  »

Au PSV aussi, ça va moins bien. Il joue encore mais il est temps de passer à autre chose. Fred Rutten, son entraîneur, estime qu’il joue de plus en plus bas pour camoufler sa lenteur. Simons est tout de même surpris lorsqu’à l’été 2010, Nuremberg lui demande s’il n’a pas envie de tenter sa chance en Bundesliga. Il vient de construire à Mol, a aménagé une bonne cave à vin – sa passion – et au PSV, on a déjà évoqué une collaboration future. Sa femme travaille, ses filles ont l’âge d’aller à l’école. Pourtant, il accepte.

Trois ans plus tard, lorsqu’il quitte l’Allemagne, il n’a pratiquement pas loupé un match. En septembre 2010, il est même redevenu international, même s’il doit désormais se contenter d’une place dans l’ombre.  » J’en ai parlé à Malines avec Wilson Kamavuaka, qui fut son équipier à Nuremberg « , dit Harm Van Veldhoven.  » Il trouvait Timmy impressionnant, imbattable sur le plan physique. Impossible de se passer de lui.  »

Aujourd’hui, il assure son avenir en dehors des terrains. Celui-ci se situera dans l’immobilier et dans le sport. Le Club Bruges lui a déjà promis un job et il fait partie d’une équipe de cyclo-cross. A Nuremberg aussi, il avait lancé un projet. Car Simons ne tient pas en place. En Allemagne, il prenait des cours à distance et il continue à se former dans le management, l’immobilier, l’économie, le droit, la comptabilité mais aussi les ressources humaines.

PAR PETER T’KINT

 » Dès que le réveil sonne, il file à la salle de bains en criant : Et maintenant, en route pour l’entraînement.  » Peter Van Der Heyden

 » Timmy ne peut pas devenir le nouveau Franky Van der Elst, car il est Timmy Simons.  » Trond Sollied

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