L’Albert-Elisabeth est retombé dans ses travers et la confiance placée en Riga était la façade d’un bâtiment qui se lézarde de toutes parts.

On nous avait promis que cela ne se reproduirait plus. Que des conclusions définitives avaient été tirées après la saga Sergio Brio, il y a de cela trois ans. On nous disait que le club avait grandi et que les ondes négatives avaient disparu. Pourtant, une crise plus tard et les maux d’alors réapparaissent comme par enchantement. A Mons, l’atmosphère est lourde et des snipers s’en donnent à c£ur joie, flinguant à tour de bras. Les vaudevilles se succèdent. Sans parler du coup de gueule de Frédéric Herpoel quand il découvrit les arcanes du club…

Officiellement, tout le monde était derrière l’entraîneur José Riga mais quelques jours avant sa confirmation présidentielle, un dirigeant nous avait confié :  » Je ne comprends pas pourquoi la presse est si conciliante avec lui. Quand je compare son bilan, je le trouve aussi pauvre que celui de René Vandereycken. Or, la presse tire à boulets rouges sur le coach fédéral et personne ne s’en prend à Riga « . Ambiance ! Même si devant certaines mines interloquées, le dirigeant en question s’empressait d’ajouter :  » … et c’est tant mieux pour le club « .

Riga ne porte pas seul les responsabilités de la crise. Il a déjà prouvé, avec ce groupe, ce qu’il pouvait en tirer. Mais tous les hommes en place au stade Charles Tondreau n’ont pas fait preuve de la même compétence…

Il y a trois ans, après l’épisode Brio, une des premières décisions du président Dominique Leone fut de nommer une nouvelle équipe dirigeante, écartant certaines personnes et mettant plus ou moins au frigo d’autres cadres historiques comme Geo Van Pyperzeele. Il fut déchargé de sa fonction de directeur sportif pour une place d’administrateur. A l’époque, il semblait normal de confier cette fonction à des gens du sérail. L’Albert avait quitté la voie de l’amateurisme pour celle du professionnalisme. Trois ans plus tard, qui revoilà ? Van Pyp !

Autre exemple de cette cacophonie ambiante. Au soir de la défaite face à Bruges, Riga met près d’une heure à quitter le vestiaire avant de faire face à la presse. Entre-temps, Van Pyperzeele qui avait sondé à chaud son entraîneur, déclare que ce dernier  » est très déçu et abattu « . Il sous-entend que Riga a proposé sa démission :  » Il en a parlé avec beaucoup d’intensité « . Quelques minutes plus tard, quand on lui pose la question, le coach sourit et dit :  » C’est clair qu’il y a un sentiment à répétition : la frustration par rapport à ce qu’on donne et ce qu’on obtient mais je garde courage. Je suis toujours au poste. Il ne faut pas chercher trop loin. Vous avez devant vous simplement quelqu’un sous le coup de la déception « .

Mais qui décide dans ce club ? Et qui fait quoi ? Telles sont les questions que tout le monde se pose.

Dominique Leone, l’indécis

Le président est à la tête de l’Albert depuis cinq ans. Résultat : plus de cinq millions d’euros injectés dans un club qui se traîne. Il ne ménage pas sa peine mais semble de plus en plus fatigué par la tournure des événements. Il a du mal à prendre des décisions importantes.  » Il aime demander des conseils « , explique un proche du club,  » mais il se laisse trop influencer. Avec lui, c’est le dernier qui a parlé qui a raison « . Ainsi, pendant deux semaines, il n’a plus su quoi faire aves son entraîneur. Un jour, il le vire; le lendemain, il se ravise. Confirmé après Bruges, Riga était sur la selette une semaine plus tard. Avec le résultat que l’on connaît.

Pourtant, il s’est identifié à son club.  » Il aime ses joueurs et est attaché à son staff. Ce qui le fait agir de façon parfois un peu trop émotionnelle. Il n’arrive pas à se séparer des incompétents et apprécie avoir sa cour « .

En tant que chef d’entreprise, Leone a parfaitement structuré sa cellule administrative et commerciale. Il a une vision sur le futur de son club en tant qu’entité commerciale. Ainsi, il a misé sur le stade et préfère pratiquer une politique de prix élevés pour attirer une clientèle qui possède les moyens de dépenser au stade. Par contre, il n’a pas réussi cela sur le plan sportif.  » Comme tout chef, il a compris qu’il fallait diviser pour régner « . Résultat : c’est parfois la foire d’empoigne entre les dirigeants.

Alors qu’il avait décidé de rester discret médiatiquement, Leone a cependant pris ses responsabilités en imposant ses vues et en défendant beaucoup José Riga. Jusqu à un certain point.

