Think Celtic

Bruno Govers

Système et ferveur : pour la paire scandinave, le club écossais devrait faire figure de référence au Sporting.

Titulaires, réservistes, blessés, suspendus : Hannu Tihinen et Christian Wilhelmsson ont déjà connu tous ces statuts au RSCA. Là ne s’arrêtent d’ailleurs pas les similitudes entre eux puisque tous deux, après s’être solidarisés au football dans leur pays respectif, la Finlande et la Suède, se sont retrouvés de concert en Norvège puis à Anderlecht. Non sans avoir été adversaires, l’année passée, au premier tour de la Coupe de l’UEFA entre le Sporting et Stabaek. Une double confrontation dont les Mauves ne s’étaient pas sortis sans mal : 0-1 au Parc Astrid et 1-2 à Oslo.

Anderlecht n’a-t-il pas fait preuve de plus de respect contre Lyon et le Bayern que Stabaek vis-à-vis de lui la saison passée ?

Christian Wilhelmsson : L’enjeu n’était pas le même. Avec mon club norvégien, nous n’avions rien à perdre face à une opposition aussi relevée. C’est pourquoi, tant à l’aller qu’au retour, l’équipe était restée fidèle à son schéma de jeu habituel en 4-4-2. Même après notre victoire surprenante à Bruxelles, le coach, Anders Linderoth, n’avait pas voulu déroger à son système. A raison, car si Christian Michelsen s’était montré un tantinet plus inspiré face à Filip De Wilde en toute fin de match, Stabaek aurait rétabli l’égalité et forcé sa qualification pour les 32e de finale. Dès mon arrivée au Sporting, cet été, j’ai perçu un tout autre langage, beaucoup plus ambitieux. Ici, participer ne suffit pas. Il faut que les résultats suivent. Et, pour y arriver, on n’hésite pas à modifier l’effectif ou le système. J’avoue avoir été surpris quand Hugo Broos s’est subitement prononcé en faveur d’un 4-3-3, lors de la visite du Rapid Bucarest, alors que jusqu’à ce stade de la saison, Anderlecht avait toujours opéré avec une double occupation des flancs. Dans le même ordre d’idées, le recours au 4-5-1, à Lyon, s’écartait lui aussi de la norme utilisée depuis le début de notre campagne de préparation. Je me demande quand même dans quelle mesure, pour une jeune formation en rodage, comme la nôtre, ces changements s’avèrent pertinents. J’ai plutôt l’impression qu’ils nous ont perturbés alors que le 4-4-2 avait fait ses preuves jusque-là.

Hannu Tihinen : Je peux comprendre que pour un garçon comme Christian Wilhelmsson, qui a toujours été habitué à un même mode d’expression sur le terrain, ces dernières années, une modification tactique puisse être un élément déstabilisateur. Mais en tant qu’ancien, rompu à divers systèmes, je n’émettrai pas les mêmes réserves. En revanche, je rejoins complètement son point de vue quand il met en exergue la jeunesse et, par là même, le manque d’expérience de l’effectif. Car chez nous, par rapport à la concurrence au sein de notre poule en Ligue des Champions, pas mal de joueurs n’ont pas le moindre vécu à ce niveau. C’est valable pour Daniel Zitka, Vincent Kompany et Olivier Deschacht, pour ne citer que les éléments du compartiment défensif. Aussi, je crois qu’il convient de se montrer indulgent avec le Sporting, qui est finalement en pleine phase d’apprentissage. Mes deux jeunes coéquipiers à l’arrière ont été montrés du doigt suite au but égalisateur du Bayern. C’est le tribut qu’ils paient à leur manque de routine. A cet échelon, la moindre petite erreur se paie cash. Sans compter qu’en cas de doute, la balance ne penche plus en notre faveur. L’année passée, nous avions, par exemple, bénéficié d’un fameux coup de pouce du destin à Stabaek, sous la forme d’un deuxième but déterminant, inscrit de la main par Sherjill Mc Donald. A Gerland, sur la phase du penalty, nous avons été nettement moins favorisés par l’arbitrage. Ces petits détails pèsent de tout leur poids dans la balance au moment du décompte final.

Le système et la foi

Face au Bayern, vous étiez le seul arrière du RSCA à exciper d’un vécu en Ligue des Champions. Pouvez-vous comparer votre première expérience à ce niveau avec l’HJK Helsinki, en 1998-1999, à celle d’aujourd’hui ?

