THOMAS D’HAVÉ

Thomas D’havé traite des footballeurs atteints de blessures chroniques ou récurrentes selon les principes de la psycho-neuro-immunologie clinique (kPNI Belgium). Il travaille notamment pour l’Ajax Amsterdam et West Ham.

1 Vincent Kompany est encore blessé. Ce serait sa 14e atteinte au mollet, d’après la presse anglaise. Pour Manuel Pellegrini, son coach à Manchester City, ce n’est que de la poisse. Peut-on vraiment se contenter de cette explication ?

Je ne crois pas au hasard. Il faut étudier le passé. Le symptôme n’est jamais le véritable problème : dans le corps, encoulisse ou en profondeur, il se passe des choses plus importantes que l’atteinte au tissu musculaire local. Ce fameux problème sous-jacent interpelle et utilise alors tous les matériaux du corps, ce qui empêche une blessure périphérique de guérir car elle constitue un problème secondaire.

2 Le schéma nutritionnel établi pour des footballeurs par Stephanie Scheirlynck, diététicienne du sport d’Anderlecht, recommande beaucoup de pain, de pâtes, de riz et de pommes de terre alors que vous conseillez d’en limiter la consommation, voire de l’éviter. Qui se trompe et pourquoi ?

La consommation d’hydrates de carbone augmente le taux d’insuline et permet aux muscles de stocker du glucose. Mais ce phénomène ne se produit pas quand on bouge, comme l’atteste la littérature scientifique car dans ce cas, l’insuline bloque justement l’absorption du glucose en tant que carburant. Pourquoi consommer des hydrates de carbone avant un match si le corps ne peut quand même pas assimiler ces sucres ? En outre, la consommation d’hydrates de carbone raffinés induit une activation chronique du système immunitaire et c’est une des causes de blessures sans contact. Ne serait-il donc pas intéressant de s’orienter vers des hydrates de carbone naturels issus des légumes et de lipides sains ?

3 Donc, si les Diables Rouges suivaient le régime cétogène de Chris Froome, ils seraient moins exposés aux blessures à l’EURO et presteraient mieux ?

Oui, à une nuance près : le régime cétogène, qui consiste à consommer plus de lipides contenus dans les avocats, les noix de coco et les pilons de volaille, doit toujours aller de pair avec l’ingestion d’une grande variété de légumes. Je diminuerais aussi la fréquence des repas -les footballeurs mangent toute la journée – et je dispenserais les entraînements à jeun. Une fois délivrée de sa dépendance au sucre, l’énergie se concentre sur le fonctionnement du cerveau et des muscles, quand on a faim. Or, de quoi a-t-on besoin pour gagner des matches ? De notre cerveau et de nos muscles.

4 Vous êtes spécialisé dans le traitement de footballeurs de haut niveau atteints de blessures chroniques ou récurrentes. Quelle est la principale cause de ces atteintes ?

Ce qui complique le diagnostic, c’est la multi-étiologie des blessures d’origine non traumatique : différents facteurs forment la cause du problème. Nous pouvons mettre certains en évidence mais pas tout. Il suffit de poser des questions pour connaître certains facteurs mais personne ne le fait : l’influence du biorythme sur la guérison, le style de vie mais aussi, par exemple, une mononucléose qui n’est pas encore guérie ou une plaie mal cicatrisée après une opération. Récemment, j’ai reçu un joueur qui n’avait jamais été blessé… jusqu’à son voyage en Inde.

5 Leo Pruimboom, votre mentor, nous a dit en début de saison qu’il dirigeait une étude en football sur les traitements psycho-neuro-immunologiques et que les premières données, issues d’une équipe de Premier League, étaient plus que prometteuses. Qu’indiquent ces données ?

Pruimboom a mis en évidence des paramètres inflammatoires chez 20 à 25 % des joueurs. Ceux-ci étaient plus souvent blessés que les autres. A l’avenir, nous allons être en mesure de prédire partiellement les blessures. Un autre constat intéressant est que beaucoup de joueurs ne bougent plus en dehors des entraînements. C’est souvent une partie du problème car cela a des conséquences immunologiques, cardiologiques et musculaires.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

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