Elio Di Rupo, l’ombre nécessaire

Peu présent au club depuis l’affaire Brio, il a laissé Leone s’occuper de tout, la ville n’intervenant que dans les travaux du stade. Dernièrement, Leone a menacé de se retirer du club si Di Rupo ne s’impliquait pas davantage. Le président du PS a donc réuni une table ronde d’investisseurs pour les inciter à s’engager auprès de l’Albert. En tant qu’homme politique, il a intérêt à avoir un club en D1.

Les deux hommes ont besoin l’un de l’autre. Leone compte sur Di Rupo pour la finalisation des infrastructures et Di Rupo ne peut se passer de Leone car en cas de départ de ce dernier, il n’a personne pour reprendre le club.

Alain Lommers, l’étranger

Arrivé au club en 2003, il est devenu le bras droit du président Leone. Quand on demande des explications au président, ce dernier renvoie ses interlocuteurs vers Lommers.  » J’ai pleinement confiance en mon directeur général « . Arrivé en droite ligne de Sodexho, Lommers s’est fait une place au sein du football belge, en s’imposant à l’Union Belge où son travail et sa personnalité sont particulièrement appréciés. Par contre, il n’a pas que des amis à Mons.

 » C’est un Bruxellois qui vit à Enghien et il est mal accepté par la communauté montoise « , explique encore un proche du club,  » Mons est une ville de province à l’image de celles que l’on voit dans les films de Claude Chabrol « . Tout étranger y est vu comme un intrus. De plus, ses détracteurs lui trouvent un goût trop prononcé pour le domaine sportif dans lequel il manque de références. A l’époque où Jos Daerden était encore entraîneur, le Limbourgeois n’hésitait pas à se plaindre, en privé, de l’ingérence de Lommers :  » C’est pas à lui de me dire si je dois ou non jouer en 4-4-2 « .

Comme directeur général, Lommers chapeaute la cellule commerciale. C’est lui, de concert avec le président Leone, qui finalise les transferts. Jamais la cellule sportive n’a participé aux négociations. Il est même plus dur en affaires que son président. Exemple : lors de la reconduction de contrat d’ Ivan Milas, malgré les arguments du joueur, il a tenu bon, ne lui offrant qu’une seule année de contrat. Jusqu’à ce que Dominique Leone, trop sentimental, ne lance – Allez, Alain, donne-lui-en deux. Pendant un an et demi, Milas n’a plus joué. Fallait-il lui donner un ou deux ans de contrat ?

Geo Van Pyperzeele, le pur Montois

Mais pourquoi Leone est-il allé rechercher Van Pyp, acteur économique de la ville en tant que tenancier de quelques tavernes de la Grand-Place et directeur de l’ASBL Phase ?  » Vous en voyez d’autres, des directeurs techniques libres en ce moment ? », explique Lommers. Oui. Il y a d’anciens joueurs comme Stéphane Demol, Frankie Vercauteren ou Marc Degryse. Et si Mons cherchait un électrochoc, pourquoi ne pas recaser Riga à ce poste comme l’a fait Rennes avec Pierre Dréossi ? Non, on a préféré miser sur une solution intérimaire, à mi-temps.

 » Van Pyperzeele est très proche des pouvoirs politiques montois et à l’Albert, on se dit que cela peut servir « , ajoute le proche du club. En gros, vaut mieux l’avoir comme ami que comme ennemi. C’est un tampon entre le club et la ville. Il a de l’influence et il n’est pas intéressé financièrement puisque ses affaires sont florissantes.  » Je n’attends pas la fin du mois pour toucher mon chèque « , explique Van Pyperzeele. Il fait cela pour l’amour d’un club pour lequel il vibre depuis 50 ans. Et c’est pour cette raison qu’il a la confiance de Leone qui veut éviter d’insérer un loup dans la bergerie.

Pourtant, comment le club peut-il espérer réaliser des bons coups lors de ce mercato hivernal importantissime avec un directeur technique à mi-temps ?  » A Mons, on ne travaille que sur base des CV, des DVD et de la bonne entente avec les agents. Ce n’est pas normal, alors que Mons recherche un attaquant depuis deux mois, que la seule solution envisagée soit celle de Mohammed Dahmane. Vous croyez que Willy Reynders ou Gilbert De Groote travaillent de la sorte à Genk et à Gand ? Non. Ils vont sur place, voyagent sans cesse et voient des centaines de rencontres. Mais ce n’est pas nouveau. Jean-Paul Colonval fonctionnait déjà de la sorte « , affirme un proche du club.