Tihinen : A cette époque-là, j’ai connu exactement la même situation que Christian Wilhelmsson avec Stabaek contre Anderlecht, en ce sens qu’il n’y avait pas la moindre pression pour nous. En réalité, nous avions déjà réussi au-delà des espérances en venant à bout de Metz au tour préliminaire. Le reste, c’était du bonus. Grâce à cet esprit dégagé de toute contrainte, nous avions réalisé quelques résultats de la meilleure veine : un nul contre Kaiserslautern chez nous, ainsi qu’une victoire et un draw devant le Benfica emmené par Michel Preud’homme. Avec cinq points, nous avions terminé à la dernière place du groupe derrière les Allemands, les Portugais et les Néerlandais du PSV. Mais il n’empêche que c’était la fête dans la capitale finlandaise. Avec Anderlecht, dans le même cas de figure, l’atmosphère serait à coup sûr à la désolation.

Wilhelmsson : Nous fermons malheureusement la marche actuellement. C’est d’autant plus râlant que nous pouvions espérer nettement mieux après deux matches. Il aurait fallu prendre un point à Lyon et trois face à un Bayern réduit à dix. Bizarrement, alors que l’essentiel semblait acquis sous la forme du but d’Ivica Mornar, le Sporting n’a pas été en mesure de gérer son avance. Au lieu de conserver le ballon, il a usé et abusé de longs services vers l’avant qui revenaient quasi aussitôt à l’expéditeur. Il s’agira de retenir cette leçon dans l’optique du match contre le Celtic. Car ce n’est qu’à ce prix que l’équipe pourra réaliser un résultat enviable face aux Ecossais, aussi bien chez nous qu’à Parkhead.

Le Celtic ne constitue-t-il pas une carte plus jouable que Lyon et le Bayern, qui jouent dans des championnats plus relevés ?

Wilhelmsson : Quel que soit le niveau, l’essentiel, à mes yeux, c’est le système et la foi. En Norvège, Rosenborg évolue aussi dans une compétition guère huppée. Mais cette situation ne l’empêche nullement de défendre crânement ses chances face aux meilleurs en optant toujours pour le 4-3-3, dans ses installations ou ailleurs. Cette routine explique sa force. Et le Celtic ne procède pas autrement. Il faut s’inspirer de ces exemples. Si Anderlecht s’y résout, il exploitera au maximum ses capacités. Pour l’heure, il ne le fait qu’à 80 %.

Tihinen : Même si les Ecossais ont été battus par le Bayern, ils ont eu le mérite de le faire trembler jusqu’au bout. Et c’est avec le même état d’esprit qu’ils se présenteront chez nous. J’ai été servi avec Giovane Elber et Roy Makaay au cours des deux premiers rendez-vous. Mais je ne perdrai pas au change avec Henrik Larsson, c’est sûr.

Vous avez mis complètement le Néerlandais sous l’éteignoir au Parc Astrid. Beaucoup disent que c’était votre meilleur match sous le maillot anderlechtois.

Tihinen : C’eût été le meilleur si nous l’avions remporté. Personnellement, j’ai retiré davantage de satisfaction de mon duel face à Marius Bratu du Rapid Bucarest. Ce jour-là, j’avais vraiment contribué à maintenir le zéro au marquoir.

Wilhelmsson : Avec Stabaek, il m’est arrivé à l’une ou l’autre reprise d’être titularisé à la pointe de l’attaque. Face à Viking Stavanger, l’ex-club d’Hannu Tihinen, justement. Mais je n’étais jamais à la fête dans ce cas. La seule fois que j’ai inscrit deux buts contre cette équipe, il était blessé. Je suis content d’être son coéquipier aujourd’hui (il rit).

Tihinen : Et moi, je suis heureux de compter Aruna Dindane parmi mes partenaires. Car il est intenable. Pour l’arrêter, il faut pour ainsi dire toujours recourir à la faute. A l’entraînement, je n’ai jamais la vie belle avec lui. Un seul autre avant m’a fait souffrir de la même manière avant lui : Ruud van Nistelrooy qui avait réalisé un hat-trick avec le PSV face à l’HJK en Ligue des Champions autrefois. Mais j’étais jeune à l’époque, 21 ans, et je manquais de planches. Je ne pense pas que je souffrirais encore de la même manière avec lui à présent.

Richesse en profondeur

Au RSCA, vous êtes appelé à épauler une autre promesse : Vincent Kompany. Comment se passe cette collaboration ?

Tihinen : Très bien, car il est très intelligent et réceptif. C’est un plaisir de jouer à ses côtés. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : j’éprouve autant de satisfaction avec Glen De Boeck dans le centre de la défense. L’essentiel, pour moi, c’est de jouer mon match. Quel que soit celui qui officie dans mes parages. Mais si je dois m’effacer, je n’en ferai pas un monde pour autant. Le plus important, c’est le bien de l’équipe.

Pour vous, Christian Wilhelmsson, la menace en début de saison était Goran Lovré, un autre coming man ?

Wilhelmsson : Ce qui m’a franchement interpellé, ici, c’est la richesse du club en profondeur. Car il y a non seulement ces deux gars-là mais aussi Mark De Man, Maarten Martens ou encore Dennis Calincov. Il y a un nombre incroyable de talents au Sporting. C’est pourquoi je perçois comme un honneur qu’un club de ce calibre soit venu me chercher, malgré tout. J’en conclus que je dois avoir des qualités (il rit).

Vous avez tous les deux quitté vos pays respectifs, la Finlande et la Suède, pour tâter du football en Norvège. Dans quelle mesure avez-vous étoffé votre registre là-bas ?

Tihinen : Je suis passé du top absolu en Finlande, l’HJK Helsinki, dans un club qui émargeait au sub-top norvégien derrière Rosenborg et Brann Bergen : Viking Stavanger. Et pourtant, j’ai effectué un énorme pas en avant. En muselant, entre autres, des adversaires de choix comme Thorstein Helstad, qu’Anderlecht a d’ailleurs eu dans le viseur à un moment donné, ou John Carew. Ici, j’ai poursuivi sur cette voie car la Belgique présente quand même la particularité de compter davantage de bons attaquants que la Norvège. Même si, d’une saison à l’autre, la qualité est devenue moins abondante suite aux départs de Wesley Sonck, Ole-Martin Aarst ou Ali Lukunku. Christian Wilhelmsson est une belle compensation, évidemment (il rit). Mais il ne compte pas parmi mes adversaires, heureusement.

Wilhelmsson : Le championnat suédois est meilleur que le finlandais. Mais, si je voulais progresser, il fallait que je tente ma chance dans un environnement meilleur. Et la Norvège m’offrait cette possibilité. J’ai abouti là-bas à l’âge de 18 ans. En l’espace de quatre saisons, j’ai appris beaucoup, non seulement sur le plan sportif mais aussi sur le plan humain. Même si j’ai le sentiment d’être toujours un gamin aujourd’hui. Quand je discute avec Vincent Kompany, je me demande qui est le plus jeune. C’est fou comme il a de la maturité pour son âge !

Anderlecht mène le bal en championnat, avec le FC Bruges dans sa foulée. Deux clubs qui tiennent le haut du pavé en Belgique mais qui sont les derniers de leur groupe en Ligue des Champions. Un juste reflet de la réalité à ces niveaux ?

Tihinen : Non, nous valons mieux qu’une dernière place sur la scène européenne. Nous n’avons pas les qualités d’une grosse pointure comme le Bayern, même si pendant une demi-heure, nous avons donné une bonne réplique face aux Allemands. Mais Lyon ne m’a pas impressionné outre mesure et le Celtic ne nous est pas supérieur. Simplement, dans une mini-compétition comme la Ligue des Champions, on n’a pas la possibilité de se racheter après un faux-pas, alors que c’est le cas en championnat.

Wilhelmsson : La différence entre Anderlecht et le Bayern, c’est que les Allemands sont capables de corriger le cours des événements durant la rencontre. Ils l’ont prouvé en se tirant d’une situation compromise face au Celtic, quand ils étaient menés. Et ils l’ont encore démontré en revenant à la marque contre nous alors qu’ils étaient en infériorité numérique. Cette faculté-là, on ne l’a pas. Et c’est ce qui nous sépare des plus grands. A défaut de combler ce retard, on peut l’amenuiser en peaufinant tant et plus un système. Ce doit être le mot d’ordre dans les mois à venir.

 » Seul Ruud van Nistelrooy m’a fait souffrir un jour  » (Hannu Tihinen)

 » Anderlecht n’exploite que 80 % de son potentiel  » (Christian Wilhelmsson)

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