Jean-Paul Colonval, dépassé

Touché dans son orgueil par les critiques des supporters, Colonval a eu la fierté et l’intelligence de donner sa démission. Il faut avouer qu’il n’était plus en odeur de sainteté. Il n’avait pas la confiance du vestiaire qui le trouvait dépassé.  » Dépassé ? C’est un bien maigre mot. C’est un ringard « , explique un médian montois. Ces propos sont très virulents mais Colonval était parfois un peu dépassé par les événements. Notamment sur le plan des transferts. Car, à force de nous raconter que le dernier mercato hivernal fut une réussite, on en oublierait les échecs. Adriano Duarte a été imposé par Colonval mais Christian Landu Tubi et Daniel Wansi aussi. A Mons, il y a toujours eu, depuis deux ans, une gestion à court terme de l’effectif. On parait au plus pressé. L’année passée, on disait que le club, n’ayant appris sa promotion que sur le tard, n’avait pu effectuer le marché voulu. Mais les dirigeants ont bien eu le temps de préparer la campagne actuelle. Et tout le monde savait qu’il faudrait trouver un remplaçant à Dahmane.

Colonval a toujours eu la confiance de Leone et il y a fort à parier qu’il serait toujours en place s’il n’avait pas démissionné. Colonval est la preuve vivante de l’aspect sentimental de Leone.  » Le président m’a dit que j’étais toujours le bienvenu à Mons, que je serais son invité d’honneur et que je prendrais place à ses côtés en tribune « , explique d’ailleurs Colonval qui ne désire pas encore reparler de son expérience montoise. En Coupe de Belgique, contre Gand, Colonval était d’ailleurs assis aux côtés de Leone. Et ce, alors qu’il travaille désormais pour le plus farouche concurrent actuel de l’Albert, le Brussels. Normal ?

Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient. Colonval est arrivé à Mons dans un contexte difficile. Il a redonné une image positive au club et fut un des acteurs de la remontée immédiate de l’Albert.

Mario Leone, l’£il de Moscou

Le frère du président n’est pas aussi influent que les autres dirigeants. Mais comme team manager, il occupe un rôle. C’est l’£il de Moscou et quand quelque chose se passe dans le vestiaire, il s’empresse de téléphoner à son frère pour tout lui raconter.

Cela permet à Dominique Leone de savoir qui rôde autour de l’équipe et de ne plus accepter les vautours qui traînaient aux alentours du stade Tondreau, à l’époque Brio. Mais le résultat a une conséquence perverse : personne ne fait confiance à Mario Leone.

Christophe Dessy, le nettoyeur

Arrivé à la tête de l’école des jeunes en fin de saison passée, il a découvert un champ de ruines. Depuis, il s’attelle à construire.  » Je soupçonne Dominique Leone de l’avoir mis là pour faire le grand nettoyage à sa place « , explique un proche de l’école des jeunes. Il a donc un fort soutien présidentiel.

Alors que dans un premier temps, tout le monde pensait que Dessy était appelé un jour ou l’autre à la fonction de directeur technique, il se contente pour le moment de l’école des jeunes. C’est un formateur brillant, très rigide voire parfois trop rigide mais pour Leone, c’est une qualité. Le président aime les hommes qui ont des règles et n’y dérogent pas.

José Riga, le gentil prof

L’entraîneur a longtemps constitué l’homme providentiel. Son étoile a fortement pâli ces derniers temps. Les joueurs ont longtemps apprécié ses entraînements variés et professionnels ainsi que sa faculté à ne pas se couper du groupe. Pourtant, son discours professoral ne passait plus auprès de certains.  » Il a un côté trop policé, intellectuel et éduqué pour un vestiaire où il y a beaucoup de vauriens « , explique un proche du club.  » En gros, il a un discours plus Jospin que Sarkozy « .

Leone l’a toujours soutenu, consulté et défendu. Pourtant, ces dernières semaines, le président a quand même tenté de trouver une autre solution, bloqué par les deux années de contrat qui lient encore Riga au club.

Pour travailler, Riga aurait aimé de la sérénité mais il a dû sans cesse colmater les brèches.

Le staff technique

Seul le préparateur physique, Bernard Smeets, a toujours été à 100 % derrière Riga. Il faut dire qu’il est arrivé dans les bagages de l’entraîneur. Les deux autres, Michel Wintacq, l’adjoint et Michel Iannacone, l’entraîneur des gardiens, sentant le vent tourner, ont tendance à s’éloigner de plus en plus de Riga. C’est pourtant ce dernier qui avait, en juin dernier, insisté auprès du président pour reconduire leur contrat d’un an.

Mais voilà, ce ne fut pas suffisant. On sent une certaine frustration de n’avoir un bail que jusqu’en juin 2008, là où Riga a obtenu une reconduction jusqu’en 2010.

par stéphane vande velde

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